Nous ne lui reprocherons pas, nous, la violence de sa manière de peindre, qui n’est que de la netteté flamboyante dans ce sujet d’un enfer réel, où l’ignominie des Sept Péchés Capitaux force le poète à matérialiser sa pensée, comme l’âme a matérialisé son péché, comme Dieu a matérialisé le châtiment. […] Amédée Pommier, en peignant l’enfer comme il l’a peint, a été tout ce qu’il a dû être.
Montrer le paysan tel qu’il est, c’est une fantaisie inutile de Balzac ; peindre rigoureusement les abominations du cœur de l’homme, cela est bon pour Hogarth, esprit taquin et hypocondriaque ; montrer au naturel les vices du soldat, ah ! […] Il ne s’agit pas de peindre, de dessiner d’une manière originale les laideurs morales de la sacristie ; il faut plaire au soldat-laboureur : le soldat-laboureur mangeait du jésuite.
Quel que soit le hasard ou le calcul qui réglait ce mélange, c’étaient là les semences de feu que, dans cette fournaise où il forgeait sa pensée, le poëte remuait incessamment et revêtait de mille formes, comme Virgile a peint ces ouvriers divins, lançant pêle-mêle, pour former la foudre, trois jets de pluie tordue, trois rayons du rapide Auster, et la colère avec les flammes qui la suivent : Tres imbris torti radios, tres alitis Austri Miscebant operi, flammisque sequacibus iras. […] Mais non : au milieu d’eux rien ne s’évanouit ; L’Orientale d’or, plus riche, épanouit Ses fleurs peintes et ciselées ; La Ballade est plus fraiche, et, dans le ciel grondant L’Ode ne pousse pas d’un souffle moins ardent Le groupe des strophes ailées.
Depuis Chateaubriand tous les poètes ont chanté ce lourd engourdissement de l’âme, et un tiers peut-être des Fleurs du Mal est consacré à en peindre les nuances et à en accentuer la désolation. […] Les idylles, les églogues, les récits amoureux ont moins pour but de décrire l’amour que de peindre les formes harmonieuses de vierges et d’éphèbes, qui passent au milieu de paysages presque divins. […] Il traite lui-même Madame Bovary d’histoire nauséabonde291 ; il écrit à George Sand : « Peindre les bourgeois modernes et français me pue étrangement au nez… Ces minces particuliers me sont lourds à remuer ! […] Sans cesse, il fallait qu’il put voir pour qu’il pût composer ; et ce n’est pas un phénomène extraordinaire qu’à force de voir le réel, il ait fini par le peindre dans ses livres et par leur donner quelquefois cette teinte réaliste qu’il exécrait cependant. […] Cet homme qui a su peindre la passion avec une intensité si âpre ne l’avait pas connue pour son propre compte : J’ai beaucoup rêvé et très peu exécuté, dit-il.
Alphonse Daudet a peint un coin très fidèle aussi de la brocante parisienne, des marchands de curiosités, dévoilé mille supercheries qui feront réfléchir l’amateur, s’il en est capable. […] Ici, un tableau de maître, peint d’après nature. […] Ce que Daudet a voulu peindre, c’est plutôt, selon nous, une passion d’imagination. […] Ceux qui reconnaissent là l’humanité fréquentent peut-être une humanité qui s’est modelée sur la comédie, mais certainement cette comédie ne peint pas l’humanité. […] Je voudrais essayer de le peindre tel qu’il était alors, ou plutôt de rendre l’impression bizarre, double, complexe, impartie d’attrait et de malaise, que je gardai de cette rencontre.
L’orateur a été mieux inspiré, quand il nous a dit tout ce qu’aimait M. de Tocqueville, quand il nous l’a peint surtout dans sa retraite, dans la vie privée, dans l’union domestique, où il ne fut trompé que dans la mesure de bonheur qui surpassa encore son espoir et son vœu.