Ainsi donc, il dut beaucoup dès le principe à sa famille et à sa race du bon pays d’Artois, comme il l’appelait ; même lorsqu’il affligeait ses proches par ses écarts et qu’il les étonnait par ses aventures, il continuait de leur être fidèle par bien des traits et de leur appartenir d’une manière reconnaissable : et aujourd’hui, après un siècle presque écoulé, lorsque la renommée a fait le choix dans ses œuvres, lorsque l’oubli a pris ce qu’il a dû prendre et que, seule, la partie immortelle et vraiment humaine survit, — aujourd’hui, en leur apportant plus que jamais ce renom de grâce, de facilité, de naturel, de pathétique naïf, qui est son lot et qui le distingue, il trouve encore à leur emprunter de cette estime solide, de cette autorité bien acquise et de cette considération publique universelle qui s’ajoute si bien à la gloire.
Et puis, outre cette culture du millet qu’on a rappelée spirituellement, il y a, ne l’oublions pas, à compter aussi cette autre semence invisible et légère qu’on appelle la gloire, qui n’est point aussi vaine qu’on le croirait, qui étouffe et chasse des cœurs les tièdes mollesses, les empêche à temps de se corrompre, et qui, impérissable par essence, s’entretient dans les âmes et les races généreuses à travers les siècles86.
Alors, de nouvelles races s’occuperont de parcourir le cercle dans lequel nous sommes déjà peut-être plus avancés que nous ne croyons.
Cromwell a voulu éteindre la race de ses rois, tu as voulu détruire la Faculté ; il n’a pris que le titre modeste de Protecteur, tu t’es contenté de celui de secrétaire de la Société, etc., etc. » Mais il ne faudrait pas croire que tout cela ait été dit au sérieux ; la lettre mise sous le nom d’Andry, membre de la Société royale, n’est faite que pour ridiculiser tout le monde et Andry lui-même ; celle lettre est encore de Le Roux des Tillets.
Mais aux générations qui se succèdent il faut quelque chose de plus, pour qu’elles consentent à voir l’âge d’or dans le passé, sur la foi des vieillards ; il faut, selon Bailly, que la race ait été transplantée : On peuplait jadis plus qu’on ne fait aujourd’hui ; on vivait plus difficilement, parce que la terre était moins cultivée : de là la nécessité d’envoyer au loin des colonies, de chasser hors de l’habitation nationale des essaims nombreux, comme font encore de nos jours les abeilles.
Le jeune Ramond participa intellectuellement de cette double origine ; il montra de bonne heure la vivacité, la promptitude brillante d’impressions qui caractérise les races du Midi, et il y mêla de la sensibilité et quelque chose de l’enthousiasme du Nord.