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589. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Presque toujours seule à l’église ou aux champs, elle s’absorbait dans une communication profonde de sa pensée avec les saints dont elle contemplait les images, avec le ciel où on la voyait souvent tenir ses yeux comme cloués. […] Elle dut s’y asseoir souvent seule, nourrissant sa secrète pensée. […] Mais si je n’apprends bientôt votre amendement, votre rentrée au sein de l’Église, je laisserai peut-être les Anglais et me tournerai contre vous pour extirper l’affreuse superstition… Le clerc qui lui servait de secrétaire avait pu lui arranger ses phrases, mais ce devait être assez sa pensée. […] Le vieil écuyer Bertrand de Poulangy, qui, dans sa jeunesse, avait eu l’honneur d’escorter Jeanne lors de sa première chevauchée de Vaucouleurs à Chinon, disait que, dans toutes les nuitées et les couchées du voyage, il n’avait pas eu à son égard une pensée de désir. […] Michelet a bien saisi la pensée même du personnage, qu’il a rendu avec vie, avec entrain et verve, le mouvement de l’ensemble, l’ivresse de la population, ce cri public d’enthousiasme qui, plus vrai que toute réflexion et toute doctrine, plus fort que toute puissance régulière, s’éleva alors en l’honneur de la noble enfant, et qui, nonobstant Chapelain ou Voltaire, n’a pas cessé de l’environner depuis.

590. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On vit donc en Fontenelle, presque dès l’enfance, un bel esprit déjà compliqué et très compassé, faisant des vers latins ingénieux et subtils, puis des vers français très galants, n’ayant de goût que pour les choses de l’intelligence et de la pensée, y portant une analyse curieuse, une expression fine et rare30. […] On y trouvait, sous une forme froide, mais ingénieuse et distinguée, des pensées libres et dégagées sur les sottises humaines, une sagacité indifférente à les démêler à travers les temps, les croyances et les costumes divers. […] Mais Boileau n’était pas assez de sang-froid ni assez philosophe pour aller chercher et goûter une pensée saine dans une expression qui ne l’était pas : et Fontenelle, à son entrée dans le monde, offrait les vérités, bonbonnière en main, absolument comme on offrirait des dragées ou des pastilles. […] On a remarqué que, dans sa première manière, il y avait une sorte de contradiction et d’antithèse entre le ton, qui était mesquin et précieux, et le fond de la pensée, qui allait au réel et au solide ; il en résultait une disproportion et un manque de concert qui faisait du tissu de son style comme une épigramme continuelle. À la longue, cette prétention (car c’en était bien une), en se réduisant et en s’adoucissant, finit par devenir l’habitude facile, le pas égal et naturel de sa pensée.

591. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Nous ne prosternons point ainsi la pensée. […] Hurter était un esprit fort calme alors, très érudit, que la grande figure d’Innocent III, très calme aussi, devait naturellement attirer, et qu’il admira bonnement, dans toute la candeur d’une pensée honnête. […] En effet, l’Église catholique a tant agi sur la pensée des hommes qu’elle l’a passionnée à outrance dans les deux sens où se passionne la pensée : l’amour et la haine ; si bien que presque tous les livres qui ont traité de l’Église politiquement ont faussé les choses au profit de ces sentiments opposés. […] C’était la pensée immuable du Saint-Siège, la préoccupation de la chrétienté, sa gravitation éternelle. […] Son livre atteste des lectures immenses, une grande placidité de pensée, le sentiment de la dignité humaine ; mais des vues, du mouvement, nous en avons vainement cherché.

592. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

D’une excellente façon : par une pensée nouvelle qui soit à lui. […] Il emprisonne la pensée des hommes d’aujourd’hui dans la pensée des hommes d’autrefois, puisqu’il ne permet aux hommes d’aujourd’hui d’exprimer leurs pensées que dans les mots des hommes d’autrefois ; puisqu’il ne donne à ma pensée, pour sortir, que la fenêtre par où passait la pensée de mes aïeux ; puisque, ce faisant, en dernière analyse il me force à prendre la pensée de Descartes pour dire la mienne. […] Mais cette pensée est bien la pensée angulaire ou fondamentale de la doctrine de l’homme théorique. […] En ce cas il serait très vrai de mesurer la pensée à l’acte et de conclure de tel acte non fait que la pensée n’en existait point et de tel acte fait que la pensée en existait. […] Le sommeil, c’est le domaine de la pensée sans contrainte.

593. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

et je proclamerai la sublimité de sa pensée et l’adorable illusion de son génie. […] Des exemples expliqueront mieux ma pensée. […] La poésie sans passion et sans pensée ? […] La pensée ! […] pourquoi restes-tu, depuis tant de milliers de siècles, immobile et comme sans pensée ? 

594. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

… Mais, lorsqu’enfin a lieu la délivrance, lorsque la pensée est sortie, quelle vigueur, quelle éloquence familière ! […] Voilà la dernière formule de la pensée de l’auteur. […] Souvent je me suis entretenu en pensée avec vous et avec votre chère famille, non sans remords ! […] Quelle angoisse pénétrante dans cette mélodie qu’on nomme sa dernière pensée, son dernier soupir ! […] … Images voluptueuses, qui n’ont d’ailleurs pas beaucoup de pensée : effet d’un sang méridional.

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