Emporté par ses propres ailes, il veut aller au hasard, tout tirer de son propre fonds et découvrir tout sans rien chercher. […] Est-ce pour la modifier et l’arranger à son usage, pour les satisfactions de sa propre vie physique et morale ? […] C’est lui, l’ingrat, qui a fait entrer la laideur dans son domaine et dans sa propre famille. […] L’homme s’en prendra-t-il à Dieu de sa propre folie ? […] Manfred n’est despotique et arrogant qu’avec les personnes infernales, c’est-à-dire avec ses propres passions et ses propres pensées.
Guillaume Favre eut son rôle particulier au milieu de tous ces hommes d’élite et dans ce beau quart de siècle de Genève : il fut proprement l’érudit, l’homme des recherches curieuses dans le champ de l’Antiquité, sur les points les plus obscurs de l’histoire des âges barbares, ou sur des recoins oubliés de l’époque de la Renaissance ; également et indifféremment propre à disserter sur un vers de Catulle, sur l’ancienne littérature des Goths, ou sur un ouvrage manuscrit de quelque savant du xve siècle. […] Le biographe peut prendre de ces soucis pour son propre compte, mais il est mieux qu’il les garde pour soi, et qu’il dirige son lecteur vers quelque but, dans quelque sens déterminé. […] On a voulu m’engager à répondre, mais je n’ai jamais fait attention à ces glapissements de la meute journaliste… On sent à ces derniers mots la hauteur de dédain propre à Schlegel. […] Guillaume Favre ne paraît pas s’être posé ces questions, ni s’être jamais pris à partie lui-même sur son mode de développement toujours servi par les circonstances ; il apportait dans les lettres un esprit et une méthode d’observation positive ; il ne songeait qu’à la vérité du fait qu’il poursuivait et à sa propre satisfaction individuelle.
Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers. […] Juin 1829 Cet article, dont le ton n’est pas celui des précédents ni des suivants, et dont l’auteur aujourd’hui désavoue entièrement l’amertume blessante, a été reproduit ici comme pamphlet propre à donner idée du paroxysme littéraire de 1829. […] Quelques-uns de ses vers religieux (en les supposant écrits depuis cette date fatale) semblent même s’inspirer du sentiment énergique qu’il a de sa propre innocence : « Mais de ces langues diffamantes Dieu saura venger l’innocent, etc. », et plusieurs semblables endroits. […] Nul mieux que lui ne semble propre à vérifier ce propos du malin : Faute d’idée, il allait faire une ode !
La religion chrétienne exige aussi l’abnégation de soi-même, et l’exagération monacale pousse même cette vertu fort au-delà de l’austérité philosophique des anciens ; mais le principe de ce sacrifice dans la religion chrétienne, c’est le dévouement à son Dieu ou à ses semblables, et non, comme chez les stoïciens, l’orgueil et la dignité de son propre caractère. […] Une morale toute sympathique était singulièrement propre à faire connaître le cœur humain ; et quoique la religion chrétienne commandât, comme toutes les religions, de dompter ses passions, elle était beaucoup plus près que le stoïcisme de reconnaître leur puissance. […] Mais le genre d’esprit qui rend propre à l’étude des sciences, se formait par les disputes sur les dogmes, quoique leur objet fût aussi puéril qu’absurde. […] Les dogmes spirituels exerçaient les hommes à la conception des pensées abstraites ; et la longue contention d’esprit qu’exigeait l’enchaînement des subtiles conséquences de la théologie, rendait la tête propre à l’étude des sciences exactes.
Ces associations étaient singulièrement propres aux travaux érudits, qui devaient faire sortir de l’oubli tant de chefs-d’œuvre ; mais les établissements publics sont, par leur nature même, entièrement soumis aux gouvernements ; et les corporations sont, comme les ordres, les classes, les sectes, etc., extrêmement utiles à tel but désigné, mais beaucoup moins favorables que les efforts et le génie individuels à l’avancement indéfini des lumières philosophiques. […] Ils se moquent de leur propre manière d’être. […] On dirait qu’il ne songeait point à ses lecteurs, et que partant de points convenus avec sa propre pensée, il croyait inutile de se déclarer à lui-même ses opinions. […] Ainsi peut-être l’italien est-il de toutes les langues de l’Europe la moins propre à l’éloquence passionnée de l’amour, comme la nôtre est maintenant usée pour l’éloquence de la liberté.
Il faut que l’existence parte de soi, au lieu d’y revenir, et que, sans jamais être le centre, on soit toujours la force impulsive de sa propre destinée. […] Si l’objet qui vous est cher vous est enlevé par la volonté de ceux dont elle dépend, vous pouvez ignorer à jamais ce que votre propre cœur aurait ressenti, si votre amour, en s’éteignant dans votre âme, vous eût fait éprouver ce qu’il y a de plus amer au monde, l’aridité de ses propres impressions ; il vous reste encore un souvenir sensible, seul bien des trois quarts de la vie ; je dirai plus, si c’est par des fautes réelles dont le regret occupe à jamais votre pensée, que vous croyez avoir manqué le but où tendait votre passion, votre vie est plus remplie, votre imagination a quelque chose où se prendre, et votre âme est moins flétrie que si, sans événements malheureux, sans obstacles insurmontables, sans démarches à se reprocher, la passion par cela seulement qu’elle est elle, eût, au bout d’un certain temps, décoloré la vie, après être retombée sur le cœur qui n’aurait pu la soutenir. […] En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience.