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176. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

L’individu suit sa passion, cherche son plaisir, rejetant toute règle : et quelle règle plus gênante que la règle chrétienne ? […] Par là ce pamphlet est demeuré un des livres que lira toujours quiconque, chrétien ou non, cherchera sa règle de vie : il a réalisé cette loi des grandes œuvres d’art, de dépasser les circonstances contingentes qui lui ont donné l’être, et de revêtir un intérêt absolu, universel. […] Pour les règles, l’auteur n’en reçoit que de son sujet : et dans le mépris de la rhétorique il trouve le plus juste emploi et le maximum de puissance de tous les moyens de la rhétorique, qui, chez lui, sont reçus de la nature des choses, qui partout sont les formes propres et nécessaires, partout aussi les formes simples et naturelles. […] Dans la première partie, Pascal établit seulement l’impuissance transcendantale et métaphysique de la raison, qui ne donne qu’une certitude imparfaite dans un domaine restreint ; dans la seconde partie, Pascal parle des causes multiples qui, dans son domaine même, font errer souvent la raison ; mais il sait le remède, et les règles par lesquelles on est assuré de faire un bon usage de sa raison.

177. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Montaigne se plaît dans les vérités d’expérience, les dissemblances individuelles, les contradictions, les fluctuations de l’homme, les particularités et les bigarrures des opinions, des gouvernements, des polices, de la morale ; il cherche à son aise des faits vrais plutôt qu’il ne poursuit la vérité elle-même, pour y trouver une croyance et une règle. […] C’est cet homme qui se fait une taille pour toutes les formes d’habit ; qui imite tout ce qui plaît ; qui se règle en toutes choses par la réputation plutôt que par la raison. […] Il y a là pourtant une sorte de naturel, c’est celui d’une personne dont la raison ne règle point toujours l’imagination et la sensibilité, mais qui met une certaine grâce à ne s’en point cacher, et qui, n’ayant d’ailleurs que des caprices supportables ou des défauts modérés, s’y abandonne naïvement, dans une mesure qui n’incommode personne. […] Les règles données dans le corps de l’ouvrage, pour ce qui regarde la conduite de la vie, ne sont que des développements de la Méthode. […] Mais sous l’empire de cette règle, qui ne gêne que nos défauts, la prose française allait recevoir de grands accroissements de la variété des sujets et du génie propre de chaque auteur.

178. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

En littérature, elle a suivi les créations ; les règles ne sont que les raisons du plaisir que nous prenons aux beautés des lettres. […] Qui applique les règles littéraires n’a rien fait, si d’abord il n’a créé. […] Au temps où Boileau y conviait tous les poètes, comme à la source de toute création durable, l’esprit chrétien avait fait, de cette connaissance, la plus obéie des règles et la plus sûre des sciences. […] Nous continuons à douter qu’il soit dans les desseins de Dieu que nous étouffions de nos mains la lumière qui luit en chaque homme venant au monde ; mais nous demandons à Pascal son secours pour apprendre dans le christianisme la science de nous-mêmes et la règle de notre vie. […] La règle des mœurs ne tarda pas à s’en ressentir.

179. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

C’étaient précisément ces fameuses règles de l’unité de temps et de lieu. […] N’accusons donc pas le poète, mais les règles absurdes dans lesquelles il était serré et mis à la gêne. […] Dans la pièce française, serrée par la règle des vingt-quatre heures, le mariage était impossible le jour même. […] Puis il arbore les règles dramatiques, Aristote, Horace, Heinsius, et autres. […] Je n’ai jamais lu Aristote, et ne sais point les règles du théâtre ; mais je règle le mérite des pièces selon le plaisir que j’y reçois.

180. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Lorsque Prevost se décida à sortir de la Congrégation de Saint-Maur, il ne songeait d’abord qu’à se retirer à Cluny, où la règle était moins austère ; il voulait simplement, comme il va nous le dire, quitter la Congrégation pour passer dans le grand Ordre , changer de branche au sein du même Ordre. […] Vous m’avez entretenu pendant huit ans ; je vous ai bien servi : ainsi, autant tenu, autant payé. » Prevost se croit parfaitement en règle par l’effet du bref qui le concerne et qu’il suppose déjà publié par l’évêque d’Amiens ; aussi il plaisante et pousse la raillerie jusqu’à l’offensive. […] Lui-même il a dit avec un mélange de satisfaction et d’humilité qui n’est pas sans grâce : « On se peint, dit-on, dans ses écrits ; cette réflexion serait peut-être trop flatteuse pour moi. » Il a raison ; et pourtant cette règle de juger de l’auteur par ses écrits n’est point injuste, surtout par rapport à lui et à ceux qui, comme lui, joignent une âme tendre et une imagination vive à un caractère faible ; car si notre vie bien souvent laisse trop voir ce que nous sommes devenus, nos écrits nous montrent tels du moins que nous aurions voulu être.

181. (1842) Discours sur l’esprit positif

Elle reconnaît désormais, comme règle fondamentale que toute proposition qui n’est pas strictement réductible à la simple énonciation d’un fait, ou particulier ou général, ne peut offrir aucun sens réel et intelligible. […] On doit, il est vrai, reconnaître, en général, que l’introduction de toute règle morale a dû partout s’opérer d’abord sous les inspirations théologiques, alors profondément incorporées au système entier de nos idées, et aussi seules susceptibles de constituer des opinions suffisamment communes. […] D’abord, cette fatale solidarité devait directement affaiblir, à mesure que la loi s’éteignait, la seule base sur laquelle se trouvaient ainsi reposer des règles qui, souvent exposées à de graves conflits avec des impulsions très énergiques, ont besoin d’être soigneusement préservées de toute hésitation. […] Outre cette impuissance croissante pour protéger les règles morales, l’esprit théologique leur a souvent nui aussi d’une manière active, par les divagations qu’il a suscitées, depuis qu’il n’est plus suffisamment disciplinable, sous l’inévitable essor du libre examen individuel. […] On conçoit pareillement, en sens inverse, que la règle du classement suppose celle de l’évolution, puisque tous les motifs essentiels de l’ordre ainsi établi résultent, au fond, de l’inégale rapidité d’un tel développement chez les différentes sciences fondamentales.

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