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1274. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

était-il de peu d’esprit, à part son talent, et, comme il est dit dans d’illustres Mémoires où chaque trait porte, d’un caractère encore au-dessous de son esprit ? […] Qu’on se figure ce que c’est qu’un talent, une supériorité comme celle de Bernardin de Saint-Pierre, qu’on porte pendant plus de quarante ans sans pouvoir se la prouver ou à soi-même ou aux autres. […] Le bâton d’olivier, et non de houx ou de tout autre arbrisseau, que porte Damon dans la huitième églogue, lui paraît un symbole bien choisi de ses espérances.

1275. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Claude Bernard, dont le nom a été invoqué dans cette discussion et qui s’est fait respecter des deux parts, dit un mot qui me paraît la règle la plus sage : « Quand je suis dans mon laboratoire, je commence par mettre à la porte le spiritualisme et le matérialisme ; je n’observe que des faits, je n’interroge que des expériences ; je ne cherche que les conditions scientifiques dans lesquelles se produit et se manifeste la vie. » Ce sont là des principes de conduite qui font renseignement scientifique irréprochable à tous les points de vue. […] Que mon excellent et ancien ami et collègue d’autrefois durant mon court passage dans l’Université, que M. le ministre de l’instruction publique, si zélé pour le bien, si occupé en ce moment même, avec des ressources restreintes, de doter la science des instruments qui lui sont indispensables, que ce parfait et honnête représentant en haut lieu de la classe moyenne éclairée, me permette de le lui dire : Il a lui-même beaucoup pris sur lui en déclarant que la thèse « contient la négation du principe même de la morale et de l’autorité des lois pénales. » Telle n’est point, à mon sens, la conclusion obligée de cette thèse, quelque jugement qu’on en porte. […] Mais si le regard se porte dans une autre sphère, dans la sphère supérieure, ou plutôt à la couche mondaine superficielle, que voyons-nous ?

1276. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

IX Plus loin, Rousseau prétend établir que, les citoyens étant égaux (ce qui n’est pas plus vrai des hommes que des arbres), nul n’a le droit d’exiger qu’un autre fasse ce qu’il ne fait pas lui-même, ce qui condamnerait le souverain à monter la garde à la porte de son propre palais, ou le général à combattre au même rang et au même poste que chacun de ses soldats ! […] Les préceptes de ces lois organiques, qui sont les mêmes en principe chez tout ce qui porte le nom de peuple, sont les lois qui concernent la vie, la famille, la propriété, l’hérédité, le gouvernement, la morale, la religion, la défense de la patrie, héritage commun à toutes les nations, les conditions du travail et d’alimentation, le secours du riche à l’indigent, la mutualité des devoirs, l’éducation, l’application de la justice, l’expiation des crimes ou des actes attentatoires à la société qui est la vie de tous, et que tous appellent crimes. […] L’expulsion du toit et du champ paternels, la mendicité aux portes des seuils étrangers, la glane dans le sillon sans cœur, le vagabondage à travers la terre, la couche sous le ciel et sur la neige, la séparation des membres errants de la même chair, le déchirement de tous ces cœurs qui ne faisaient qu’un, la destruction de la parenté, cette patrie des âmes, cet asile de Dieu préparé, réchauffé, perpétué pour la famille ; les mœurs, l’éducation des enfants, la piété filiale et la reconnaissance du sang pour la source d’où il a coulé et qui y remonte par la mémoire en action qu’on appelle tendresse des fils pour leur père et leur mère ; tout cela (et c’est tout l’homme, toute la société), tout cela, disons-nous, périt avec l’hérédité des biens dans la loi.

1277. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Et d’aultant que, après avoir plusieurs fois heurté, l’on ne lui respondoit point, il auroit appellé souvant la royne, la priant de ouvrir, et enfin la menaçant de rompre la porte, à cause de quoy elle luy auroit ouvert ; laquelle le roy trouva seule dedans la chambre ; mais ayant cherché partout, il auroit trouvé dedans le cabinet David en chemise, couvert seullement d’une robe fourrée. » Ce fut, selon toute apparence, la version officielle donnée par le roi et ses complices ; les témoins et les acteurs mêmes du meurtre en donnèrent plus tard une plus véridique. […] Sa voix était émue, son visage était pourpre, et, de temps en temps, il jetait un regard furtif vers la petite porte qu’il avait laissée entr’ouverte. […] Marie, lui montrant son ventre : « Tirez, dit-elle, si vous ne respectez pas l’enfant que je porte. » La table fut renversée dans le tumulte.

1278. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Le prêtre porte en tout sa politique sacrée ; ce qu’il dit implique beaucoup de convenu. […] L’oiseau volera toutes les nuits avec des cris plaintifs autour de la porte et des fenêtres barricadées, cherchant à pénétrer dans le sanctuaire, mais ignorant l’entrée secrète ; et ainsi, durant toute l’éternité, sur cette colline, ma pauvre âme gémira d’un gémissement sans fin : « C’est l’âme d’un prêtre qui veut dire sa messe, murmurera le paysan qui passe. — Il ne trouvera jamais d’enfant pour la lui servir », répliquera un autre. […] Paris y entrait à pleins bords par les portes et les fenêtres, Paris tout entier, moins la corruption, je me hâte de le dire, Paris avec ses petitesses et ses grandeurs, ses hardiesses et ses chiffons, sa force révolutionnaire et ses mollesses flasques.

1279. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Victor Hugo, qui a toujours le coup de vent lyrique dans les cheveux, même quand il écrit en prose, nous dit, dans deux mots napoléoniens de préface, que « ce sont là les réalités et les fantômes vagues, riants ou funèbres que peut contenir une conscience, revenus, rayon à rayon, soupir à soupir et mêlés dans la même nuée sombre. » Cette conscience, qui se divise en deux tomes, porte deux noms différents : « Autrefois », — « Aujourd’hui ». […] Et encore : Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires, Seigneur, quand on a vu dans sa vie, un matin, ………………………………………………… Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,         Petit être joyeux, Si beau qu’on a cru voir s’ouvrir à son entrée         Une porte des cieux ; Que c’est la seule joie ici-bas qui persiste         De tout ce qu’on rêva, Considérez que c’est une chose bien triste         De le voir qui s’en va ! […] Jusqu’aux portes visionnaires Du ciel sacré !

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