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1507. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais il est peut-être vrai aussi qu’un roman doit être plus logique, plus lié, plus clair que la réalité, et que MM. de Goncourt se sont dispensés plus qu’il n’aurait fallu des règles les mieux fondées de la composition, de tout ce qui, dans une œuvre d’art, produit, pour employer leurs expressions « la tranquillité des lignes » et l’air de « santé courante », donne une impression de grandeur et de beauté, délivre de toute inquiétude l’émotion esthétique et mêle à l’admiration un sentiment de sécurité. […] Et parmi celles-là ils accentuent celles qui se rapportent le mieux à l’impression générale qu’ils veulent produire. […] Sainte-Beuve dit quelque part50 que chaque grande époque produit « des esprits qui semblent faits pour elle, qui s’en imprègnent et qui ne datent que d’elle en quelque sorte. » MM. de Goncourt semblent être, parmi les artistes de lettres, de ces esprits-là.

1508. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

L’homme qu’il étudie, qu’il cherche en lui et dans le témoignage de l’humanité, c’est, selon ses propres paroles, cet être si grand, qui n’est produit que pour l’infinité ; qui, à l’égard du néant, est tout ; le plus prodigieux objet de la nature ; capable de connaître le bien ; grand, puisqu’il connaît sa misère ; plus noble que l’univers qui l’écraserait, parce qu’il connaîtrait qui l’écrase. […] La sincérité de ces solitaires qui sont sans complaisance pour l’ouvrage de leur ami ; l’auteur qui s’en aperçoit et les en loue ; Pascal prié d’entreprendre un travail où Arnauld n’a pas réussi, et qui accepte la tâche par déférence et dévouement ; ce grand succès produit par des causes si pures ; où y a-t-il un plus bel exemple et un meilleur enseignement ? […] La sévérité n’en gêne pas la liberté, et la liberté n’y produit pas le relâchement.

1509. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Je n’en veux pas conclure que l’Académie française les ait suscités, ni que ses décisions sur le langage eussent produit des chefs-d’œuvre. […] Sans en prescrire formellement l’emploi, il les invitait à se produire, sentant bien qu’ils étaient conformes au génie de la langue. […] Le mal eût été grand si, à cette époque privilégiée, où la mode même avait plus de bon que de mauvais, le besoin de produire n’eût pas été plus fort que celui de choisir les termes, et s’il n’y avait eu plus d’ardeur pour enrichir la langue que pour l’épurer.

1510. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Cousin, la grande rénovation que l’Allemagne opérait dans presque toutes les sciences historiques, puis les voyages, puis l’ardeur de produire, m’entraînèrent et ne me permirent pas de songer à des années qui étaient déjà loin de moi. […]  » Tu es vraie, pure, parfaite ; ton marbre n’a point de tache ; mais le temple d’Hagia-Sophia, qui est à Byzance, produit aussi un effet divin avec ses briques et son plâtras. […] Enthousiaste, je le suis autant que personne ; mais je pense que la réalité ne veut plus d’enthousiasme, et qu’avec le règne des gens d’affaires, des industriels, de la classe ouvrière (la plus intéressée de toutes les classes), des juifs, des Anglais de l’ancienne école, des Allemands de la nouvelle, a été inauguré un âge matérialiste où il sera aussi difficile de faire triompher une pensée généreuse que de produire le son argentin du bourdon de Notre-Dame avec une cloche de plomb ou d’étain.

1511. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

Elle m’enseignait à lire et à former une à une ces lettres mystérieuses qui en s’assemblant composent la syllabe, puis, en rassemblant encore davantage, le mot ; puis, en se coordonnant d’après certaines règles, la phrase ; puis, en liant la phrase à la phrase, finissent par produire, ô prodige de transformation ! […] Les premiers essais de composition littéraire, qu’on nous faisait écrire en grec, en latin, en français, ajoutèrent bientôt à ce plaisir passif le plaisir actif de produire nous-même, à l’applaudissement de nos maîtres et de nos émules, des pensées, des sentiments, des images, réminiscences plus ou moins heureuses des compositions antiques qu’on nous avait appris à admirer. […] L’impression littéraire était produite pour jamais en moi ; il suffit.

1512. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Cependant, en faveur de la pureté éminemment classique de son style et du naturel exquis avec lequel y sont tracés les divers caractères qui lui impriment la vie, nous le prierons au moins de vouloir bien mitiger son arrêt, et de comprendre ce chef-d’œuvre sous la dénomination de classico-romantique, en lui souhaitant pour sa propre gloire d’en produire un pareil. » VI Je reprends : Mon impression personnelle ne fut ni moins vive ni moins ravissante que celle du traducteur, la première fois que le poème dramatique de Sacountala tomba sous mes yeux. […] La nature semblait prendre plaisir à favoriser cette heureuse contrée : des pluies douces et fécondantes, dans la saison la plus favorable, arrosaient régulièrement la terre, dont le sein fertile, sans être déchiré par le soc de la charrue, produisait en abondance les fruits les plus nourrissants ; et d’immenses troupeaux, errant de toutes parts dans de gras pâturages, apportaient chaque jour à l’homme le tribut de leur lait. […] Quand je réfléchis sur la puissance de Brahma et sur les perfections de cette femme incomparable, il me semble que ce n’est qu’après avoir réuni dans sa pensée tous les éléments propres à produire les plus belles formes, et les avoir combinés de mille manières dans ce dessein, qu’il s’est enfin arrêté à l’expression de cette beauté divine, le chef-d’œuvre de la création.

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