Substituer, comme apprentissage de l’historien, l’étude des connaissances positives, vraiment auxiliaires des recherches historiques, à celle des « grands modèles », littéraires et philosophiques, est un progrès de date récente. […] Si tant de laborieux travailleurs auxquels la science moderne doit ses progrès eussent eu l’intelligence philosophique de ce qu’ils faisaient, que de moments précieux ménagés ! […] Le « fait social », tel que l’admettent plusieurs sociologues, est une construction philosophique, non un fait historique. […] On se trouve ainsi acculé à la nécessité d’aborder la recherche des causes et on entre dans l’histoire dite philosophique, parce qu’elle cherche ce qu’on appelait autrefois la philosophie des faits, c’est-à-dire leurs rapports permanents. […] Les historiens au xixe siècle ont subi si fortement l’action de l’éducation philosophique que la plupart introduisent, parfois même à leur insu, des formules métaphysiques dans la construction de l’histoire.
. — Distinction du déterminisme philosophique et du déterminisme physiologique. — Réponses aux objections philosophiques ; le déterminisme physiologique est une condition indispensable de la liberté morale au lieu d’en être la négation. — Séparation nécessaire des questions physiologiques et des questions philosophiques ou théologiques. — Il n’y a pas de conciliation possible entre ces divers problèmes ; ils dérivent de besoins différents de l’esprit et se résolvent par des méthodes opposées. — Les uns et les autres ne peuvent rien gagner à être rapprochés. […] Aujourd’hui la physiologie devient une science exacte ; elle doit se dégager des idées philosophiques et théologiques qui pendant longtemps s’y sont trouvées mêlées. […] Lorsque Leibnitz disait : « L’âme humaine est un automate spirituel », il formulait le déterminisme philosophique. […] Le malentendu entre les philosophes et les physiologistes vient sans doute de ce que le mot déterminisme est pris par eux dans le sens de fatalisme, c’est-à-dire dans le sens du déterminisme philosophique de Leibnitz. […] Au point de vue philosophique, les théories dualistes de la vie ont eu pour objet de nous montrer d’une manière saisissante les rapports des êtres dans les trois règnes de la nature.
C’est précisément en cette façon de sentir l’idée et de l’extérioriser que réside la différence entre un poème et un système philosophique. […] Aussi bien les mots raison et sensibilité ne sont que des schèmes philosophiques. […] Comment se rappeler que Sully Prudhomme a écrit des livres d’esthétique, des études philosophiques, des articles de sociologie ? […] Les uns retrouvent la vraie ballade, la petite chanson de légende ; les autres, comme Laforgue, opèrent un curieux mélange de formes naïves, de réflexions de gavroche et d’idées philosophiques. […] Chantefable est un poème philosophique divisé en chapitres.
Mais voici deux pensées philosophiques que le feuilletoniste, plein de son sujet, n’a évidemment empruntées à personne : « … Il lui plaît que Lanavette, qui s’est affublé d’une tête d’âne, devienne un âne pour tout de bon… Il y a certes peu de chose à faire pour opérer cette métamorphose de l’imbécile en bête… (à qui le dites-vous ?) […] George Sand, fidèle à son passé et à ses impiétés philosophiques, a traité, dans ses Mémoires, le culte extérieur que l’Église rend au Christ de fabulation ridicule , et appelé Robespierre le plus grand homme de la Révolution . […] Supposez l’acte supprimé, la portée philosophique de l’œuvre disparaît. […] Je viens assister à un drame, et vous traitez une question de médecine légale, vous accouchez d’une thèse philosophique. […] Dans ses livres, l’exception humaine revêt un esprit et un corps sous la magie du style ; mais l’homme ne vit pas ; il n’est pas cadavre non plus il est mensonge, système, thèse arbitrairement soutenue dans l’intérêt de certaines idées philosophiques, qui changent avec les conversions multipliées de l’écrivain.
Seulement — et c’est là que commencent les points discutables — au lieu de faire de cette polémique victorieuse un motif pour proclamer le vide et le néant de toute doctrine philosophique qui ne s’appuie pas sur la Révélation et la Foi, il a pactisé, pour ainsi dire, avec ces ennemis qu’il venait de vaincre. […] Lorsqu’elles parurent pour la première fois, elles concoururent à la réaction de l’art nouveau contre la littérature du dix-huitième siècle et celle de l’Empire, en même temps que les leçons purement philosophiques de M. […] Au temps de ses imprudences philosophique, M. […] À cette société que la religion ne suffit plus à contenir, et qui semble presque l’envelopper et l’absorber dans ses grossiers entraînements, Abailard apporte le plus dangereux des remèdes, l’analyse, la discussion, l’examen l’appareil philosophique ; armes que ces mains juvéniles et incultes ne sauront ni tenir ni diriger. […] Ces sujets philosophiques, illuminisme, mysticisme, germanisme, kantisme, panthéisme, me font l’effet de ces souterrains, de ces grottes, telles qu’on en rencontre dans les pays de montagnes.
Mais aujourd’hui, là même où, en dehors des cadres réguliers et du train régnant de la société, il y a incontestablement système philosophique élevé, et à la fois chaleur de cœur, de conviction, il n’y a plus suite directe et immédiate des idées de la Révolution française. […] En d’autres endroits, c’est le ton républicain et philosophique qui devient piquant en se mêlant à certaines habitudes légères et en les voulant exprimer. […] On doit plaindre l’ambition secondaire qu’il a eue, dans de telles circonstances, de régner arbitrairement sur l’Europe ; mais, pour satisfaire cette manie géographiquement gigantesque et moralement mesquine, il a fallu gaspiller un immense emploi de forces intellectuelles et physiques, il a fallu appliquer tout le génie du machiavélisme à la dégradation des idées libérales et patriotiques, à l’avilissement des partis, des opinions et des personnes ; car celles qui se dévouent à son sort n’en sont que plus exposées à cette double conséquence de son système et de son caractère ; il a fallu joindre habilement l’éclat d’une brillante administration aux sottises, aux taxes et aux vexations nécessaires à un plan de despotisme, de corruption et de conquête, se tenir toujours en garde contre l’indépendance et l’industrie, en hostilité contre les lumières, en opposition à la marche naturelle de son siècle ; il a fallu chercher dans son propre cœur à se justifier le mépris pour les hommes, et dans la bassesse des autres à s’y maintenir ; renoncer ainsi à être aimé, comme par ses variations politiques, philosophiques et religieuses, il a renoncé à être cru ; il a fallu encourir la malveillance presque universelle de tous les gens qui ont droit d’être mécontents de lui, de ceux qu’il a rendus mécontents d’eux-mêmes, de ceux qui, pour le maintien et l’honneur des bons sentiments, voient avec peine le triomphe des principes immoraux ; il a fallu enfin fonder son existence sur la continuité du succès, et, en exploitant à son profit le mouvement révolutionnaire, ôter aux ennemis de la France et se donner à lui-même tout l’odieux de ces guerres auxquelles on ne voit plus de motifs que l’établissement de sa puissance et de sa famille. […] La Fayette s’y complaît évidemment ; il y revient en chaque occasion ; il nous rappelle que, parmi les républicains du 10 août, Condorcet avait alors oublié sa note fâcheuse sur le mot Patrie du Dictionnaire philosophique de Voltaire : « Il n’y a que trois manières politiques d’exister, la monarchie, l’aristocratie et l’anarchie. » Il se souvient que, parmi ces mêmes républicains, Clavière, deux ans auparavant, avait mis dans la tête de Mirabeau, dont il était le conseil, de soutenir le veto absolu du roi comme indispensable ; que Sieyès, un an auparavant, publiait encore, par une lettre aux journaux, que, dans toutes les hypothèses, il y avait plus de liberté dans la monarchie que dans la république.