Qu’alors un homme se présente, la force des choses ramènera les nations à refaire sous lui en grand un cours de politique élémentaire6.
Bien loin en cela de Jean-Jacques, il voulait que chacun, après l’avoir lu, eût « de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois » ; et pourtant il ne s’est nulle part inquiété du résultat de la comparaison qu’il présentait aux imaginations de ses compatriotes.
Il y reviendra, après ses premières licences, d’une manière sincère et touchante : je ne sais aucun déiste qui témoigne un sentiment de foi plus vif que Franklin ; il paraît croire, en toute occasion, à une Providence véritablement présente et sensible ; mais là encore, qu’est-ce qui a le plus contribué à le ramener ?
Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?
Ces considérations qu’il présente ont de l’étendue et de la portée ; ne soupçonnant pas que Voltaire est derrière ces questions, il croit répondre à l’arrière-pensée dans laquelle Frédéric l’avait consulté, quand il insiste sur les fortes qualités du soldat russe et sur les circonstances militaires du pays : « Je tiens cet État invincible sur la défensive. » Le moment alors était glorieux pour la Russie ; c’était l’heure des victoires du comte de Münnich, de la prise d’Otchakov ; Frédéric, en sa retraite de Remusberg, en est ému ; il a beau faire l’indifférent et le sage, on s’aperçoit que le sang des Alexandre et des César commence à bouillonner en lui : J’ai reçu, mon cher, voire belliqueuse lettre ; je n’y vois que les triomphes du comte de Münnich et la défaite des Turcs et des Tartares.
C’est en même temps une classification qui assigne une place à la perception présente dans une trame continue de perceptions.