Il rappela en commençant : « Qu’il y avait quarante ans que dans la même salle, dans le même lieu, et quasi à la même heure, il avait été émancipé du consentement de l’empereur Maximilien, son grand-père ; qu’il n’avait alors que quinze ans ; qu’en 1516 le roi catholique étant mort, il fut obligé de passer en Espagne l’année suivante ; qu’en 1519 il perdit l’empereur, son aïeul ; qu’alors il sollicita l’élection à l’Empire, non par ambition d’avoir plus de seigneuries, mais pour le bien de plusieurs de ses royaumes et pays, et principalement de ceux de par deçà ; que, depuis, il avait fait neuf voyages en Allemagne, six en Espagne, sept en Italie, dix aux Pays-Bas, quatre en France, deux en Angleterre, et deux en Afrique, sans compter ses visites en ses autres royaumes, pays et îles, lesquelles avaient été nombreuses, et son passage par la France en 1539, qui n’était pas la moindre de ses entreprises ; qu’il avait, dans ces divers voyages, traversé huit fois la Méditerranée et trois fois l’Océan… » Quarante années d’un semblable règne, de telles fatigues pour pourvoir à tout instant et subvenir à tant de royaumes et d’États disjoints, une santé détruite et dont le délabrement dans sa personne était visible à tous, justifiaient suffisamment une pensée de retraite depuis longtemps conçue, mais qu’il avait fallu ajourner jusqu’à ce que son fils eût atteint l’âge d’homme. […] Bien que de sa personne, selon la remarque de Brantôme, il se fût mis un peu tard de la danse de Mars, n’ayant guerroyé d’abord que par ses capitaines, il fit merveille dès qu’il y entra, et parut un chevalier intrépide, armé pour la défense de la Chrétienté et le maintien de la foi. […] Ce prince, dans sa jeunesse et malgré quelques attaques d’épilepsie qu’il avait essuyées, était plutôt bien que mal constitué, et l’ensemble de sa personne marquait de la vigueur plutôt que de la faiblesse. […] Elle est très bien proportionnée de sa personne. […] Mais d’autre part, depuis qu’on a pu lire les lettres nombreuses écrites en ce même temps par les personnes de l’entourage de Charles-Quint, les consultations à lui adressées sur toutes les affaires politiques de l’Europe et les réponses, on a un double jour ouvert sur la pensée du grand solitaire ; il n’a plus été possible de dire avec Robertson : « Les pensées et les vues ambitieuses qui l’avaient si longtemps occupé et agité étaient entièrement effacées de son esprit ; loin de reprendre aucune part aux événements politiques de l’Europe, il n’avait pas même la curiosité de s’en informer. » Et sans faire de lui le moins du monde un ambitieux qui se repent, ni sans accuser les bons moines d’avoir falsifié la vérité parce qu’ils en ont ignoré la moitié, on est arrivé à voir le Charles-Quint réel, naturel, non légendaire, partagé entre les soins qu’il devait encore au monde et à sa famille, traité et considéré par elle comme une sorte d’empereur consultant, et en même temps catholique fervent, Espagnol dévot et sombre, tourné d’imagination et en esprit de pénitence aux visions de purgatoire ou d’enfer, et aux perspectives funèbres.
Elle sent et pense comme une personne de son sang et de son éducation doit sentir ; religieuse avant tout, elle a tous les préjugés d’une princesse de la race et presque du siècle de saint Louis : le jour où l’Assemblée accordera aux Juifs la possibilité d’être admis à tous les emplois lui paraîtra le plus horrible des jours et marqué d’une note sacrilège ; elle attribue tout ce qui se passe à la colère du Ciel, à sa vengeance ; puis elle espère qu’il se laissera toucher aux prières des bonnes âmes. […] J’avais cherché un moyen qui m’a longtemps échappé ; il me fallait une personne sûre et bien posée68, qu’il ne pût pas déjouer… Enfin, la personne la plus propre à une pareille négociation, le comte de La Marck, s’est rencontré sous ma main et je l’ai employé sur-le-champ. […] La première condition du plan de Mirabeau est notre éloignement avec toute la famille hors de Paris, non pas à l’étranger, mais en France… » Si la reine avait été charmée de Mirabeau, celui-ci, comme nous l’apprend de son côté M. de La Marck, sortit de l’entrevue plein de flamme et d’enthousiasme, « La dignité de la reine, la grâce répandue sur toute sa personne, son affabilité lorsque avec un attendrissement mêlé de remords il s’était accusé lui-même d’avoir été une des principales causes de ses peines, tout en elle l’avait charmé au-delà de toute expression. » Quand on la voit plus tard produire exactement le même effet sur Barnave, il faut reconnaître qu’elle avait de près ce don des femmes, le charme, la fascination. […] Comme simple lecteur, je ne puis m’empêcher de faire une observation : Marie-Antoinette parle d’une personne sûre et bien posée ; cette dernière locution m’étonne un peu au xviiie siècle.
de Talleyrand : « Ce ministre, qui posséda si éminemment, dit-il, l’art de la société, et qui en a si souvent usé avec succès, tantôt pour imposer à ceux qu’on voulait détruire, en leur faisant perdre contenance, tantôt pour attirer à lui ceux dont on voulait se servir, fit à M. de Senfft un accueil assez froid (avril 1806). » Ce ne fut qu’un peu plus tard, lorsque M. de Talleyrand eut quitté le ministère et perdu la faveur, que Mme de Senfft, personne distinguée et généreuse, — ce qu’on appelle une belle âme, — se sentit prise pour lui d’une sorte d’attrait et de beau zèle, d’un mouvement admiratif qui n’échappa point au personnage et qui fixa pour l’avenir l’agrément de leurs relations. […] Cette tragédie, si je ne me trompe, est au cinquième acte : le dénouement va paraître. » Il ne se serait point ouvert à lui, comme à un confident, sur le misérable caractère de cette royale famille espagnole, de ce brave homme ou benêt de roi, du prince des Asturies, de la reine, de ce méprisable et inséparable prince de la Paix qui, disait-il, avait l’air d’un taureau : « Le prince des Asturies est très-bête, très-méchant, très-ennemi de la France… La reine a son cœur et son histoire sur sa physionomie, c’est vous en dire assez. » Il ne lui eût pas confié ces princes en personne et ne les lui eût pas donnés tout d’abord pour hôtes à Valençay pour « les bien traiter et leur faire passer agréablement le temps », tout en lui recommandant de les isoler et « de faire surveiller autour d’eux. » Notez bien que cette année 1808, celle de la fourberie de Bayonne, ne fut point du tout une année de disgrâce pour Talleyrand. […] Napoléon avait été informé d’un rapprochement de Talleyrand avec Fouché pendant son absence, et il le soupçonnait de s’être également entendu avec Murat en cas d’accident et en prévision de ce qui pouvait soudainement résulter, dans cette aventure espagnole, d’une balle de guérillas ou d’un poignard de moine visant droit à sa personne. […] Il venait de rendre un grand service en imprimant en toute hâte la Déclaration de l’empereur Alexandre à la nation française ; mais en même temps il se présentait avec le poème de la Pitié de Delille sous le bras, et il tenait absolument à l’offrir en personne à l’empereur Alexandre au débotté, attendu que dans ce poème, qui datait de 1804, Delille avait adressé des vers prophétiques à ce même empereur. — On recevait les uns, on éconduisait les autres : les émissaires se succédaient à chaque minute ; Laborie, le secrétaire, l’homme affairé entre tous, y contractait cette agitation haletante et essoufflée qui ne l’a plus quitté depuis. […] Mollien, très bienveillant de M. de Tayllerand, et en général très circonspect dans ses Mémoires sur tout ce qui touche aux personnes, raconte qu’il arriva plus d’une fois à Napoléon, dans ses entretiens, de regretter la présence de Tayllerand pendant les Cent-Jours.
Je remarque, page 172, deux elle qui, ne se rapportant pas à la même personne, font amphibologie ; page 190, dans une note deux son rapprochés qui ne se rapportent pas au même objet, et dont l’un est improprement employé. […] Il arrivait fréquemment, en ce temps, que des personnes pieuses exaltées par l’oraison, par le jeûne, eussent des visions, des communications suivies avec la Vierge ou les saints. […] Combien de fois, en rêve, une personne se présente, cause avec nous, trouve ses expressions à merveille comme une âme distincte de nous, nous étonne par ce qu’elle dit, nous apprend souvent un secret graduellement, et nous qui écoutons, nous passons par toutes les alternatives d’attente et de surprise, comme si cela ne s’agitait pas en notre esprit et par notre esprit, auteur du drame ! […] L’article lui agréa en effet, et il voulut bien me le témoigner de la manière la plus délicate en associant à son remerciement la personne qui avait le droit d’être la plus difficile et la plus exigeante à son sujet. […] Sainte-Beuve s’était réfugié en Belgique, pour échapper à la simple menace des conséquences très-atténuées de ses doctrines actuelles. » Cette petite allusion à mon séjour en Belgique est une délicatesse de la part de M. de Montalembert, qui a pu savoir mieux que personne, puisqu’il m’a rendu alors un bon office, à quelle fin j’allais en Belgique.
. — Quant aux nobles, ne pouvant se réunir, avoir des représentants, agir par voie publique, ils ont agi par voie privée, auprès des ministres, des intendants, des subdélégués, des fermiers généraux et de toutes les personnes revêtues d’autorité ; on a pour leur qualité des égards, des ménagements, des complaisances. […] Nulle recherche contre lui, s’il est noble ; « on est infiniment circonspect envers les personnes d’un rang distingué » ; en province, dit Turgot, « la capitation des privilégiés s’est successivement réduite à un objet excessivement modique, tandis que la capitation des taillables est presque égale au principal des tailles ». […] À Mende37, l’évêque, seigneur suzerain du Gévaudan depuis le onzième siècle, choisit les conseils, les juges ordinaires et d’appel, les commissaires et syndics du pays », dispose de toutes les places « municipales et judiciaires », et, prié de venir à l’assemblée des trois ordres de la province, « répond que sa place, ses possessions et son rang le mettant au-dessus de tous les particuliers de son diocèse, il ne peut être présidé par personne, qu’étant seigneur suzerain de toutes les terres et particulièrement des baronnies, il ne peut céder le pas à ses vassaux et arrière-vassaux », bref qu’il est roi ou peu s’en faut dans sa province. […] Mortaillables, mainmortables, bordeliers, d’une façon ou d’une autre, quinze cent mille personnes, dit-on, ont au col un morceau du collier féodal ; rien d’étonnant, puisque de l’autre côté du Rhin presque tous les paysans le portent encore. […] Tel est enfin le monopole du grand colombier à pied, d’où ses pigeons par milliers vont pâturer en tout temps et sur toutes les terres, sans que personne puisse les tuer ni les prendre
Les personnes du monde qui était autrefois le vrai monde sont portées à croire que les peintures qu’on nous fait des mœurs mondaines ne ressemblent pas. […] La ploutocratie d’un côté, l’art et la littérature de l’autre, ont rompu et brouillé ses frontières, et personne ne s’y reconnaît plus. […] En réalité, on serait heureux de contribuer de sa personne à ce que ce spectacle a de brillant. […] La plus belle vie, la plus intelligente et la plus spirituelle, ce n’est peut-être pas celle des écrivains, même de ceux qui ont laissé de beaux livres : c’est celle des grands curieux qui ont vécu leur vie sans l’exprimer, et dont personne aujourd’hui ne sait les noms. […] Cependant regardez comme elle est bonne personne !