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664. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il a conçu de telle façon les caractères du frère et de la sœur, il a si fortement éclairé l’opposition de leurs égoïsmes fanatiques, que la victoire d’Horace doive produire la douleur frénétique de Camille, et celle-ci exaspérer la rage patriotique de son frère jusqu’à l’assassinat : ce dernier effet de la passion d’Horace pour Rome nécessite à son tour le jugement, que le précédent effet, qui est la victoire sur Albe, fait forcément aboutir à un acquittement. […] On a coutume de leur opposer le génie libre et sans entraves de Shakespeare : mais Shakespeare, s’il ne subissait pas une tradition despotique, subissait les conditions que son génie et son bon sens lui disaient être nécessaires à l’œuvre d’art pour produire son effet : d’instinct, sans dogmatiser et sans disserter, il s’y conformait, il y en enfermait sa verve et son inspiration.

665. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

La négation du miracle, cette idée que tout se produit dans le monde par des lois où l’intervention personnelle d’êtres supérieurs n’a aucune part, était de droit commun dans les grandes écoles de tous les pays qui avaient reçu la science grecque. […] Mais dans sa grande âme, une telle croyance produisait des effets tout opposés à ceux où arrivait le vulgaire.

666. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

L’individu en naissant est tout entier un produit héréditaire. C’est ce produit héréditaire qui, dès les premiers jours qui suivent la naissance, entre en concours ou en conflit avec les images que font briller dans sa conscience l’exemple d’abord, puis l’enseignement moral, l’instruction, la littérature, l’art.

667. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Et, en effet, pour Charles Weiss, comme pour le siècle dont il est le fils, le mal produit par la révocation de l’Édit de Nantes a été le plus grand mal qui puisse arriver à un gouvernement ou à un peuple ; et savez-vous pourquoi ? […] Aussi, nous le disons en finissant, et c’est par là que nous voulons terminer, quoique nous appréciions très bien ce qu’il y eut de cruel et de vraiment digne de regret dans nos pertes, à cette époque de notre histoire, une si fastidieuse exactitude finit par manquer entièrement l’effet qu’un récit moins traîné dans le terre-à-terre des détails devait produire, même sur les esprits les moins enclins à s’attrister.

668. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Et ce que je dis là s’est produit sans nulle exception, sans nulle interruption, pendant trente-sept ans, et continue de se produire encore, depuis Victor Hugo jusqu’à Leconte de Lisle, le chef de la meute de ces bassets poétiques qui jappent maintenant et qui se sont appelés si fastueusement : le Parnasse contemporain, quoiqu’ils n’eussent rien de Parnasse et encore moins de contemporain !

669. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

Né dans ce tourbillon de poussière que l’on appelle, par une dérision de l’histoire, les États-Unis34 ; revenu, après l’avoir quittée, dans cette auberge des nations, qui sera demain un coupe-gorge, et où, bon an mal an, tombent cinq cent mille drôles plus ou moins bâtards, plus ou moins chassés de leur pays, qu’ils menaçaient ou qu’ils ont troublé, Edgar Poe est certainement le plus beau produit littéraire de cette crème de l’écume du monde. […] Edgar Poe, le Bohême de génie, n’est après tout ni plus ni moins qu’un Américain, l’énergique produit et l’antithèse du monde américain des États-Unis !

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