Suivez bien ses phrases ampoulées, développez ses traînantes périphrases, soulevez ses images vieillies, et vous trouverez quelques pauvres allusions qu’on débite courageusement, car il n’y a pas de danger à les dire ; vous y verrez à chaque phrase, à chaque mot, l’éloge du temps où il avait voix délibérative dans les affaires du pays ; vous y sentirez, cachée sous des réticences, l’attaque envieuse contre tout ce qui est jeune, contre tout ce qui vit, contre tout ce qui a de l’avenir ; c’est la malédiction de la mort contre la vie ; c’est l’exaltation de tout ce qui est médiocre, mesquin, incolore, ordinaire, connu, ressassé, pauvre et croulant ! […] J’ai connu un homme qui, plus que personne, a appartenu à cette école ; pendant ses longues années de surnumérariat et d’apprentissage, pendant qu’il écrivait je ne sais combien de romans et de poésies qui jamais ne verront le jour, pendant qu’il lisait les maîtres de tous pays, pendant qu’il voyageait et qu’il allait demander à la nature les effluves fécondants qu’elle réserve à ceux qui veulent communier avec elle, il avait cru qu’il suffisait de posséder la Forme pour avoir le droit de parler à ses contemporains. […] Il est trop loin encore pour que nous puissions l’atteindre dans notre existence actuelle, mais nous pouvons du moins travailler à défricher la route qui mène vers les beaux pays de l’avenir ; c’est plus que notre devoir, c’est notre mission !
Voltaire en était ravi ; Horace Walpole, en Angleterre était partagé entre le plaisir que lui causait l’esprit de l’écrivain et l’indignation qu’il éprouvait contre les mœurs judiciaires de notre pays. […] Littré a écrit dans une lettre que les journaux ont citée : « Tout pays civilisé est ma patrie », et un autre représentant des plus distingués de l’esprit moderne, M. […] Nous savons maintenant comment Hermann, enrégimenté par la Prusse, se comporte en pays conquis, et quel uhlan, expert aux réquisitions, fait Werther coiffé de son casque à pointe. […] Ce n’est pas là de l’inexactitude ; c’est la préférence légitime et raisonnable du voyageur qui, traversant avec de jeunes compagnons de route un pays accidenté, choisit pour ses étapes les sommets où l’air est le plus pur et la vue la plus belle. […] Le 27 juillet est un malheur, mais c’est aussi une faute, une rupture immense, du fait du gouvernement et de la dynastie, avec le temps et le pays.
Les Cacouacs, enchantés de leur pays, le désertent quelquefois, après y avoir fait naître des divisions intestines qui n’éclatent que trop. […] Ils se vantoient que leur pays étoit le plus sécond en grands hommes. […] Il visita tout ce qu’il y avoit à voir dans le pays. […] La mission des capucins y florissoit : ils n’avoient jamais permis à leurs néophites les usages de leur pays. […] Le capucin le blâme d’avoir supplanté des religieux cordeliers, établis déjà dans ce pays-là, qui n’avoient pas cru être obligés d’effrayer la nature par d’excessives rigueurs de pénitence.
Chaque pays, pour son plaisir et pour sa gloire, a possédé quelques-uns de ces hommes-là. […] L’Allemagne, comme on le sait et comme il serait facile de le deviner si on ne le savait pas, est le pays qui a le plus donné dans l’erreur de l’art philosophique. […] La France aime le mythe, la morale, le rébus ; ou, pour mieux dire, pays de raisonnement, elle aime l’effort de l’esprit. […] Tout au contraire, dans d’autres pays, l’originalité se produit touffue, abondante, comme le gazon sauvage. […] L’allégorie créée par le peuple ne peut pas être comparée à ces semences qu’un cultivateur communique fraternellement à un autre qui les veut acclimater dans son pays.
De toutes les passions humaines, aucune n’affecte dans notre pays des formes plus diverses que l’amour ; aucune n’a plus subi l’influence du tour d’esprit dominant à chaque époque. […] Je conviens que ces jeunes filles grecques, juives ou romaines, dans la fable de Racine, sont plus de notre pays que du leur, plus contemporaines du siècle de Louis XIV que de la Grèce héroïque ou de la Rome des Césars. […] Les mères aiment de la même façon en tout temps et en tout pays. […] Je sais bien que, dans la pièce de Racine, les rêves d’Athalie se réalisent, et que Dieu ajoute à son châtiment l’horreur de voir en songe l’abîme où il la pousse ; mais il l’y pousse par ces passions qui ôtent le sens aux femmes, dans les pays où la loi de l’État leur donne la souveraine puissance sans leur donner la force d’en user.
Il m’a dit : « Tu vas à Paris, c’est un pays de perdition… lis Tertullien. » Et je lis Tertullien. […] Il y a quelques années, quand elle nous a dit qu’elle allait dans son pays, c’était pour accoucher. […] Il revient d’inaugurer les chemins de fer algériens, et il est furieux contre la civilisation, les ingénieurs qui abîment les paysages avec leurs rails, les utilitaires, tout ce qui met dans un pays une saine édilité. […] Et puis quant à la nostalgie d’un pays se joint la nostalgie d’un temps… comme vous par exemple du xviiie siècle… comme moi de la Venise de Casanova, avec embranchement sur Chypre, oh !