Le bonasse Régent, qui l’avait embastillé, s’était laissé tirer une pension par une dédicace ; et plus tard, au moment où le ministère venait de le contraindre à imprimer clandestinement à Rouen sa Henriade, dont les exemplaires entraient la nuit à Paris dans les fourgons de la marquise de Bernière, Voltaire poussait sa première pointe à la cour, il recevait une pension sur la cassette de Marie Leczinska ; cette petite dévote se laissait ensorceler par l’esprit du poète, à qui la tête tournait en s’entendant appeler familièrement par la reine : « mon pauvre Voltaire ». […] Après avoir achevé son Siècle de Louis XIV, Voltaire avait repris ses esquisses d’histoire universelle, et poussé vigoureusement son travail pendant l’année 1752. […] Voltaire pousse des pointes en tout sens, reconnaît des régions inexplorées : sur l’Arabie, sur l’Inde, sur la Chine, il apporte des études bien incomplètes encore, mais singulièrement neuves pour le temps.
Il n’est pas bien étonnant que le roman contemporain ait abordé si tard l’étude du prêtre et qu’un seul de nos romanciers ait poussé cette étude un peu loin. […] Un chrétien qui, dans la pratique, pousse jusqu’à leurs dernières conséquences les obligations de sa foi est déjà une créature rare et singulière et qui se distingue fortement du reste des hommes : rappelez-vous les solitaires de Port-Royal. […] L’idée très simple et toute grossière que le dogme catholique lui donne du monde, partagé en deux camps, n’est pas pour le pousser à l’étude ni à l’analyse des dessous de la réalité.
Volontairement ou à son insu, Luther transigeait ; et, quelque effort qu’il fît pour s’arracher à la doctrine des œuvres et remplacer dans l’homme la vertu par la grâce, il n’osa pas pousser sa logique jusqu’à l’excès, laissant à de plus hardis à en tirer la conséquence extrême, c’est-à-dire l’abolition des oeuvres. […] Il poussa jusqu’à l’excès cette réaction contre les pratiques, qui avait été la pensée première du protestantisme. […] L’esprit du radicalisme, dans les autres pays, paraît être l’effet du malaise de la société qui aigrit ceux qui en souffrent, et les emporte au-delà des bornes ; en France, ce n’est que l’esprit logique poussé jusqu’à l’absurde.
J’en étais effrayé ; j’eusse voulu arrêter cette marche fatale, trop rapide à mon sens ; mais la nécessité me poussait en avant, et il n’y avait plus moyen de reculer. […] Au moment où je marchais à l’autel pour recevoir la tonsure, des doutes terribles me travaillaient déjà ; mais on me poussait et j’entendais dire qu’il est toujours bon d’obéir. […] D’autres ne se définissent pas, sont incrédules sans le savoir : l’incrédulité est dans leurs principes, mais ils ne les poussent pas à bout.
D’une autre part, Jean de Thommeray est impardonnable, n’étant point poussé, dans sa chute, par les sommations d’un amour avide. […] Vous entendez d’ici les cris de paon plumé vif que pousse cette pécore si rudement tondue. […] Mais Léopold devine l’amour que cache aussi ce refus, il la pousse doucement dans les bras de Bernard, dont le cœur, fermé par la piété filiale, contenait la passion profonde que Marie Letellier lui a inspirée.
Depuis, chaque fois qu’au gré des funèbres jeudis de la cour de cassation, il arrivait un de ces jours où le cri d’un arrêt de mort se fait dans Paris, chaque fois que l’auteur entendait passer sous ses fenêtres ces hurlements enroués qui ameutent des spectateurs pour la Grève, chaque fois, la douloureuse idée lui revenait, s’emparait de lui, lui emplissait la tête de gendarmes, de bourreaux et de foule, lui expliquait heure par heure les dernières souffrances du misérable agonisant, — en ce moment on le confesse, en ce moment on lui coupe les cheveux, en ce moment on lui lie les mains, — le sommait, lui pauvre poëte, de dire tout cela à la société, qui fait ses affaires pendant que cette chose monstrueuse s’accomplit, le pressait, le poussait, le secouait, lui arrachait ses vers de l’esprit, s’il était en train d’en faire, et les tuait à peine ébauchés, barrait tous ses travaux, se mettait en travers de tout, l’investissait, l’obsédait, l’assiégeait. […] Véfour chez qui vous dînez, déterrant çà et là une croûte de pain dans un tas d’ordures et l’essuyant avant de la manger, grattant tout le jour le ruisseau avec un clou pour y trouver un liard, n’ayant d’autre amusement que le spectacle gratis de la fête du roi et les exécutions en Grève, cet autre spectacle gratis ; pauvres diables, que la faim pousse au vol, et le vol au reste ; enfants déshérités d’une société marâtre, que la maison de force prend à douze ans, le bagne à dix-huit, l’échafaud à quarante ; infortunés qu’avec une école et un atelier vous auriez pu rendre bons, moraux, utiles, et dont vous ne savez que faire, les versant, comme un fardeau inutile, tantôt dans la rouge fourmilière de Toulon, tantôt dans le muet enclos de Clamart, leur retranchant la vie après leur avoir volé la liberté ; si c’eût été à propos d’un de ces hommes que vous eussiez proposé d’abolir la peine de mort, oh ! […] L’homme pousse un cri affreux.