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830. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le messager d’Angleterre m’a rapporté plusieurs beaux habillements de ce pays esquels, si me venez voir promptement, aurez bonne part qui vous doit bien engager à partir du lieu où vous estes et à faire activement vos préparatifs pour me demeurer quelque temps, et donnerai bon ordre pour qu’il vous soit pourvu à tout. […] La nef qui disjoint nos amours, N’a eu de moi que la moitié, Une part te reste, elle est tienne, Je la fie à ton amitié Pour que de l’autre il te souvienne ! […] Elles informent Bothwell, jour par jour, de l’état de la santé de Darnley et ses supplications pour que la reine lui rende ses priviléges de roi et d’époux, des progrès que les blandices de Marie Stuart font dans la confiance du jeune roi bercé d’espérances, de sa résolution de revenir avec elle partout où elle voudra le conduire, même à la mort, pourvu qu’elle lui rende son cœur et ses droits d’époux.

831. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

De là les fortes parties des Tragiques : cette sorte de psaume où le croyant appelle son Dieu, et crie vers lui pour qu’il se montre et se venge ; ces chants de triomphe en l’honneur des martyrs qui ont vaincu l’iniquité, les tourments et la mort ; ces scènes d’épopée lyrique qui placent d’Aubigné entre Dante et Milton, celle où la Justice et la Paix portent leurs plaintes à Dieu, celle surtout qu’a dictée à la fin le désespoir de l’irrémédiable défaite, quand, à la trompette de l’Ange, les morts s’éveillent, les éléments de la nature viennent témoigner de l’infâme abus qui a tourné entre les mains des hommes les excellentes oeuvres de Dieu en instruments d’injustice ; et Dieu, appelant les élus, qui ont souffert pour lui, aux délices éternelles, envoie les maudits aux gouffres ténébreux d’où il ne sort Que l’éternelle soif de l’impossible mort. […] Céladon, banni par Astrée qui le croit infidèle, peut se noyer de désespoir dans le Lignon : sauvé par des nymphes, il résiste à l’amour de Galatée, mais il n’ose se présenter devant sa belle tant qu’elle ne révoquera pas l’ordre de son bannissement ; il faudra cinq volumes pour qu’elle se décide, pendant lesquels aussi Silvandre soupirera pour Diane, Hylas se fera gloire d’être inconstant, le sage druide Adamas sera intarissable en bons conseils et bons offices : nymphes et bergères, bergers et chevaliers entre-croisent leurs histoires habilement suspendues, qui se dénoueront auprès de la merveilleuse fontaine d’Amour. […] Le vrai dans les sentiments, c’était bien fin pour qu’on y vînt d’abord ; et puis on n’était pas encore assez persuadé, ni par d’assez rudes expériences que les grands sentiments n’étaient pas le vrai.

832. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Ce n’est plus qu’un fils, et un très petit fils de Rousseau, qu’eût renié Rousseau ; car il s’est défait de la notion de Dieu, la meilleure chose de la succession de son père, et vous savez qu’il n’en fallait pas tant pour que ce respectable père méconnût et reniât son fils ! […] Proudhon a été trop scandaleusement retentissant, il a fait trop de remue-ménage, pour qu’on ne soit pas très désireux de connaître ce qu’un pareil homme devait être en dehors de ses idées et de ses systèmes et tout bêtement dans le plain-pied et les intimités de sa vie, et c’est là ce que sa correspondance, qui, du reste, en étonnera plus d’un, nous apprend. […] qu’il n’y avait qu’une faute de comptabilité à corriger pour que le monde actuel fût immédiatement renouvelé dans ses fondements et ses entrailles, lui cachait les lois morales et physiologiques de la nature humaine.

833. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Le déposant avait voulu aussitôt revenir ici, au bailliage, pour que le voyageur y fît sa déposition, mais celui-ci ne l’avait pas permis et lui avait ordonné de pousser jusqu’à Emskirchen. […] Il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. […] Victor Hugo est trop de son siècle pour qu’il lui soit possible d’épouser avec beaucoup d’ardeur une passion aussi surannée ou aussi récente que la haine nationale. […] Cela ne serait pas vrai de la Tentation de saint Antoine ; c’est trop ennuyeux pour que le lecteur endure longtemps la fatigue que l’intérêt bizarre du roman carthaginois faisait bravement affronter. […] Il traduit Ovide trop gaillardement pour qu’il soit possible de transcrire ses vers.

834. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Si d’ailleurs le succès n’en eut rien d’éclatant, il fut pourtant plus qu’honorable, et assez grand pour que l’auteur commençât dès lors d’ébaucher ses Études de la nature. […] Pour qu’il nous enchante ou qu’il nous étonne, il faut que nous le soutenions, et lui, pour que nous le soutenions, il faut qu’il nous caresse et qu’il nous flatte. […] Pour que l’amour l’intéressât, il fallait qu’on y risquât sa personne tout entière, et il n’admettait pas qu’on se donnât pour se reprendre. […] Pour qu’Israël conquit le monde, il fallait qu’il fût autre chose lui-même qu’une poussière de peuple perdue parmi les sables. […] Gumplowicz, pour qu’il nous permette quelques observations.

835. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Mais il suffisait de causer un instant avec lui pour que cette impression s’effaçât. […] Ses livres, d’autre part, m’ont trop puissamment ému, je l’ai personnellement trop connu et aimé pour que mon jugement pût être impartial et pour qu’il me fût possible de signaler ses défauts et ses erreurs ; mes travaux, d’ailleurs, et les tendances naturelles de mon esprit m’entraînent dans une direction trop différente de la sienne pour qu’il me fût permis de me poser en disciple et de répondre en son nom aux critiques et aux attaques dont il a été l’objet. […] Pour que son esprit eût toute sa liberté, il fallait que rien ne changeât dans les objets qui l’entouraient. […] Il n’est pas nécessaire qu’un auteur de mémoires ait été illustre par ses actions ou par ses écrits pour que l’histoire de son âme nous intéresse. […] Avec quelque discrétion et quelque piété qu’aient été faits ces raccords, ils ont suffi pour qu’on y ait vu une sorte de collaboration et de remaniement.

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