Certes, M. de Girardin eut alors un sentiment très-vrai de la situation, des divers moments et comme des divers accès par où le mal allait empirant chaque jour, et lorsque le 24 février éclata, il était en règle, il avait poussé d’avance tous les cris d’alarme ; on l’avait même vu, dans la séance du 14 février 1843, après un vote de la majorité qui qualifiait la minorité avec injure, déposer sur le bureau du président sa démission de député et signifier sa sortie de la Chambre jusqu’à de nouvelles élections générales : il donnait pour motif qu’il ne voyait pas de place possible entre une majorité intolérante qui s’égarait, et une opposition inconséquente qui allait on ne sait où. […] Il a des dossiers de citations et d’objections en règle, citations ad hoc, objections ad hominem.
Ces projets de réforme radicale dans l’orthographe, mis en avant par Meigret et par Ramus, ont échoué ; Ronsard lui-même recula devant l’emploi de cette écriture en tout conforme à la prononciation : il se contenta en quelques cas d’adoucir les aspérités, d’émonder quelques superfétations, d’enlever ou, comme il disait, de racler l’y grec : il avait d’ailleurs ce principe excellent que « lorsque tels mots grecs auront assez longtemps demeuré en France, il convient de les recevoir en notre mesnie et de les marquer de l’i français, pour montrer qu’ils sont nôtres et non plus inconnus et étrangers. » — Et pour le dire en passant, cette règle est celle qui se pratique encore et qui devrait prévaloir pour tout mot ou toute expression d’origine étrangère. […] Un ancien ministre et conseiller d’État d’un précédent régime, homme de beaucoup d’esprit et de beaucoup de littérature64, racontait agréablement ceci aux dépens d’un de ses collègues, meilleur administrateur que grammairien : « Du mot règle, disait-il, on a fait régler ; de régler, on a fait règlement ; dérèglement, on a fait réglementer… C’est déjà un peu fort, et dans les commissions on n’en fait pas d’autres ; mais on ne s’en est pas tenu là : de réglementer, on a fait réglementation… Passe encore ; mais un jour Ducos ne s’est-il pas avisé de vouloir faire de réglementation le verbe réglementationner !
Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique L’on s’est persuadé pendant quelque temps, en France, qu’il fallait faire aussi une révolution dans les lettres, et donner aux règles du goût, en tout genre, la plus grande latitude. […] Chaque jour on mettait plus de subtilité dans les règles de la politesse et du goût ; on s’éloignait toujours plus dans les mœurs des impressions de la nature.
A Physis, la bonne mère, s’oppose Antiphysie, source de tout vice et de toute misère : et toute règle qui comprime ou mutile la nature est une invention d’Antiphysie. […] Car je veux bien qu’il n’ait pas dégoût (et il ne pouvait en avoir sans se démentir lui-même), du moins il a conscience et réflexion, et son sujet ne l’entraîne pas : il le règle comme il veut.
Abandonné à des écrivains amateurs, à des femmes, il se trouvait, au début du xviiie siècle, libre et souple, sans règles, à traditions multiples et flottantes, prêt à recevoir toutes les formes, à contenir toutes les pensées. […] Car la vie matérielle soumet à ses nécessités le travail littéraire ; le besoin d’argent règle la production.
Ce qu’on disait de notre langue à son berceau, quand elle n’avait ni constitution, ni règles certaines, un grand homme allait le confirmer au commencement du xvie siècle. […] Elle n’analyse pas, elle ne pénètre pas dans les plis du cœur ; d’un mot, elle règle toute une suite de mouvements qui naissent les uns des autres ; une même prescription s’étend à toutes les sortes d’infractions possibles.