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302. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Victor Hugo le porte dans le portrait physique ou moral de ses héros : Il y avait de l’illisible sur cette figure. […] De même sont écrits les portraits du capitaine Clubin, de Déruchette et de Gilliat, de la duchessé Josiane et d’Ursus, de Javert, de Fan-tine et de Thénardier. […] De là, la tendance marquée aux digressions, les dix phrases formant tableau éparses en dix pages, comme en ce merveilleux portrait de la duchesse Josiane nue sur son lit d’argent, dont les membres se profilent écartelés sur tout un énorme chapitre. […] Hugo, dont nous avons déjà passé les approches, à examiner non plus les paroles, mais leur sens, non la rhétorique mais la matière même qu’elle ouvre, non la loi des développements mais la nature des idées développées, le caractère commun et saillant des scènes, des portraits, des événements et des conceptions, qui donnent lieu à déployer des répétitions, des images et des antithèses. […] Que l’on ajoute encore à toutes ces scènes certains portraits pleins d’ombre et de réticence, dont le plus grand exemple est la silhouette bizarre, sacerdotale et scélérate du docteur Geestemunde, certains ensembles brouillés et confus, la perception subtile du trouble d’une société à la veille d’une émeute, de cet instant des batailles où tout oscille : La ligne de bataille flotte et serpente comme un fil, les traînées de sang ruissellent illogiquement, les fronts des armées ondoient, les régiments entrant ou sortant, font des caps ou des golfes, tous ces écueils remuent continuellement les uns devant les autres… les éclaircies se déplacent ; les plis sombres avancent et reculent ; une sorte de vent du sépulcre pousse, refoule, enfle et disperse ces multitudes tragiques… Enfin que l’on considère cette tendance poussée à bout, que l’on fasse l’énumération de tous ces poèmes douteux où M. 

303. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Ainsi naît une littérature nouvelle, œuvre et portrait du monde qu’elle a pour public et pour modèle, qui en sort et y aboutit. […] Ils arrangent des portraits, ils redoublent les comparaisons ingénieuses, ils balancent les périodes symétriques. […] C’est le portrait du pur animal, et je trouve qu’il n’est pas beau. […] Tu vois ce portrait, n’est-ce pas, Foible ? […] Voyez surtout les portraits de lady Mooreland, de lady Williams, de la comtesse d’Ossory, de la duchesse de Cleveland, de lady Price, etc.

304. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

« Madame Récamier, peu de temps après son retour à Paris, fit parvenir son portrait au prince Auguste. « Il lui écrit le 24 avril 1808 : « J’espère que ma lettre nº 31 vous est déjà parvenue ; je n’ai pu que vous exprimer bien faiblement le bonheur que votre dernière lettre m’a fait éprouver, mais elle vous donnera une idée de la sensation que j’ai ressentie en la lisant et en recevant votre portrait. Pendant des heures entières je regarde ce portrait enchanteur, et je rêve un bonheur qui doit surpasser tout ce que l’imagination peut offrir de plus délicieux. […] Le prince commanda à Gérard un portrait de celle dont il ne pouvait aimer que le souvenir et emporter que l’image en Prusse. […] « La chambre à coucher était ornée d’une bibliothèque, d’une harpe, d’un piano, du portrait de madame de Staël et d’une vue de Coppet au clair de lune.

305. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

La psychologie ordinaire, se plaçant soit au point de vue purement intellectualiste, soit au point de vue matérialiste (les deux se ressemblent), ne considère le plus souvent que le contenu et les qualités des idées ou images mentales, à l’état immobile et « statique » ; elle les traite comme des espèces de tableaux ayant une forme propre dans un cadre propre et, de plus, répondant à des objets dont elles sont les portraits. […] On peut la comparer à son objet ou à une autre représentation ; comparée à son objet, elle lui est semblable ou dissemblable, comme un portrait à l’original : elle n’agit pas plus sur l’objet que le portrait sur l’original. Comparée à une autre représentation, elle lui est également semblable ou dissemblable, comme un tableau ressemble çà un autre tableau ou en diffère : elle n’agit pas plus sur l’autre représentation que le portrait de la Joconde n’agit sur le portrait de la Fornarina. […] La conception des états mentaux comme représentations est au fond assez enfantine : à vrai dire, ma sensation du soleil ne représente pas le soleil et n’en est ni la copie ni le portrait ; elle est un moyen de passion et de réaction par rapport au soleil, elle est la conscience d’un effet subi et d’une énergie déployée : la traiter comme une simple ressemblance avec le soleil, ou comme une simple différence, c’est mettre des spéculations de métaphysicien à la place de la vie pratique.

306. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Appelé à Bayonne à la fin d’avril 1808 et invité à y rester pendant tout le séjour qu’y fit Napoléon, M. de Senfft assiste au drame espagnol qui s’y joue ; il fait des portraits plus ou moins ressemblants des principaux personnages qu’il a sous les yeux. […] M. de Pradt eût pu atteindre son but avec un peu plus de modération et de prudence dans ses discours, et sous un règne moins contraire aux gens d’Église et moins porté à choisir pour les places les plus élevées des instruments aveuglément soumis. » Nous ne saurions admettre un tel portrait flatté du spirituel et loquace abbé, nous qui vivons depuis assez longtemps pour l’avoir rencontré, à notre tour, et pour l’avoir entendu dans sa vieillesse. […] M. de Senfft y fut pris, et il trace à cette occasion de Fouché un portrait qui est encore plus flatté en son genre que celui de l’abbé de Pradt : « … M. de Senfft courut aussitôt chez le ministre de la police : c’était alors M. le duc d’Otrante, le fameux Fouché, dont cette circonstance le rapprocha pour la première fois.

307. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Les portraits qu’il trace d’Athènes et de Lacédémone pourraient être sans doute plus creusés ; Montesquieu, en son Esprit des Lois, a opposé le caractère des deux peuples dans des chapitres qui seraient définitifs, si rien était définitif en ce monde. De même sur les Macédoniens et sur Alexandre : chez Bossuet, c’est une première et large vue ; l’homme est bien compris dans son ensemble et posé avec son vrai caractère en termes magnifiques ; l’historien orateur est égal à son sujet, à son héros ; ce portrait d’Alexandre est un portrait d’oraison funèbre ; il a le mouvement et comme le souffle oratoire : chez Montesquieu, les raisons de la politique et du génie d’Alexandre sont bien autrement recherchées et déduites ; c’est bien autrement expliqué ; chaque parole frappe comme un résultat, et l’expression est vive, figurée ; le tout gravé en airain : c’est un long bas-relief d’Alexandre.

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