Maine de Biran a donné à la France une philosophie de l’esprit : il ne lui a donné ni une philosophie de la nature, ni une philosophie religieuse. […] C’est donc en dehors de Maine de Biran que s’est développée la philosophie religieuse du spiritualisme. […] Si la philosophie cartésienne conduit à nier la personnalité divine, la philosophie allemande, au contraire, conduit nécessairement à l’affirmer, et nous inclinons à croire que cette philosophie si décriée par nous-mêmes peut être, bien comprise, le salut du spiritualisme. […] Que l’on pense là-dessus ce qu’on voudra, ce n’est pas sur ce point que la philosophie spiritualiste veut engager ses destinées. […] Combien l’homme occupe peu de place dans sa philosophie !
La première leçon, en particulier, peut être regardée tout entière comme le développement de la définition exacte de ce que j’appelle la philosophie positive. Je regrette néanmoins d’avoir été obligé d’adopter, à défaut de tout autre, un terme comme celui de philosophie, qui a été si abusivement employé dans une multitude d’acceptions diverses. […] Il y a, sans doute, beaucoup d’analogie entre ma philosophie positive et ce que les savants anglais entendent, depuis Newton surtout, par philosophie naturelle. Mais je n’ai pas dû choisir cette dernière dénomination, non plus que celle de philosophie des sciences, qui serait peut-être encore plus précise, parce que l’une et l’autre ne s’entendent pas encore de tous les ordres de phénomènes, tandis que la philosophie positive, dans laquelle je comprends l’étude des phénomènes sociaux aussi bien que de tous les autres, désigne une manière uniforme de raisonner applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer. En outre, l’expression philosophie naturelle est usitée, en Angleterre, pour désigner l’ensemble des diverses sciences d’observation considérées jusque dans leurs spécialités les plus détaillées ; au lieu que, par philosophie positive, comparé à sciences positives, j’entends seulement l’étude propre des généralités des différentes sciences, conçues comme soumises à une méthode unique, et comme formant les différentes parties d’un plan général de recherches.
Ne fallait-il pas que, partie du même point, en lui tournant le dos, la philosophie de Bacon rencontrât, à la fin, et face à face, la philosophie de Descartes, pour se faire l’une à l’autre l’aveu de leur propre néant à toutes deux ? […] Elle sait que, dans ce pays où la pensée, plus pratique qu’ailleurs, ne s’enivre point de ce capiteux Idéalisme qui est comme l’opium de l’Allemagne, elle est toute la philosophie. […] nous croyons bien qu’en pressant un peu ce livre de La Femme et l’Enfant il serait aisé d’en faire jaillir une philosophie, et, comme nous l’avons dit, ce serait cette philosophie du xviiie siècle dont on ne se défie plus parce qu’on la croit morte, lorsqu’elle vit et qu’elle est partout, il est vrai, sous un autre nom. […] Car, s’il les avait aperçues, averti par tout ce qui eût répugné à sa pensée dans cette philosophie dont il est un des derniers disciples malgré lui, il aurait certainement à relier une donnée économique, qui ne peut jamais être qu’une conclusion, à un système plus élevé que la philosophie du xviiie siècle. En effet, nous le répétons, et même il est bon d’en prendre acte, dans l’état actuel des discussions nul ne saurait être écouté sur une question économique sans dire à quelle philosophie on rattache la solution qu’il propose, ou sans inventer une philosophie à l’appui de ses assertions, — ce qui, pour tous, est la chose importante, mais ce qui restera pour les économistes, bien plus riches en faits qu’en idées, une redoutable difficulté.
C’est ce que les bâtards de la philosophie n’avaient pas compris ! […] Loin d’être interdite, la recherche de la paternité est nécessaire en philosophie. […] Mais la philosophie des uns est frelatée et tournée en poison, tandis que celle de l’autre est saine. […] Caro commence par y signaler les influences qui ont pénétré dans la philosophie actuelle pour la dominer. Les philosophies ne durent pas longtemps.
Il y a là-dedans une philosophie qui n’a aucune analogie, avant la renaissance évangélique, ni dans les philosophies indiennes, ni dans les philosophies chinoises, ni dans le peu que nous savons de la philosophie égyptienne, ni dans les philosophies païennes (excepté Platon et Épictète), ni même dans les philosophies rationnelles qu’on essaie de construire aujourd’hui avec des débris. […] Job est pour moi un Platon de cette philosophie tronquée, mais surhumaine, que j’appellerai la philosophie antédiluvienne. […] Sa philosophie est irréprochable, mais elle est froide. […] Quelle est donc cette philosophie ? […] Ces trois mots sont la philosophie du monde, comme ils furent la philosophie du désert.
Taine n’a pas eu l’illusion d’une même philosophie. […] Jules Simon ne serait-il pas le Henri Martin de la philosophie ? […] Cet escalier d’une philosophie descendante dont les premiers degrés sont par en haut M. […] Simon oppose d’un côté à toute religion positive, et, de l’autre, à toute philosophie. […] Le déisme, l’idée la plus faible qu’il y ait en philosophie religieuse, est proportionnel au cerveau de M.