J’ajouterai qu’il y a tout un public et un ordre d’esprits sur lesquels cet ingénieux harcèlement n’a jamais de prise ; ce sont ceux qui goûtent avant tout quelques scènes de L’Étourdi de Molière, ou Les Folies amoureuses de Regnard. […] On dit même qu’il fut sur le point d’interrompre le prélat et de faire un appel public à l’assemblée. Quelques années après (1751), lisant dans une séance publique de l’Académie des Réflexions sur les hommes et sur les Romains, il parut trop viser au sérieux et eut peu de succès auprès du public ; c’est peut-être ce jour-là que, voyant qu’il n’était pas écouté à son gré, il termina brusquement sa lecture avec un mécontentement visible, dont nous sommes informés par d’Alembert. […] Le public en avait assez pour longtemps de ce mets délicat et de cette sucrerie dont on ne pouvait, sans s’affadir, goûter beaucoup à la fois.
Vicq d’Azyr fut le grand promoteur d’une Société ou Académie de médecine sans préjugés, vraiment moderne d’esprit et de méthode, ouverte même aux plus récentes lumières, et prête à répondre aux consultations du gouvernement sur tous les objets et toutes les questions qui intéressent la santé publique. […] Antoine Petit, pour le dédommager, le choisit pour son suppléant dans la chaire d’anatomie du Jardin des plantes, et Vicq d’Azyr y retrouvait le même public, la même affluence ; mais cette fois ce fut Buffon, intendant du Jardin des plantes, qui, destinant cette chaire à Portal plus ancien et plus connu, ne permit pas à Vicq d’Azyr de continuer. […] Au retour, on jugea indispensable de maintenir des correspondances, de recueillir et de comparer les observations, tant sur ce sujet que sur plusieurs autres qui intéressent la santé publique. […] De telles paroles prononcées par lui le 27 janvier 1778, au moment où la querelle s’envenimait, était la plus délicate vengeance ; elles devaient être goûtées et applaudies d’un public composé de plus en plus de gens du monde, et qui en avait les mœurs. […] Dans une unité plus parfaite de l’État, les grandes institutions publiques succéderont.
La Bibliothèque publique de Genève possède, entre autres manuscrits précieux, celui d’un poème latin de Jean-Marius Philelphe, savant du xve siècle. […] Il est bon quelquefois aux hommes de science de se sentir en présence d’un public moins sérieux, moins solide, et qui, par sa plus grande indifférence du fond, oblige les écrivains à s’évertuer. […] Si on ne l’avait pas mis en demeure une bonne fois de débiter sa science, et si on ne l’avait constitué à l’état de fontaine publique chargée d’en distribuer les eaux courantes à des générations qui en étaient avides, il n’aurait peut-être accumulé que des notes immenses et des réservoirs cachés. […] Le voisinage d’une revue qui le sollicita sans cesse, et qui le forçait à faire des coupes bien nettes dans ses vastes matériaux, a été aussi pour quelque chose dans cette détermination dernière, dans cette mise en dehors qui a été si profitable au public, et d’un résultat inappréciable pour nos générations. […] Citoyen de Genève, membre des assemblées et des conseils de son pays, il en sut remplir les devoirs avec chaleur, il paya largement sa dette politique dans la cité ; il en administra et dota les établissements publics ; il prit une part active et généreuse en 1823, avec Capo d’Istria et M.
À force de jeter le dé, elle rencontre le point favorable, gagne la multitude, et s’empare de la créance publique ; témoin la statue de Simon le Magicien19. Cette créance publique, élevée sur celle d’un particulier, devient ensuite elle-même pour le particulier un nouveau degré de crédibilité, et le fait en est mieux cru qu’auparavant. […] Ses ouvrages ont leur mérite, et justifient en quelque sorte le cas que le public en fait : ils sont compassés et élégants, et ils ont quelque chose qui impose. […] Ils font sentir que le tout n’est qu’un jeu, que le poète n’a d’autre vue que de s’égayer et de remporter l’approbation du public, du grand nombre qui prend goût à ces malignités. […] Par cette raison principalement, je le crois autant au-dessous de l’excellent, où la voix publique le place, qu’au-dessus du médiocre qu’il attaque avec succès dans ses satires ; et je suis persuadé que le temps, qui met le vrai prix aux auteurs, ne placera pas celui-ci au premier rang où son siècle le place.
Il a donc été écouté, mais pas avec toute l’attention et le silence qui sont dus à tout organe de l’enseignement public, et auxquels avait droit particulièrement un savant qui est maître en son genre. […] Viollet-Le-Duc qui ne sont pas trop spéciaux, j’ai pensé qu’il y avait lieu de profiter d’une circonstance qui le met tout d’un coup en vue et en contact avec le public pour expliquer à ceux qui le connaissent moins, quel il est, et l’ordre d’idées qu’il représente dans l’art, dans l’histoire et l’érudition littéraire. […] Viollet-Le-Duc fut appliqué aux travaux publics et passa par les différents degrés qui mènent à la maîtrise d’architecture. […] Guizot, en 1835, du Comité historique de la langue, de la littérature et des arts près le ministère de l’Instruction publique, donna un point d’appui et de ralliement aux travaux ultérieurs. […] En architecture (puisque c’est de cela qu’il s’agit en ce moment), le Romain, qu’on ne prétend nullement déprécier parce qu’on essaye de le définir, est grand bâtisseur, et il l’est en vue surtout de l’utilité publique comme de la majesté de l’Empire ; il porte dans les monuments qu’il élève une structure puissante, logique, sensée, uniforme, qui affecte l’éternité et va de soi à la grandeur.
Janin, en composant le roman qu’il vient de publier, a eu l’excellente idée, et bien digne d’un véritable homme de lettres, de se distraire depuis deux ans du spectacle des choses publiques, du spectacle de la rue, et de chercher dans un sujet emprunté au Grand Siècle un oubli des misères et des ennuis du présent. […] Le créateur du feuilleton au Journal des débats, Geoffroy, répondit une fois avec raison et fierté à l’un de ses adversaires : Ce n’est pas une petite affaire d’amuser le public trois ou quatre fois la semaine ; d’avoir de l’esprit à volonté, tous les jours, et sur toutes sortes de sujets ; de traiter les plus sérieux d’un ton badin, et de glisser toujours un peu de sérieux dans les plus frivoles, de renouveler sans cesse un fonds usé, de faire quelque chose de rien… Je suis loin de me flatter d’avoir rempli toutes ces conditions ; je vois ce qu’il eût fallu faire, sans avoir la consolation de penser que je l’ai fait ; mais enfin, comme tout cela est fort difficile, n’avais-je pas droit à quelque indulgence ? On serait bien malheureux, en pareil cas, d’en être réduit à réclamer l’indulgence, car le public n’en a guère ; il veut avant tout son divertissement et son plaisir. […] Il s’acquit l’estime publique et devint chancelier de l’Église et de l’Université de Toulouse. […] L’émotion que causèrent ces dernières scènes fut vive dans le public, et il en est resté sur cet institut de l’Enfance une impression du genre de celles qui s’attachent aux touchantes et tragiques infortunes.