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1281. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Qu’elles se débattent, l’une entre une tourbe de niais et avide de trouver une âme assonante à la sienne, elle prostitue son corps et ses cris à de bas goujas et meurt abandonnée de tous par le fier refus de l’indulgence de celui qui la fit lafemme d’un imbécile ; que l’autre, plus intimement malheureuse, froissée sans cesse par le choquant contact d’un rustre, renonçant en un pudique et sage pressentiment, à l’amour probablement chétif d’un jeune homme « de toutes les faiblesses », insultée par les filles, haïe de son enfant, et finissant en une hautaine indulgence par faire à son mari l’aumône de soins délicats, — toutes deux mesurent l’amertume de la vie, hostile aux nobles, et paient la peine de n’être pas telles que ceux qui les coudoient. […] Félicité, la simple bonne de Mme Aubain, porte au catéchisme où elle accompagne la fille de sa maîtresse, une sensibilité délicate et tactile, jusqu’à de pareilles élévations : « Elle avait peine à imaginer sa personne ; il n’était pas seulement oiseau mais encore un feu et d’autres fois un souffle, c’est peut-être sa lumière qui voltige la nuit, au bord des marécages, son haleine qui pousse les nuées, sa voix qui rend les cloches harmonieuses ; et elle demeurait dans une adoration, jouissant de la fraîcheur des murs et de la tranquillité de l’église. » En s’accoutumant à rendre le dialogue en style indirect, Flaubert se débarrasse encore, de la nécessité des modernistes, forcés de hacher leur phrase à la mesure de paroles lâchées. […] La difficulté de bien faire cette sorte de phrase, la peine qu’elle lui donnait proscrivant toute prolixité, le fit condenser ses descriptions et ses analyses, en leurs points les plus significatifs, rendit son style tendu et stable.

1282. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’ordre des matières, qui est le fil dans le labyrinthe, n’en sera toutefois brisé qu’en apparence pour l’ouvrage tout entier ; car nous aurons soin de ne point entrecroiser, dans le même entretien, des sujets appartenant à des temps, à des nations, à des auteurs différents, ce qui jetterait la confusion dans l’ouvrage, mais de consacrer chaque entretien tout entier ou plusieurs entretiens à un seul et même sujet ; nous placerons en tête ou en marge de chacun des entretiens l’époque à laquelle il se rapporte, en sorte qu’à la fin du Cours chacun des lecteurs pourra, en faisant relier ensemble les livraisons, rétablir sans peine l’ordre chronologique, interverti un moment pour la liberté et pour l’agrément de la conversation littéraire. […] Non, non, je resterai ici, ô mon roi, dans ces sombres forêts pour calmer les peines qui te rongent, lorsque, accablé sous le poids de ces angoisses de la faim, de la soif, du froid, tu reportes un triste et lointain regard sur ta félicité passée ! […] Toi qui enlèves à l’homme le sentiment du fardeau de ses peines, n’as-tu point vu Nala, qui m’est si cher ?

1283. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

À cela je réponds qu’on peut exercer et étendre la mémoire des enfants aussi facilement et plus utilement avec d’autres connaissances que des mots grecs et latins ; qu’il faut autant de mémoire pour apprendre exactement la chronologie, la géographie et l’histoire, que le dictionnaire et la syntaxe ; que les exemples d’hommes qui n’ont jamais su ni grec ni latin, et dont la mémoire n’en est ni moins fidèle, ni moins étendue, ne sont pas rares ; qu’il est faux qu’on ne puisse tirer parti que de la mémoire des enfants ; qu’ils ont plus de raison que n’en exigent des éléments d’arithmétique, de géométrie et d’histoire ; qu’il est d’expérience qu’ils retiennent tout indistinctement ; que quand ils n’auraient pas cette dose de raison qui convient aux sciences que je viens de nommer, ce n’est point à l’étude des langues qu’il faudrait accorder la préférence, à moins qu’on ne se proposât de les enseigner comme on apprend la langue maternelle, par usage, par un exercice journalier, méthode très avantageuse sans cloute, mais impraticable dans un enseignement public, dans une école mêlée de commensaux et d’externes ; que l’enseignement des langues se fait par des rudiments et d’autres livres ; c’est-à-dire qu’elle y est montrée par principes raisonnes, et que je ne connais pas de science plus épineuse ; que c’est l’application continuelle d’une logique très-fine, d’une métaphysique subtile, que je ne crois pas seulement supérieure à la capacité de l’enfance, mais encore à l’intelligence de la généralité des hommes faits, et la preuve en est consignée dans l’Encyclopédie, à l’article CONSTRUCTION, du célèbre Dumarsais, et à tous les articles de grammaire ; que si les langues sont des connaissances instrumentales, ce n’est pas pour les élèves, mais pour les maîtres ; que c’est mettre à la main d’un apprenti forgeron un marteau dont il ne peut ni empoigner le manche, ni vaincre le poids ; que si ce sont des clefs, ces clefs sont trèsdifficiles à saisir, très-dures à tourner ; qu’elles ne sont à l’usage que d’un très-petit nombre de conditions ; qu’à consulter l’expérience et à interroger les meilleurs étudiants de nos classes, on trouvera que l’étude s’en fait mal dans la jeunesse ; qu’elle excède de fatigue et d’ennui ; qu’elle occupe cinq ou six années, au bout desquelles on n’en entend pas seulement les mots techniques ; que les définitions rigoureuses des termes génitif, ablatif, verbes personnels, impersonnels sont peut-être encore à faire ; que la théorie précise des temps des verbes ne le cède guère en difficulté aux propositions de la philosophie de Newton, et je demande qu’on en fasse l’essai dans l’Encyclopédie, où ce sujet est supérieurement traité à l’article TEMPS ; que les jeunes étudiants ne savent ni le grec ni le latin qu’on leur a si longtemps enseigné, ni les sciences auxquelles on les aurait initiés ; que les plus habiles sont forcés à les réétudier au sortir de l’école, sous peine de les ignorer toute leur vie, et que la peine qu’ils ont endurée en expliquant Virgile, les pleurs dont ils ont trempé les satires plaisantes d’Horace, les ont à tel point dégoûtés de ces auteurs qu’ils ne les regardent plus qu’en frémissant : d’où je puis conclure, ce me semble, que ces langues savantes propres à si peu, si difficiles pour tous, doivent être renvoyées à un temps où l’esprit soit mûr, et placées dans un ordre d’enseignement postérieur à celui d’un grand nombre de connaissances plus généralement utiles et plus aisées, et avec d’autant plus de raison qu’à dix-huit ans on y fait des progrès plus sûrs et plus rapides, et qu’on en sait plus et mieux dans un an et demi, qu’un enfant n’en peut apprendre en six ou sept ans. […] Je sais qu’on a recours à la glose interlinéaire, à la construction directe, et à d’autres petits moyens de soulager l’imbécillité des élèves ; mais j’ignore encore le fruit de ces méthodes tant prônées par les inventeurs ; et le préservatif des mœurs, à l’aide des éditions mutilées, me paraît insuffisant, si à chaque ligne le maître ne fait pas sentir le vice d’un caractère, le danger d’une maxime, l’atrocité ou la malhonnêteté d’une action, peine qu’il ne se donnera jamais. […] — C’est que vous doubleriez votre peine, et qu’à la perte du temps, vous ajouteriez celle du goût, en vous accoutumant à des tours vicieux et barbares.

1284. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

En agissant ainsi, il porte simplement la peine de la conception historique qu’il s’est faite, si toutefois il s’en est fait une, si tant est qu’il soit autre chose que ce qu’il a été, d’organisation spontanée et viciée, depuis qu’il descend jusqu’à nous la longue chaîne des siècles et des événements. Arrivé aujourd’hui au commencement du dix-septième, nous le retrouvons tel que nous l’avons connu dans les publications précédentes : historien effaré, qui ne veut pas se donner la peine de faire bien ; qui sait, mais qui met sa haine au-dessus de la science ; coquet dans cette haine comme la femme que nous avons dit qu’il était ; artiste en blessures, travaillant ses assassinats comme des bijoux. […] Quelquefois, pendant qu’il vivait, il s’est servi de la peine de mort, cet homme clair, mais il a toujours dit, ce semble, assez distinctement pourquoi.

1285. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

À ce titre, et dans cet ordre de sentiments, ce que le poëte thébain avait peine à rencontrer au travers de l’éclat des fêtes, ce que le voluptueux Horace cherchait encore moins, sera dans la poésie le feu sacré de l’évêque des premiers temps. […] Que si, plus tard, cette liberté illimitée de l’âme lui a trop pesé, si, dans ce vide et cette absence d’un culte positif, l’autorité croissante du christianisme a fini par l’entrainer, le charmer de ses merveilleux triomphes, le retenir par la grandeur même des problèmes qu’elle résolvait devant lui ; si enfin, au milieu de ses recherches et de ses progrès de croyance, en dépit même de ses réserves sur quelques points, la main d’un impérieux docteur, de l’archevêque Cyrille, est venue le saisir et l’enchaîner à la religion par les plus grands honneurs qu’elle puisse offrir, on le concevra sans peine, Synésius, ainsi parvenu à la chaire épiscopale, n’y portera pas les agitations et les souffrances du patriarche de Constantinople. […] Il garde une opinion à part, et longtemps laissée libre, sur l’époque de la création des âmes ; il partage le dissentiment d’Origène quant à l’éternité des peines.

1286. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

» De Candolle n’eut pas de peine à en convenir, mais il trouva la méthode originale. […] ce n’est pas là donner un baiser, ma chère, c’est donner seulement le regret mortel d’un baiser. » Ces fins érudits sont volontiers égrillards en paroles quand ils citent grec et latin : il faut bien qu’ils se payent de leur peine et de leur ennui.

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