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1161. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] Il écrivit des ballades allemandes très romantiques, mais qui, à nous, nous paraissent trop féeriques ou trop puériles ; puis des études remarquables sur la botanique, puis des Essais sur les couleurs où il crut détrôner Newton, puis le roman de Wilhelm Meister, espèce de rêve d’un Juif errant de l’humanité, plein d’intentions souvent inintelligibles, et parsemé de réalités délicieuses telles que l’épisode de Mignon ; puis un roman apocalyptique des Affinités électives, énigme dont le mot n’est pas encore trouvé.

1162. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Dans la religion, dans la guerre, dans l’amour, le merveilleux se mêle à la réalité, ou s’y substitue entièrement. […] Là on le voit dans ce naturel qui se perfectionnera sans changer ; ennemi des préjugés, et vivant bien avec eux ; pénétrant les réalités derrière les apparences, et l’homme sous l’habit ; obéissant aux puissances ; à condition de n’en être pas dupe ; narguant toute classe qui profite de la simplicité populaire ; ami des innovations praticables, du progrès, et point de ce qui n’en a que l’air plus malin que méchant ; « cette certaine gaieté d’esprit, dont parle Rabelais, conficte en mespris des choses fortuites. » Le bon sens français a chassé le merveilleux romanesque ; la dissertation qui a pour objet d’établir quelques vérités pratiques, a remplacé les récits qui ne font qu’amuser.

1163. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Les sages qui vont à la réalité ont l’air d’être ses ennemis ; et les charlatans qui s’en tiennent aux lieux communs sont de droit ses amis. […] C’est là un peu notre manière ; nous sommes une nation extérieure et superficielle, plus jalouse des formes que des réalités.

1164. (1909) De la poésie scientifique

Mais, que, le délivrant du sens erroné que nous a transmis à l’égard du poète et de l’art poétique la tradition imaginative, nous entrions en sa simple réalité, nous verrons le mot : « inspiration » n’être que l’équivalent improprement imagé du mot : — « intuition », au même sens philosophique-scientifique où nous l’avons voulu. […] Or, si loin que nous exaltions notre aventure aux nostalgies éternelles de la Métaphysique, sans souci des divisions scolastiques et de leurs délimitations entravantes et sans valeur, nous en voulons retrouver le sens en la réalité de la Substance, de ce : « que le spiritualisme, c’est-à-dire pour moi, le plus de conscience prise du Tout, émane perpétuellement de la matière en évolution »25.

1165. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Que c’est donc beau la vraie émotion et le poignant de la réalité d’une sincère douleur ! […] C’est Mme ***… 30 mars Un temps de pluie, des jours de vie vague, où la réalité de l’existence est comme noyée, délavée dans la liquidité des heures.

1166. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et dans la réverbération brûlante des deux fleuves, ivre de lecture et d’alcool sucré, — et myope comme il l’était — l’enfant arrivait à vivre, ainsi que dans un rêve, une hallucination, où, pour ainsi dire, rien de la réalité des choses ne lui arrivait. […] Je me résous à mettre dans le renfoncement, et le vague d’un souvenir, toutes les scènes de b.., et de cour d’assises, que je voulais peindre dans la réalité brutale de la mise en scène, et les trois parties de mon roman se condensent en un seul morceau.

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