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20. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

En aucun cas, Boileau ne consent qu’on sacrifie le général au particulier, la psychologie à la chronique. […] Nous n’admettons pas que tant de sensibilités, d’intelligences et d’expériences diverses, réunies sans concert préalable dans une commune impression, ne soient pas de plus sûrs garants du possible et du réel que le génie particulier d’un homme. […] Au troisième degré sont les lois particulières des genres. […] Mais à lire Pindare, et même Horace, Boileau sent bien qu’il y a là quelque chose de particulier, qui ne se trouve point ailleurs. […] On ne parle pas naturellement comme il parle, mais il est naturel qu’il parle ainsi, selon les lois de la poésie lyrique : Boileau n’avait qu’un pas à faire, pour apercevoir que ces lois correspondaient à un état d’âme très particulier, mais très réel.

21. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Elles auront pour objet de donner plus de précision et de clarté aux choses : elles vous forceront à ne rien laisser dans le vague, à imaginer le détail le plus particulier, le plus individuel qu’il vous sera possible. […] Votre langue se déliera en face du particulier : vous aurez un jugement à porter, une raison à produire, une émotion à noter. […] Quand vous êtes en présence d’une idée particulière ou concrète, il est bon de regarder l’objet, d’en étudier les caractères essentiels, en un mot de s’en faire à soi-même la description. […] Cette description est aussi particulière que celle de Buffon était générale ; elle est faite des mêmes éléments, elle n’ajoute presque aucun trait : mais c’est un désert, ce n’est pas le désert ; c’est le Sahara vu d’El-Aghouat. Dans la sensation particulière que le morceau me donne, j’isolerai pourtant de quoi former l’idée générale du désert (assez vide, assez désolé, etc. ; soleil, étendue, solitude).

22. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Et, quoique chaque œuvre en particulier puisse plaire par des raisons particulières, toutes cependant plaisent ensemble par des raisons qui leur sont communes. Rechercher ces raisons communes, c’est faire une doctrine littéraire ; rechercher ces raisons particulières, c’est l’appliquer. […] Au contraire, tout ce qui n’intéresse qu’un temps particulier, un lieu particulier, quelques hommes, quelques professions, tout ce qui a besoin de commentaires pour être compris et goûté (je ne parle pas de l’intelligence des textes), tout ce qui se rapporte à des usages disparus, à des habitudes spéciales et locales, peut plaire à des érudits, ou a pu plaire dans un temps donné, mais n’est pas universellement, éternellement beau. […] Il résulte de ces principes que tout ce qui est mode, caprice, tournure particulière d’imagination, esprit d’un temps, imitation factice, que tous ces éléments étrangers au beau, qui l’imitent ou qui le masquent, doivent être écartés par la critique littéraire, celle-ci ne devant s’attacher qu’à ce qui est humain, général et vrai. […] De ce nouveau principe, il tire cette conséquence : « que l’homme de génie ne doit être que l’organe de tous et non une personne privilégiée ayant des pensées particulières », que « c’estcelui qui dit ce que tout le monde sait », qu’il n’est que « l’écho intelligent de la foule ».

23. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Presque toutes ses œuvres ont le don particulier de l’unité, qui est un des besoins de la mémoire. […] Il connaît toute cette poésie particulière aux pays du Nord. […] Ils ont tous un cachet particulier, et le détail n’en exclut pas une exécution large et facile. […] Lenglet un autre signe particulier aux figures antiques, qui est une attention profonde. […] L’élément particulier de chaque beauté vient des passions, et comme nous avons nos passions particulières, nous avons notre beauté.

24. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

C’est le premier exemple de cette émancipation des sciences particulières que nous allons voir continuer. […] Elle a été moins une science particulière sortant de la science générale, qu’une science naissant d’un art. […] Mais par suite de cette analyse infinie, toute science particulière devient un monde. […] Il y a plus ; ce travail intérieur qui scinde aussi la philosophie en sciences particulières, scinde aussi les sciences particulières en sous-sciences, la physique par exemple en thermologie, optique, acoustique ; la biologie en physiologie, histologie, etc... […] Actuellement elle présente le singulier spectacle d’une science universelle par certains côtés, particulière par certains autres.

25. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Quoi qu’on fasse, on ne peut éviter entièrement de présenter comme antérieure telle science qui aura cependant besoin, sous quelques rapports particuliers plus ou moins importants, d’emprunter des notions à une autre science classée dans un rang postérieur. […] Ces derniers sont évidemment, en effet, plus compliqués et plus particuliers que les autres ; ils dépendent des précédents, qui au contraire, n’en dépendent nullement. […] Car il reste toujours vrai, même dans cette hypothèse, que les phénomènes généraux doivent être étudiés avant de procéder à l’examen des modifications spéciales qu’ils éprouvent dans certains êtres de l’univers, par suite d’une disposition particulière des molécules. […] Le dernier ordre de phénomènes est évidemment plus compliqué et plus particulier que le premier ; il en dépend sans influer sur lui. […] Mais ces deux sciences physiques ont cela de particulier, que, dans l’état présent de l’esprit humain, elles sont déjà et seront toujours davantage employées comme méthode beaucoup plus que comme doctrine directe.

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