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1726. (1887) Essais sur l’école romantique

Aussi faut-il adopter et savoir par cœur, comme catéchisme littéraire, le xviie et le xviiie  siècle, et poser la plume après, et frapper de mutisme cette noble partie de l’âme humaine qui vent toujours créer, même en concurrence avec la gloire ; qui veut rester libre, même sous la sainte autorité du génie ; on bien se résoudre à glaner stérilement sur les traces des grands hommes, et à accepter l’honorable infériorité des Campistron et des Marmontel. […] Le critique pose la plume, quand on lui jette à la tête des noms de partis, et qu’on décline son autorité, sous prétexte qu’il a pris couleur. […] Le poète assiste à son progrès immense ; il le suit dans son mouvement sourd et intérieur, se fortifiant par les siècles, et vivant par où meurent toutes choses ; il le voit, comme un être grand et fort, se poser, s’affermir simultanément sous le ciel et sous la terre, et, pareil au lutteur qui se replie pour mieux s’élancer, recourber ses bras en arrière pour mieux porter le poids du vent ; Et son vaste et pesant feuillage, Répandant la nuit à l’entour, S’étend, comme un large nuage, Entre la montagne et le jour ; « Comme de nocturnes fantômes, Les vents résonnent dans ses dômes ; Les oiseaux y viennent dormir, Et, pour saluer la lumière, ……. […] Il y a encore une espèce de romanciers dont les leçons, moins vives peut-être parce qu’elles sont moins personnelles, font peut-être plus de profit aux lecteurs : c’est celle des hommes, aussi peu nombreux que les premiers, et d’une nature aussi privilégiée, qui assistent « à toutes les scènes de la vie humaine, et à tous les spectacles de nos passions comme des solitaires placés en observation au milieu du monde, pour retirer de l’histoire domestique des hommes des enseignements moins solennels, mais non moins instructifs que ceux de leur histoire publique ; esprits désintéressés et fins, qui ont le don de pleurer sur nos maux ou de rire de nos fautes, sans que les larmes leur obscurcissent la vue, et sans que le rire les rende secs ni insultants ; caractères paisibles, vivant à l’écart, heureux par le seul bonheur de connaître et de voir, et n’étant guère trompés que quand ils le veulent bien, par insouciance plutôt que par manque de prévision ; les premiers souvent de leur siècle par une haute intelligence, et les derniers par la place qu’ils y tiennent, soit que la société qui pose devant eux les ignore ou croie se cacher d’eux en les laissant dans l’obscurité, soit qu’eux-mêmes n’y veuillent pas prendre un rôle, pour mieux juger ceux qui s’y jouent.

1727. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il trouvait donc possible et très naturel de rester catholique pour ce qui était de la foi et d’être dévot à l’antiquité pour ce qui était de la littérature, d’avoir une âme chrétienne et un art païen ; et l’on dira sans doute que cela tenait à ce qu’il n’était ni chrétien très profondément ni païen très ardemment, ni l’un ni l’autre très logiquement ; mais encore il associait très bien en lui ces parties contraires, ou plutôt il les gardait en lui très intactes et assez solides et fortes, à la condition précisément de ne les point associer, à quoi lui servaient sa légèreté naturelle, sa facilité d’esprit, son hospitalité intellectuelle et le don qu’il a de se poser sur les choses sans peser sur elles. […] Enfin l’esprit de la Renaissance lui-même, fort par soi, nonobstant la courte éclipse, et partielle, du xviie  siècle, puisant des forces dans ces alliés plus ou moins inattendus qui lui venaient de points si divers ; puisant des forces dans tout le mouvement scientifique, prodigieux pendant deux siècles et demi, resté longtemps indépendant, mais qu’il savait attirer à soi et présenter comme lui étant favorable ; triomphait pleinement, l’adressait et remettait debout l’antiquité philosophique tout entière, déisme, naturalisme, matérialisme, épicurisme, et jusqu’à l’antiquité républicaine avec Rousseau ; rejetait le moyen âge somme un corps étranger introduit dans l’organisme de la civilisation ; et Voltaire posait cette loi de la philosophie de l’histoire : antiquité, pleine lumière ; temps chrétiens, barbarie et mort ; temps modernes, retour à l’antiquité, résurrection. — L’esprit de la Renaissance remporte. « Tu as vaincu, Julien l’apostat !  […] On s’est posé le problème comme avec angoisse, et l’on a avoué comme avec accablement ne le pouvoir résoudre. […] La fin de la lettre de Gargantua à Pantagruel étudiant à Paris, citée partout, est admirable ; mais elle commence bien par ceci : « Très cher fils, entre les dons grâces et prérogatives, desquels le souverain plasmateur Dieu tout puissant a endouairé et aorné l’humaine nature à son commencement, celle me semble singulière et excellente par laquelle elle peut, en état mortel, acquérir espèce d’immortalité et en décours de vie transitoire perpétuer son nom et sa semence… » — À Pantagruel explorateur Gargantua écrit à peu près sur le même style : « Fils très cher, l’affection que naturellement porte le père à son fils bien aimé est en mon endroit tant accrue par l’égard et révérence des grâces particulières en toi par l’élection divine posées, que depuis ton partement m’a non une fois tollu tout autre pense ment… » — A quoi Pantagruel répond en accord parfait : « Père très débonnaire, comme à tous accidents en cette vie transitoire non doutés ni soupçonnés, nos sens et facultés animales pâtissent plus énormes et impotentes perturbations (voire jusques à en être souvent l’âme désemparée du corps quoique telles subites nouvelles fussent à contentement et souhait) que si eussent auparavant été propensées et prévues ; ainsi m’a grandement ému et perturbé l’inopinée venue de votre écuyer Malicorne. » Il est évident que quand Rabelais s’avise qu’une chose qu’il rapporte est censée chose écrite, il songe à écrire, et que quand il songe à écrire, il écrit majestueusement et lourdement, avec des souvenirs malheureux et des imitations maladroites de la rhétorique cicéronienne.

1728. (1802) Études sur Molière pp. -355

[Épigraphe] On commenta les mots, je commenterai l’art. [Avant-propos] Depuis longtemps mes amis me demandent des Commentaires sur Molière ; voici ma dernière conversation avec le plus pressant. Les Commentaires que vous désirez ne se trouvent-ils pas dans mon Art de la Comédie ? « Oui, mais épars, mais confondus avec ce que vous avez dit sur les comiques de toutes les nations ; et c’est du Ménandre, du Plaute, du Térence français que je vous invite à vous occuper uniquement. « Détachez par extrait de votre Art de la Comédie, tout ce qui concerne l’homme immortel que le faux goût, que la satiété du beau poursuivent jusque sur la scène dont il fit la gloire ; joignez à de nouvelles observations sur l’Art du poète dramatique, des remarques sur l’Art du comédien ; décomposez celui-là pour prouver à celui-ci qu’il ne peut le bien rendre s’il ne le connaît parfaitement ; consacrez par ce moyen la bonne tradition ; dénoncez par ce moyen la mauvaise ; resserrez ces observations et ces remarques dans un volume qui devienne nécessaire à chaque possesseur d’un exemplaire de notre excellent comique ; et si vous épargnez des recherches au lecteur paresseux, si vous procurez au plus futile l’avantage de raisonner insensiblement ses plaisirs, si vous ménagez l’amour-propre des uns et des autres, en les amenant au point de s’initier comme d’eux-mêmes aux mystères de Thalie, je vous garantis qu’ils voudront juger à leur tour votre Art de la Comédie, et que vous n’aurez peut-être pas des critiques plus sévères. » Cruel ami !

1729. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

« Il y a dans le monde, sans que le monde s’en doute, un grave auteur allemand qui observe avec beaucoup de sagesse, à l’occasion d’une gouttière qu’un soldat fondit pour en faire des balles, que l’ouvrier qui l’avait posée ne se doutait point qu’elle tuerait quelqu’un de ses descendants.

1730. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Pareillement nous avons choisi nos modèles, et fort peu soucieux de l’accessoire, c’est-à-dire de tout ce qui ne pouvait contribuer à mettre leur physionomie en valeur, nous avons attendu que d’eux-mêmes ils prissent la pose la plus propre à dégager leur intimité.

1731. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Jodelle a du moins posé la premiere pierre de l’édifice Dramatique. […] C’est Hercule qui, après avoir passé le Phlégéton, fait une pose dans les Champs Elisées.

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