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1062. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Disons-le sans crainte, avant toute preuve positive et tout exemple personnel, une telle supposition serait impie. […] Elle ne restait pas tout à fait indifférente ; mais ses alarmes et ses résistances se renfermèrent en général dans un cercle étroit, égoïste, personnel, où rien n’allait au cœur même de la question, à l’origine du mal, à la nature et à l’imminence du danger. […] On doit y rattacher, et comprendre dans le même éloge, quelques pièces d’une inspiration analogue, mais moins directe et moins personnelle, où il retrouve ses bons génies familiers des Feuilles d’automne : les mères et les enfants. […] il n’en était pas moins fort prématuré de soutenir que M. de Lamartine ne nous donnerait pas un cours de littérature, dans l’exacte acception du mot, sous prétexte que, dans son premier Entretien, il ne nous donnait que des souvenirs de sa jeunesse et des confidences personnelles. […] Sans doute, son goût personnel pour Mazarin contribua à lui rendre l’intelligence de sa situation et de ses devoirs ; car, chez les femmes, il faut que tout, même la sagesse, soit recommandé par un sentiment.

1063. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Elles nous éclairent peut-être mieux que leurs chefs-d’œuvre sur ce qu’il y a en eux de plus personnel, de plus original, puisque c’est en s’y abandonnant avec trop de complaisance qu’ils se sont trompés. […] Les malveillants diront encore que je donne dans la « critique personnelle ». […] En ces temps-là, les poètes n’avaient pas de style personnel ; l’« écriture artiste » n’était pas inventée ; tous parlaient la même langue, employaient les mêmes tours, usaient du même vocabulaire. […] Et ainsi son œuvre est en quelque façon impersonnelle comme celle des trouvères et des aèdes, n’ayant presque de personnel que le degré d’intensité d’un sentiment commun. […] Sur les sentiments des émigrés, sur ce qu’il pouvait y avoir en eux de foi désintéressée et de rancune personnelle, sur leur héroïsme ou leur frivolité, sur les illusions de leur jugement, rien non plus.

1064. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Elle généralise sa souffrance, et, d’un état personnel, d’une misère en quelque sorte égoïste, elle passe à la considération de la parité des misères humaines. […] Sous le prétexte de rendre la paix à la fille de Rome (c’était le nom dont Florence se glorifiait), et aussi pour demander réparation d’un grief personnel, le pape Boniface envoyait un légat, un pacier à la République. […] Dante qui sentait s’agiter en lui un esprit tout nouveau, Dante qui avait tout à créer, jusqu’à cette langue hardie, personnelle à ce point qu’on en a pu dire qu’elle était dantesque avant d’être italienne et que certains mots créés par lui n’ont servi qu’à lui seul, Dante était trop heureux de prendre en quelque sorte des mains du peuple cette donnée de la vision, devenue pour nous une convention inanimée comme le songe de la tragédie classique, mais qui alors, dans la vivacité des croyances populaires, avait une réalité sensible. […] Comme cela est personnel et vivant, familier et solennel tout ensemble ! […] Trois Églises, la juive, la catholique, la réformée, l’infinité des sectes qui divisaient, dans Francfort comme dans toute l’Allemagne, le protestantisme, et dont on discutait librement les pratiques diverses, ouvraient au sentiment religieux toutes sortes de voies, et suscitaient dans chacun la pensée d’un commerce personnel et direct avec Dieu.

1065. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Écrits ou non dans une mansarde solitaire, ils sont tellement circonscrits dans l’étude et l’expression des sentiments personnels, qu’ils ne supposent pas le commerce des livres. […] Après avoir commenté Jocelyn en nous racontant l’histoire de Geneviève, M. de Lamartine revient au récit de sa vie personnelle. […] Par une illusion facile à comprendre chez l’ambitieux, il a fait de sa cause personnelle la cause de sa couleur, et se refuse à reconnaître la suzeraineté de la France. […] Blâmez ou approuvez tout à votre aise : chacun peut, selon sa vie personnelle, admirer ou sourire ; mais ce qui demeure hors de toute atteinte, c’est l’originalité des Méditations. […] Je ne veux pas m’engager dans la discussion de cette théorie ; je me contente de contester les faits personnels sur lesquels l’auteur prétend l’étayer.

1066. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Thèse pessimiste assurément, mais aussi, sans doute, expression d’un sentiment de désespoir personnel. […] C’est alors que, dépouillé de toute illusion, de toute passion intéressée, il trouve le calme et la paix qu’il avait si longtemps cherchés en vain dans la satisfaction de ses goûts personnels. […] Une distinction s’établit naturellement entre ceux qu’apportèrent les circonstances extérieures, et ceux que des fautes personnelles y ont ajoutés. […] Dans ce siècle où le goût des révélations personnelles a pris tant de développements, il est un de ceux qui ont le plus donné l’exemple de cette faiblesse. […] Les torts de son époque, ses torts personnels étaient donc les deux principales causes d’une mélancolie dont on suit à travers ses œuvres les diverses vicissitudes.

1067. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

N’est-ce point, par exemple, une preuve assez frappante du crédit personnel de Chapelain, qu’à une époque où Descartes et Pascal avaient écrit, où Bossuet se faisait entendre dans la chaire, où Molière, Racine, La Fontaine, Boileau avaient produit quelques-uns de leurs chefs-d’œuvre, le choix de Colbert ait désigné Chapelain pour régler la distribution des libéralités du roi, et tenir la feuille des bénéfices littéraires ? […] Si, dans la peinture des passions, vous allez au-delà, non de celles que j’ai pu connaître, car je ne réduis pas le vrai à mon expérience personnelle, mais de celles que je puis concevoir, ma raison ne vous suivra pas. […] Ce dialogue paraît faible aujourd’hui ; il a perdu le sel de la critique personnelle et de l’à-propos. […] Une seule satire en interrompt le cours : c’est la satire contre les femmes, ouvrage qui parut froid, malgré de grandes beautés, soit qu’on y sentît un poète déshabitué, depuis plus de vingt-cinq ans, de la satire147, et qui en forçait le ton, soit que l’idée ne lui en fût venue ni des mœurs du temps, ni de son expérience personnelle.

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