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439. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Il devient, à la fois, emblème, allégorie, symbole et réalité. […] Car dans le moindre frisson où se pâment les blés et les cœurs, le poète percevra une loi éternelle ; de la réalité il déduira le paradis et sur ce banal fait divers, que nous apporte le gris papier du jour, il bâtira une éclatante épopée… » M.  […] Elle m’apparaît cette théorie (la théorie naturiste) bien plutôt comme une lumineuse méthode d’interpréter la vie quotidienne, de s’intéresser avec une égale allégresse aux successives représentations de l’heure et du jour — que comme un moyen de fixer dans leur détail la multiplicité des réalités vivantes… Où donc M. de Bouhélier trouverait-il les éléments d’un roman ?

440. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Le bourgeoisisme, qui est à l’histoire ce que le rationalisme est à la philosophie, abhorre la légende et la distingue de la réalité. […] Amené, nous dit l’introduction, par l’ensemble de ses travaux sur la Gaule romaine, à s’occuper d’Attila et de son irruption au midi du Rhin, en 451, l’historien s’est arrêté avec une curiosité indicible devant l’étrange et terrible figure du roi des Huns, et il a eu la prétention de le contempler dans sa réalité, et en dehors de toute fantasmagorie et de tout mirage. Pour arriver à ce résultat, il a consulté Priscus, toutes les chroniques du ve  siècle, Jornandès, Prosper d’Aquitaine, les poèmes teutons, les légendes latines et orientales, les chants de la Germanie et enfin les traditions hongroises, dont il ferme avec émotion le dernier et éblouissant anneau ; et c’est de tous ces mirages pourtant, c’est de toutes ces fantasmagories qu’il a fait jaillir une figure qu’il appelle la vraie, et qui est peut-être la fausse, car où est la réalité ?

441. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Lui qui avait de la réalité à côté de l’imagination dans la tête, qui avait de l’observation, de la netteté dans le regard, et de la raillerie au service de tout ce qui était hypocrite, pédant et niais, croit à la perfectibilité du genre humain comme le plus simple épicier de cette grande époque, dont c’est l’opinion. […] une espèce de sorcier « évoquant par une sorcellerie intérieure des réalités qu’il fausse »… Il représente « non pas des hommes, mais des forces »… « Il n’y a pas dans Balzac de moralité qui distingue l’affreux libertin dans la vieillesse, Hulot, du noble honnête homme ; le coquin déhonté, le hideux intrigant, Vautrin, l’homme du bagne, du pauvre Lambert ; la vile courtisane, de la vierge mystique et chaste. » J’ai copié textuellement, car un pareil mensonge de fait, qu’on réfute en ouvrant seulement Balzac, on aurait pu me l’imputer. […] Ce n’est pas Chasles qui a inventé le voyant, le sorcier dans Balzac, l’évocateur qui fausse les réalités ; tout cela était connu depuis des éternités, jonchait les journaux et les livres.

442. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

La sincérité qui a été la vertu maîtresse de sa vie, qui l’a fait se donner à Dieu sans réticences, lui ordonne à présent de rentrer dans le monde pour vivre sa vie d’homme. « S’en aller, il fallait s’en aller… » Sa rédemption le transfigure, la voix de la réalité l’emplit tout entier, effaçant tous ses vœux, toutes ses promesses antérieures. « C’était comme la conception et la vraie naissance d’un être nouveau. » Et le jour de Pâques, après être monté en chaire pour demander pardon aux hommes de leur avoir prêché l’erreur, trahissant ainsi son serment d’enseigner toujours la vérité, il sort de l’Église et rejoint son cousin, le docteur, qui l’attend à la porte. « Nous allons ?  […] Les connaissances dont se nourrit le séminariste sont basées sur un mensonge systématique, sur un viol méthodique de la réalité. […] C’est à tous qu’il importe d’ouvrir les yeux à la réalité ; mais c’est aux jeunes êtres voués au Minotaure-Église qu’il serait nécessaire d’adresser les plus pressantes paroles, les plus chauds et les plus directs avis.

443. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

On se réveille, et du journal dont les lignes s’estompent il reste une tache blanche avec de vagues raies noires : voilà la réalité. […] l’illusion devient bien vite réalité. […] Mais, dans le rêve, le souvenir interprétatif de la sensation visuelle reconquiert sa liberté ; la fluidité de la sensation visuelle fait que le souvenir n’y adhère pas ; le rythme de la mémoire interprétative n’a donc plus à adopter celui de la réalité ; et les images peuvent dès lors se précipiter, s’il leur plaît, avec une rapidité vertigineuse, comme feraient celles du film cinématographique si l’on n’en réglait pas le déroulement, Précipitation, pas plus qu’abondance, n’est signe de force dans le domaine de l’esprit : c’est le réglage, c’est toujours la précision de l’ajustement qui réclame un effort.

444. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Faramond, Maurice de (1862-1923) »

Ce fut moins une pièce qu’une série de tableaux d’une réalité si simple et si profonde que, dépassant le réalisme, ils atteignaient à l’épique parfois… Et voici que Monsieur Bonnet, œuvre plus aboutie dans deux actes au moins, de tenue verbale presque parfaite, — sans de ces accrocs ingénus qui avaient pu susciter des rires, naguère, — se diminue du même fait : l’abstraction.

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