La pièce reste précieuse, d’ailleurs, par les nombreuses particularités qu’elle renferme et auxquelles il ne manque que d’avoir été employées dans un esprit un peu plus doux et plus fraternel2. […] J’ai sous les yeux une pièce de vers de M. […] Michaud revient cet autre honneur solide d’avoir eu, le premier chez nous, l’instinct du document original en histoire, d’en avoir de plus en plus apprécié l’importance en écrivant, d’avoir eu l’idée de l’enquête historique au complet, faite sur des pièces non seulement nationales, mais contradictoires et de source étrangère. […] Par exemple, à propos de la loi de la presse, proposée en janvier 1827, il écrivait (3 janvier) : Combien faut-il de poudre pour charger une pièce de 24 ? […] On en met quatre, et bientôt la pièce éclate au milieu de ceux qui l’ont chargée, sans faire le moindre mal à l’ennemi.
Martial, s’adressant à un de ses amis qui préférait les grands poëmes aux petites pièces, lui disait : « Non, crois-moi, Flaccus, tu ne sais pas bien ce que c’est que des épigrammes247, si tu penses que ce ne sont que jeux et badinages. […] … Nos petites pièces, au moins, sont exemptes de toute ampoule ; notre muse ne se renfle pas sous les plis exagérés d’une creuse draperie. — Mais, diras-tu, ce sont pourtant ces grands poëmes qui font honneur dans le monde, qui vous valent de la considération, qui vous classent. — Oui, j’en conviens, on les cite, on les loue sur parole, mais on lit les autres : Confiteor : laudant illa, sed ista legunt. » Ainsi, qu’a-t-on lu l’autre jour ? […] Ajoutons qu’il n’a pas moins montré tout ce que le genre intermédiaire pouvait rendre, et qu’il l’a poussé à sa limite d’ingénieuse perfection dans la seconde surtout de ses pièces, les États de Blois. […] Prenez épigrammes, non dans le sens particulier de Martial, mais dans le sens plus général de petites pièces, y compris les idylles, comme les anciens l’entendaient d’ordinaire.
Il y a dans ce genre une exquise pièce d’un jongleur champenois, Colin Muset, le plus gentil quémandeur que nous connaissions avant Marot : il fait une peinture spirituellement naïve de son ménage à certain comte devant qui il avait « viellé » sans en rien recevoir82. […] Entre les œuvres nettement caractérisées qui se classent dans les genres définis, entre les fabliaux, les poèmes didactiques et le lyrisme courtois, s’étale une masse confuse de pièces, chansons, complaintes, dits, disputes, congés, qu’on est souvent embarrassé de classer, où ne domine aucun caractère exclusivement narratif, moral ou lyrique. Mais ces pièces ont en général ceci de commun, qu’elles sont d’actualité, nées des circonstances et d’une particulière émotion des esprits. […] Malgré cette pièce et d’autres de même ordre, on pourrait désigner toute cette poésie d’origine bourgeoise sous un nom qui, en la distinguant de la poésie lyrique, marquerait bien le rapport qui les unit l’une à l’autre : on pourrait l’appeler poésie personnelle.
» Tout ce militarisme, à trop bon marché, rappelle cette antique petite pièce du Gymnase, qui est, je crois, intitulée : les Mémoires du colonel, et où il n’y a du colonel, que le colback, placé dans un coin sur un meuble, et dont les amoureux de la pièce font la boîte aux lettres de leurs billets doux ! C’est qu’en fin de compte, tous ces petits romans de Mme de Chandeneux et jusqu’à Une faiblesse de Minerve, qui a l’ambition d’être un roman de passion et qui se développe et se meut dans une autre atmosphère, sont des romans comme les piécettes qu’on joue au Gymnase sont des pièces de théâtre. […] Le grand bas-bleu que fut Mme George Sand, a bien failli entrer dans les vieilles culottes de l’Académie, et si elle n’y est pas entrée, c’est qu’elle est morte ; — mais pour la venger d’un retard qui a mal tourné, on a respectueusement et pour une pièce qu’elle n’a pas toute faite, planté sa statue en marbre et en pied, dans le foyer du Théâtre-Français où Molière, Regnard et Caron de Beaumarchais n’ont qu’un buste30 !
Dans les pièces même telles que L’Avare, Le Tartufe, Le Misanthrope, qui peignent la nature humaine de tous les pays, il y a des plaisanteries délicates, des nuances d’amour-propre, que les Anglais ne remarqueraient seulement pas ; ils ne s’y reconnaîtraient point, quelque naturelles qu’elles soient ; ils ne se savent pas eux-mêmes avec tant de détails ; les passions profondes et les occupations importantes leur ont fait prendre la vie plus en masse. […] L’indécence des pièces de Congrève n’eût jamais été tolérée sur le théâtre français : on trouve dans le dialogue des idées ingénieuses ; mais les mœurs que ces comédies représentent sont imitées des mauvais romans français, qui n’ont jamais peint eux-mêmes les mœurs de France. […] Shakespeare et quelques autres ont représenté dans leurs pièces des caricatures populaires, telles que Falstaff, Pistol, etc. ; mais la charge en exclut presque entièrement la vraisemblance.
Catulle Mendès écrivait, quand il parut : « C’est plutôt un poème, ce livre, un long poème, qu’une succession de pièces, tant s’y déroule visiblement l’histoire intime et lointaine d’une seule rêverie. […] Et c’est le lointain au-delà du lointain… » Et sûrement l’on goûtera, dans les quelques pièces que nous donnons dans les Poètes d’aujourd’hui, les beautés tristes, voilées et presque muettes qu’à tout instant elles montrent.