Il ne faudra pas donner des lois aux peuples ; il faudra observer les lois selon lesquelles les peuples se développent. […] La plupart des peuples d’Europe sont encore gouvernés par les mœurs. […] Le peuple doit obéir, mais non pas être tout passif. […] Montrez-moi un peuple où le meurtre, le vol et l’injustice soient honorés ! […] Ce n’est pas le mépris du peuple qui fait le vrai aristocrate, c’est la certitude que le peuple est incapable de gouverner ses affaires, et que, par conséquent, il faut se dévouer à lui.
Le jeune duc, seul de toute sa Cour et de tout son peuple, semblait impassible. […] Il dit qu’on le traite a comme un colonel de petite condition, dont on réforme le régiment sans daigner l’avertir. » Et son peuple lui-même, et toute l’Italie qui le voit traiter « comme un sujet, non comme un souverain », prend parti pour lui et souffre à son exemple. Il n’est jamais bon ni politique d’humilier les hommes et les peuples. […] Le vertueux, le sage, le philanthrope Catinat se voit chargé d’exterminer ce peuple paisible et fidèle, au cœur de ses vallées : homme de devoir et, après tout, déconsigné, il fera son métier en conscience ; il fouille le pays en tous sens, il relance dans les lieux inaccessibles ces gens « plus difficiles à trouver qu’à vaincre. » Après moins de trois semaines de campagne, il se donne la triste satisfaction d’écrire à Louvois (9 mai 1686) : « Ce pays est parfaitement désolé ; il n’y a plus du tout ni peuples ni bestiaux. […] Poussé à cette extrémité, Victor-Amédée a pris son parti ; il feint une dernière irrésolution, endort un instant Catinat, et cependant il fait appel à son peuple, il fortifie Turin ; il tentera le sort des batailles.
Quand vous voyez les traces d’un immense travail d’un peuple sur la matière, vous pouvez conclure avec certitude que, chez un tel peuple, le travail de la pensée a été égal au travail de la main ; là où vous contemplez un temple de Memphis, vous pouvez être sûr qu’il y a eu une religion ; là où vous contemplez une pyramide, vous pouvez être sûr qu’il y a eu une administration civile ; là où vous contemplez le Parthénon, vous pouvez être sûr qu’il y a eu un Homère. […] Quant à nous, nous n’en croyons rien, ou plutôt nous n’en croyons qu’une seule chose : c’est que le tyran lettré d’Athènes, Pisistrate, fit en effet rechercher et recueillir en corps d’ouvrage, par les érudits de son temps, les fragments disséminés des poésies homériques confiés à la seule mémoire des peuples de l’Hellénie et de l’Asie Mineure, après des siècles inconnus de barbarie et d’ignorance qui avaient submergé plus ou moins longtemps ces admirables monuments de l’esprit. […] Une langue n’est pas l’œuvre d’un homme ni d’un jour ; une langue est l’œuvre d’un peuple et d’une longue série de siècles, et quand cette langue, comme la langue employée par Homère, présente à l’esprit et à l’oreille toutes les merveilles de la logique, de la grammaire, de la critique, du style, des couleurs, de la sonorité et du sens qui caractérisent la maturité d’une civilisation, vous pouvez conclure avec certitude qu’une telle langue n’est pas le patois grossier des montagnards ni des marins d’une péninsule encore barbare, mais qu’elle a été longtemps construite, parlée chantée, écrite, et qu’elle est vieille comme les rochers de l’Attique et répandue comme les flots de son Archipel. […] Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] ce qu’un tel poète aurait fait pour un seul homme, Homère le fit pour tout un peuple.
La grande époque de notre ancien théâtre, au moins par l’éclat des représentations, par le goût déclaré du peuple, par le nombre ou le développement des pièces qui nous sont conservées, est le xve siècle ou plutôt le siècle qui s’étend de la moitié du xve à la moitié du xvie : le genre dramatique, abstraction faite de la valeur poétique et littéraire des œuvres, se développe le dernier, à l’extrême limite du moyen âge. […] Tout ce que le peuple pouvait goûter d’émotions esthétiques lui venait par la religion : l’Église était la maison bénie où se dilatait son âme, opprimée par la dureté de la vie. […] Mais la source immédiate du drame, c’était la variation de l’office du jour, les prières ou le récit qui rappelaient l’acte divin, le saint, ou le martyr, dont l’office du jour consacrait particulièrement la mémoire ; c’était l’Evangile, les Actes des apôtres, ces délicieux poèmes de la religion naissante, que l’usage de l’Église découpait pour servir à l’éducation du peuple selon l’ordre de l’année chrétienne. […] Dans un temps où le peuple ne lisait pas, où le latin lui était devenu inintelligible, il était naturel que les clercs songeassent à dégager le sens du service divin par une figuration plus expressive, à instruire les esprits des fidèles, en saisissant leurs imaginations : ils réalisèrent par des interpolations de plus en plus considérables et dramatiques les actes dont l’office du jour était la commémoration. […] Le plus ancien texte connu qui mêle au latin la langue du peuple est le drame de l’Epoux ou des Vierges folles (xiie siècle, 2e tiers) : mais il est de la région poitevine, et cette langue du peuple est un dialecte de la langue d’oc.
Les natures simples des gens du peuple, dans les moments de passion, le prouvent assez ; ils ont le mot juste et souvent le mot unique. […] Les politiques qui avaient le mieux observé le génie du peuple d’Égypte, regardaient la religion comme le principal obstacle à rétablissement de l’autorité française. […] En sortant de ce lieu, ils allaient aux mosquées où le peuple était assemblé. […] Comment la fertile Égypte, la sainte Arabie, sont-elles dominées par des peuples sortis du Caucase ? […] — Non, ce peuple est trop étranger à nous, à nos habitudes ; il lui faut des chefs.
* * * — Combien d’aimeurs de peuple ont tiré de leur amour, 25, 50, 75, 300, 500 p. 100. Et vraiment je ne connais guère, en ce temps-ci, qu’un homme, qui ait véritablement aimé le peuple gratis : c’est Barbès. […] » Et il remarche, jetant des phrases comme celle-ci : « Enfin nous sommes dans un monde tout nouveau, où toutes les conditions de l’existence sont changées, sans qu’on ait l’air de s’en apercevoir… Autrefois un ouvrier chaudronnier gagnait 6 francs par jour… Il pouvait mettre 3 francs de côté… Donc au bout de cinq ans, il avait 5 000 francs et pouvait se faire chaudronnier… Aujourd’hui il faut 800 000 francs pour établir un chaudron… donc il n’y a plus moyen pour le peuple de sortir du peuple… et le peuple ne veut pas rester peuple… Savez-vous avec quelle somme s’est fondée, sous Louis-Philippe, la plus grande fabrique de produits chimiques… Chabrol vous l’apprend… avec 60 000 francs… Allez maintenant chez Salleron, il vous demandera 15 000 francs pour une cheminée… un fourneau sans luxe, c’est une affaire de 50 000 francs… Et tout comme cela… une confiserie se fonde avec un capital de 1 200 000 francs… une épicerie, vous connaissez la maison Potin ?