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829. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Sans doute l’introduction de la plupart de ces mots s’étant faite par les savants et d’autorité, pour ainsi dire, non insensiblement et par le peuple, ce ne saurait être à la manière du peuple et, comme cela s’est passé pour le premier fonds ancien de mots latins, par une usure lente et continuelle, que la simplification devra s’opérer. […] Cette réforme, toutefois, qui consistait à substituer l’a à l’o dans tous les mots où l’o se prononçait a, ne passa point tout d’une voix de son vivant : elle n’était point admise encore dans la quatrième édition du Dictionnaire de l’Académie, qui parut en 1762. […] Charles Nodier, par inimitié contre Voltaire d’abord, par l’effet d’un retour ultra-romantique vers le passé, par plusieurs raisons ou fantaisies rétrospectives, continua de maintenir et de pratiquer l’o. […] Chateaubriand de même ; c’était un coin de cocarde, un lien de plus avec le passé. […] Tout ne se passera pas aussi coulamment.

830. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Malouet, qui passe pour un des politiques français les plus amis de la Constitution anglaise, différait donc profondément des Anglais à l’origine et par l’éducation même. […] Dans les deux ou trois années passées à Paris depuis son retour de Saint-Domingue, Malouet avait beaucoup vu de gens de lettres en renom : il connaissait d’Alembert, Diderot, Condorcet ; il se lia intimement avec l’abbé Raynal, très curieux et avide de tout ce qui intéressait le commerce et l’histoire des colonies : mieux que personne il saura nous le montrer au naturel. […] C’est au sort à nous bien placer ; Il y fait plus que la sagesse ; Le hasard du succès doit en calmer l’ivresse : Il pourrait même apprendre au sage à s’en passer. […] Je passai deux heures dans sa cabane, étonné, attendri du spectacle de cette ruine vivante. […] Après une mission à Marseille pour la vente de l’arsenal, Malouet fut nommé intendant à Toulon et y passa les huit années qui précédèrent la Révolution (1781-1789), et qui furent, dit-il, les plus heureuses de sa vie.

831. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il passa au premier plan par la victoire du bel esprit français et mondain sur l’art antique : il fut naturel alors que le roman, qui avait toujours eu la faveur des gens du monde, devînt un des grands genres. […] Que s’est-il passé de 1714 à 1725 ? […] Non, il y a simplement que la Régence a passé, en son débraillé, dans sa cynique impudence, étalant ce que la majestueuse personne de Louis XIV cachait : il y a que Lesage a vu l’abbé Dubois gouverner le Régent, tandis que Philippe V avait Albéroni. […] Avec Marivaux500, le roman fait un grand progrès par cela seul que la Vie de Marianne et le Paysan parvenu se passent en France, à Paris. […] Saurin, Duclos, Marmontel, une foule d’autres font passer leur esprit aiguisé ou leur philosophie ronflante dans des récits, dont quelques-uns ont fait grand bruit en leur temps, et nous paraissent les plus ennuyeux de tous aujourd’hui.

832. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Les pires défauts de la littérature philosophique ont passé à nos orateurs : les grands mots vagues, les formules abstraites, les déclamations ronflantes, la sentimentalité débordante ; ils nous apparaissent comme de mauvais copistes de Diderot et de Rousseau. […] Plus simple, plus naturelle, elle aurait été plus près du véritable art, elle eût plus facilement rencontré les formes qui ne passent pas. […] Mirabeau porta toute sa vie le poids de son passé : il eut la gloire, jamais l’estime et la confiance. […] Les trois années qu’il passa au donjon de Vincennes furent de fécondes années d’études et de méditations. […] C’était un robuste Champenois, aux formes athlétiques, au masque vulgaire et puissant, sensuel, débraillé, actif, hardi, d’intelligence claire et forte : il n’était pas grand discoureur, et il passa pour ignorant parce qu’il ne citait pas l’antiquité, et ne faisait pas d’amplifications creuses.

833. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Pour parler, si je puis, avec plus de précision, ces deux mille pages m’ont, suggéré, m’ont fait imaginer un trop grand nombre de perceptions inattendues ; et ces perceptions étaient accompagnées de trop de plaisir et en même temps de trop de peine, de trop de pitié, de trop de désirs indéfinis et irréalisables… Mon âme est comme un instrument qui aurait trop vibré et à qui le prolongement muet des vibrations passées serait douloureux. […] Et bien a pris à Pierre Loti de passer par la désespérance et la négation absolues ; car, à partir de ce moment, il parcourt le monde sans autre souci que d’y recueillir les sensations les plus fortes ou les plus délicates. […] Les hommes du moyen âge découvrent l’Orient, c’est-à-dire une nature, une humanité et un art très différents des leurs, et ils paraissent à peine s’en douter ; presque rien de cette étrangeté ni de ce pittoresque n’a passé dans les chansons de geste postérieures aux croisades ni dans les fabliaux. […] Bien que les rapports de convenance entre toutes ces différentes choses et vous-même soient trop compliqués pour être exprimés comme dans le cas de la musique, vous sentez cependant qu’ils existent… Tout cela posé, passons à votre définition à vous, Loti. […] Terre édénique où la faune et la flore sont uniquement bienfaisantes, où il n’y a ni poisons ni serpents, où les hommes ne travaillent ni ne peinent, où les petites filles rieuses passent leur vie à se couronner de fleurs et à jouer, toutes nues, dans les clairs bassins où tombent les citrons et les oranges.

834. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Décidément il reste sensible que Hohaul, fils de Braguli et petit-fils de Rivno, a passé par l’École normale. […] … Regardez-les passer ! […] Richepin les croque çà et là, passe ! […] Passe si ces images, encore que trop multipliées, n’étaient, chez M.  […] Grand poète, en somme ; dans ses meilleurs moments, un Villon de moins d’entrailles et de plus de puissance, qui aurait passé par le romantisme ; ailleurs, un superbe insurgé en vers latins.

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