Nul ne possède comme lui cette vigueur sèche de poignet qui arrête un mouvement, tire sur le mors d’une période, nul ne le surpasse dans la maîtrise de la coupe. […] Mais si en principe tout écrivain possède deux styles, il arrive aussi qu’il en possède plus de deux. […] Un critique qui n’est pas flâneur (c’était le cas de Brunetière) peut posséder toutes sortes de bonnes qualités. […] Non les parties d’un monde, mais des mondes dont chacun possède à sa manière ses créatures vivantes et ses créatures raisonnables. […] Nous possédons d’ailleurs un échantillon non approximatif, mais paradoxalement intégral, de cette critique.
Représentons-nous les gais causeurs, les hommes de verve et de mimique excellente que nous avons connus ou que nous possédons, ceux qui, dans une soirée, les portes closes, en parodiant ou nos auteurs, ou nos orateurs, ou nos simples bourgeois, nous font rire aux larmes, — Henry Monnier, Vivier, feu Romieu, Méry le conteur, et toi aussi, aimable Alfred Arago ! […] Rousseau à Racine fils, où le poète exilé se félicitait d’avoir Piron en visite à Bruxelles : « Je possède ici, depuis quelques jours, un de mes compatriotes au Parnasse, M. […] « Elle avait une érudition singulière pour une femme ; elle possédait le gaulois.
Écoutez par quelle autre comparaison inattendue le poète détend ici lui-même l’anxiété de l’imagination de ses auditeurs, tout en peignant les mœurs de l’Ionie où il est né : « Ainsi, quand une femme de Carie ou de Méonie a coloré en pourpre les plaques d’ivoire destinées à parer la tête des coursiers, beaucoup de guerriers désirent les posséder ; mais ces ornements précieux, réservés à un roi, seront un jour tout à la fois la parure et l’orgueil de son maître. […] Celui qui a le bonheur de posséder ses parents vivants le repousse de sa table en l’offensant par d’amères paroles. […] Ses filles et les femmes de ses fils se lamentent dans le palais, au souvenir de ceux si nombreux et si vaillants qui ont perdu la vie sous le fer des Grecs. » Priam consulte la vieille Hécube, son épouse, sur l’idée qui le possède d’aller racheter le corps de son fils dans le camp d’Achille.
Personne, selon nous, ne les possède de notre temps à un plus haut degré que M. […] Toutefois, gardant pour lui seul le secret de ses préférences, feignant d’ignorer les fautes de Kléber, il traita pareillement Kléber et Desaix, et voulut, comme on le verra bientôt, confondre dans les mêmes honneurs deux hommes que la fortune avait confondus dans une même destinée. » Glissons sur la triste capitulation de l’armée d’Égypte, sans chef, sans secours, sans communications avec la mère patrie : leçon terrible, mais leçon perdue pour ces politiques d’aventures qui rêvent des colonies immortelles sans posséder les mers, seules routes et seules garanties de ces colonies. […] Pitt les posséda au plus haut degré.
Elle n’avait avoué à personne qu’elle possédait quarante mille francs amassés sou à sou. […] Pendant cette année, le citoyen Goriot amassa les capitaux qui plus tard lui servirent à faire son commerce avec toute la supériorité que donne une grande masse d’argent à celui qui la possède. […] ” et avait raison, tandis que je n’entendais rien encore, moi dont l’ouïe possède une remarquable étendue.
Ce perfectionnement, ce point suprême au-delà duquel l’esprit humain est condamné à déchoir, c’est Racine qui l’atteignit ; Racine, un de ces génies accomplis de la famille des Virgile, des Raphaël, des Mozart, non moins étonnants pour s’être gardés de tous les défauts que pour avoir réuni toutes les qualités ; lumières douces et pénétrantes, qui éclairent les plus ignorants comme les plus versés dans la science des choses humaines, et qui n’éblouissent personne ; esprits harmonieux, chez qui nulle qualité n’est poussée jusqu’à son défaut, mais qui possèdent une qualité supérieure et charmante par laquelle ils sont les premiers parmi les hommes de génie, la sensibilité. […] Tons les obstacles qu’on leur suscite, toutes les difficultés de la situation où ils sont jetés, tous les pièges que leur tend la passion pour les détacher de cette vérité qui les possède, tout cela leur est sophisme ; c’est pour cela qu’ils raisonnent jusque dans l’enthousiasme et le sentiment. […] Or quelle vraisemblance y a-t-il à entasser dans les trois heures que dure une représentation, sous peine d’excéder la faculté si bornée que nous possédons même pour le plaisir, assez d’incidents pour remplir des mois et peut-être des années ?