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342. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Il faut même reconnaître que l’intérêt romanesque se soutient assez bien ; mais les caractères manquent de réalité. […] Telle a été la réalité historique que miss Kemble avait choisie. […] Nous assisterons à la transformation de la réalité, et le tableau ennoblira le modèle. […] L’historien et le poète prétendent tous les deux à une réalité complète. […] Il s’est souillé à la réalité.

343. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Quiconque est poëte à ce degré reste poëte jusqu’à la fin ; et quoiqu’il écrive en face de la réalité, il la transgresse toujours ; il ne lui est pas donné de redescendre. […] quand je m’échappe quelquefois à parler du factice inévitable des rôles humains ; quand j’ai l’air de me plaire à la pure réalité, ce n’est pas que je me dissimule les misères et les petitesses de celle-ci, ce n’est pas que je méconnaisse le mérite et la force des entreprises. […] À s’en tenir au point de vue de la stricte réalité, on sait déjà les inconvénients de toute chose, le néant des amitiés, le revers des enthousiasmes, l’insuffisance des doctrines stoïques et altières. […] Ballanche : « Tout se passe au fond de notre cœur, et c’est notre cœur seul qui donne à tout l’existence et la réalité. »  Pendant qu’il joue au bord de la mer à Saint-Malo, le chevalier de Chateaubriand a pour ami d’enfance un compagnon espiègle, hardi et provocateur, qui exerce un grand empire sur lui, et à qui il attribue, comme à une étoile jumelle, une influence mystérieuse et superstitieuse sur sa destinée.

344. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Sous le couvert des doctrines générales dont ils sont épris, outrageusement pour la réalité des détails et les humbles notions de l’évidence, ils vont fabriquant un masque grandiose à des figures avant tout hideuses, à des monstruosités individuelles. […] Cicéron et Sénèque consolaient davantage par des lieux communs, par des considérations lointaines et médiocrement touchantes ; Marc-Aurèle eût été plus stoïque et serait moins entré dans une douleur : mais je me figure que le gendre d’Agricola, s’il avait eu à entretenir un ami sur la mort d’un père, l’aurait abordé ainsi dans des termes a la fois mâles et compatissants, sobrement appropriés à une réalité grave, Pour qui lirait superficiellement toute cette Correspondance, il pourrait se faire qu’un des traits les plus intéressants à y saisir échappât. […] Avec les années, je pense, l’une écrivant, se produisant davantage, et rabattant par degrés son stoïcisme au pied de la réalité, l’autre se dégageant de son nuage et continuant de mûrir, elles auraient de moins en moins différé86. […] Comme cette femme soutient le regard au point de vue de la réalité !

345. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Il n’est pas d’étude, quelque mince que paraisse son objet, qui n’apporte son trait de lumière à la science du tout, à la vraie philosophie des réalités. […] Je crois comme Kant que toute démonstration purement spéculative n’a pas plus de valeur qu’une démonstration mathématique et ne peut rien apprendre sur la réalité existante. […] En géométrie, en algèbre, on peut sans crainte s’abandonner au jeu des formules, sans s’inquiéter, dans le courant du raisonnement, des réalités qu’elles représentent. […] Saint-Simon mena, comme introduction à la philosophie, la vie la plus active possible, essayant toutes les positions, toutes les jouissances, toutes les façons de voir et de sentir, et se créant même des relations factices, qui n’existent pas ou se présentent rarement dans la réalité.

346. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Schiller s’appelait idéaliste parce que son point de départ était une idée abstraite et qu’il chargeait cette idée de créer les personnages de ses drames ; Goethe se disait réaliste parce que son point de départ était la réalité, la nature, la vie, observées dans leurs phénomènes innombrables. […] Il est impossible de peindre avec plus de précision, avec une réalité plus poignante, plus brutale, l’avilissement de cette malheureuse femme, que semblent excuser pourtant les circonstances de sa vie. […] Voilà toute une part de la réalité qui fait défaut dans cette restauration de Carthage ; quant aux choses que M.  […] Il veut peindre la réalité telle qu’elle est, donner à chaque chose son relief, et il ne s’aperçoit pas que cette attention accordée à tous les objets indifféremment, détruisant l’effet de l’ensemble, détruit aussi le détail.

347. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chansons des rues et des bois » (1865) »

La réalité est dans ce livre, modifiée par tout ce qui dans l’homme va au-delà du réel.

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