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335. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Son vice organique est le personnage qui la mène. […] Je cherche vainement le sens de cet énigmatique personnage : il garde, dans son agitation, la physionomie immobile d’un masque courant et intriguant, à travers une foule. […] Avec une adresse merveilleuse, l’auteur a résumé, dans ce personnage, les réserves et les objections que sa pièce soulève, à chaque scène. […] La comédie plaide contre elle-même, par la bouche du plus sensé de ses personnages, et ses mauvaises causes sont gagnées par ce bon moyen. […] Le premier acte met en scène ces cinq personnages, sous un feu croisé de mots justes et de vives saillies, de tirades ardentes et de réparties ironiques qui les éclaire sous tous leurs aspects.

336. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Mais il y a loin de ces travaux d’embellissement, qui l’engagèrent plus qu’il n’aurait voulu d’abord, au laborieux tableau tracé par La Bruyère ; et j’aime à penser que, si l’observateur moraliste avait songé à Gourville, ç’aurait été plutôt pour peindre ce personnage naturel et original, par les côtés vraiment singuliers et caractéristiques qui en font un individu-modèle dans son espèce. […] Des années se passent, et ce même Gourville, devenu l’homme du roi à l’étranger, initié dans les intérêts et les caractères des personnages les plus influents des Pays-Bas et de la Hollande, est l’un des premiers à deviner le jeune prince Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre, à lui donner des conseils, à le voir venir dans sa lutte couverte contre M. de Witt et à l’y applaudir ; et plus tard, quand l’habile prince a pris le dessus et est devenu seul arbitre dans son pays, Gourville, qui le visite au passage et qui en est très caressé, sait lui tenir tête en dissimulation, ne se livrer qu’autant qu’il faut, l’écarter doucement avec badinage et respect, comme il convient à celui qui représente désormais des intérêts contraires. […] Un autre jour, l’entreprise sur le coadjuteur ayant manqué, Gourville, qui se trouvait désœuvré à Damvillers, eut l’idée d’enlever quelque autre personnage moins considérable, mais qui pourrait être d’un bon rapport. […] À côté des portraits de ces grands ministres, il mêle assez singulièrement et philosophiquement ceux de ses quatre ou cinq laquais et domestiques qui ne le quittent pas depuis qu’il garde la chambre : c’est que, depuis lors, ces cinq derniers personnages tenaient autant et plus de place dans sa vie. […] écrivait au directeur Carnot Bonaparte, général de l’armée d’Italie, en parlant d’un personnage qu’il venait de rencontrer et de manier.

337. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Prométhée, Œdipe, Oreste, Hécube, Électre, sont tous des personnages ou touchants ou terribles, en qui se manifestent les fureurs ou les cruautés du destin. […] La même cause explique le choix des personnages et des sujets. Pourquoi des sujets si éloignés dans le lieu et dans le temps, pourquoi des personnages si haut placés dans la hiérarchie sociale, des rois, des princes ? […] Des personnages trop près de nous ne se prêtent pas à l’idéal, ce sont des hommes, ce n’est pas l’homme. Notre théâtre, qui est en quelque sorte tout platonicien et qui sacrifie partout le sensible à l’intelligible, éloigne de nous ses personnages, afin qu’il n’y ait plus qu’une seule chose de commune entre eux et nous : le cœur.

338. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Il ne lui manquait que ce personnage ironique, la pire forme du diable, riant du bien et jouissant du mal, Méphistophélès. Mais nous nous trompons, ce personnage même ne lui manquait plus, car un poète anglais, Marlowe, l’avait déjà inventé dans un premier drame de Faust sous le nom de Méphistophélis. Goethe trouva ce caractère satanique tout fait ; il n’eut qu’une voyelle à changer dans le nom de cet infernal personnage. […] Faust est la tragédie de l’esprit humain aux prises avec les deux principes du bien et du mal dans le personnage de Faust ! Enfin Faust est la tragédie de Dieu et de Satan, le bien et le mal, dans le personnage de Méphistophélès.

339. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Depuis Démétrios, les personnages du roman historique restent nos contemporains. […] On sent exister Gillette dans l’Inconstante, on voit moins les autres personnages. […] Les femmes ne peuvent guère mettre en relief plus d’un personnage. […] Les personnages de Couvreur nous sont présentés différemment. […] La liberté des mœurs de nos personnages ne pouvait être admise quai Conti.

340. (1914) Une année de critique

C’est que le dépit, né de la vanité blessée, eut sans doute une grande part dans la formation de ce personnage. […] Là encore, le caractère du personnage n’est pas définitivement fixé. […] De la sorte, tous les événements s’ordonnent autour d’un centre, que forment la pensée et la sensibilité du personnage qui parle. […] Il les considère en eux-mêmes, et non pas dans les rapports qu’ils entretiennent avec un personnage principal. […] Aussi bien, ses personnages ne font jamais qu’illustrer ses idées.

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