XII Si nous parcourions ainsi successivement tous les phénomènes du monde visible ou du monde social, nous trouverions partout des éléments sans nombre de poésie, cachés aux profanes dans toute la nature comme le feu dans le caillou. […] Nous trouverions partout que c’est l’émotion qui est la mesure de la poésie dans l’homme ; que l’amour est plus poétique que l’indifférence, que la douleur est plus poétique que le bonheur, que la piété est plus poétique que l’athéisme, que la vérité est plus poétique que le mensonge ; et qu’enfin la vertu, soit que vous la considériez dans l’homme public qui se dévoue à sa patrie, soit que vous la considériez dans l’homme privé qui se dévoue à sa famille, soit que vous la considériez dans l’humble femme qui se fait servante des hospices du pauvre et qui se dévoue à Dieu dans l’être souffrant, vous trouveriez partout, disons-nous, que la vertu est plus poétique que l’égoïsme ou le vice, parce que la vertu est au fond la plus forte, comme la plus divine des émotions.
C’est presque partout la même lettre toujours nouvelle, toujours imprévue, qui recommence. Je ne veux qu’y prendre çà et là quelques mots pour donner l’idée de ce qui est partout à l’état de lave et de torrent : Mon ami, je vous aime comme il faut aimer, avec excès, avec folie, transport et désespoir… Mon ami, je n’ai plus d’opium dans la tête ni dans le sang, j’y ai pis que cela, j’y ai ce qui ferait bénir le ciel, chérir la vie, si ce qu’on aime était animé du même mouvement. […] Elle se fait apporter les lettres qui lui viennent de M. de Guibert, partout où elle est, chez Mme Geoffrin, chez M.
c’est un sot frotté d’esprit. » Elle disait du duc de Nivernais : « Il est manqué de partout, guerrier manqué, ambassadeur manqué, auteur manqué, etc. » Rulhière lisait dans les salons ses Anecdotes manuscrites sur la Russie ; elle aurait voulu qu’il les jetât au feu, et elle lui offrait de l’en dédommager par une somme d’argent. […] Écrivant à d’Alembert, de Varsovie également, elle disait, en se félicitant de son lot, et sans ivresse : Ce voyage fait, je sens que j’aurai vu assez d’hommes et de choses pour être convaincue qu’ils sont partout à peu près les mêmes. […] Quelques mots de Montesquieu contre Mme Geoffrin indiquent assez ce qu’on pourrait d’ailleurs deviner, qu’il entre toujours un peu d’intrigue et de manège partout où il y a des hommes à gouverner, même quand ce sont les femmes qui s’en chargent.
L’assassinat de MM. de Guise, aux États de Blois, donna le signal aux mécontents et aux ligueurs d’Auxerre : un supérieur des Cordeliers, Claude Trahy, publia et prêcha partout que l’évêque Amyot avait tout su, tout approuvé, et qu’en absolvant le roi dont il était l’aumônier, il s’était fait son complice. […] Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets. […] Rollin de même a été critiqué en toute sévérité par Gibert, par l’abbé Bellanger, et ces critiques rigoureux ont presque partout raison contre lui, ce qui n’empêche pas Montesquieu d’avoir eu raison à son tour dans sa louange mémorable.
Le Brun, qui avait dans le talent des côtés grandioses, et de qui l’instinct lyrique cherchait partout autour de lui des sujets, saisit avidement celui qui lui permettait d’évoquer l’Ombre de Corneille, et de la mettre en face de Voltaire. […] Il conçut à l’instant l’idée de plusieurs pamphlets ou diatribes pour les opposer aux feuilles de Fréron (La Wasprie, L’Âne littéraire) ; il les écrivit ou les fit écrire par son frère, et s’occupa de les répandre partout pour démonétiser l’adversaire : « Ne serait-il pas heureux, écrivait-il à Voltaire, de venger à la fois le bon goût qu’il offense, et de réduire ce coquin à la mendicité, en attendant qu’il aille aux galères ? […] Il le prônait partout ; il lut de ses vers à la reine ; il le poussa auprès de M. de Calonne.
Saint-Simon lui-même lui a rendu cet hommage que, sans gêner sa nature et se mettant partout à son aise, il ne se méconnaît pas. […] Cela le fit rire… » Dans les quelques jours qu’il a passés au camp, Gourville fait de ces remarques positives et curieuses comme il en a partout, et qui peignent les mœurs. […] Dans cette disposition peu chagrine, Gourville passe en pays étranger, il réside successivement à Bruxelles, en Angleterre, en Hollande, accueilli et recherché partout des princes et des premiers de l’État, donnant à chacun en particulier de bons conseils, et honorant le nom français par son esprit, par un excellent cuisinier (article essentiel qu’il n’oublie, jamais), et par son solide jugement.