Cette traduction d’un gaulois riant, avec tous ses défauts d’exactitude à peu près inévitables, eut pour effet de populariser, de nationaliser de bonne heure l’ouvrage en français, de le faire aimer et goûter, d’y infuser un degré de naïveté qui est plutôt dans le sens que dans les expressions de l’auteur grec. […] Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante, Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle. […] Revenant sur une comparaison dès longtemps instituée et toujours ouverte entre cette ancienne idylle et Paul et Virginie, il a maintenu le premier ouvrage, vrai, naturel, immortel, non pas du tout inférieur, même en présence du second. […] — Cet ouvrage de Jacobs parut en mars 1832, date de la mort de Gœthe.
Un peu plus tard, ayant trouvé un petit emploi qui l’envoyait à une vingtaine de lieues de Paris, il y lut les ouvrages de Richardson ; mais son trouble intérieur, loin de s’en apaiser, s’en accroissait encore. […] Un ouvrage de M. […] Beaucoup de gens aujourd’hui vous parlent à l’oreille de cet ouvrage et l’incriminent sur ouï-dire ; la plupart seraient fort étonnés, s’ils le lisaient, d’y trouver un écrit tout de forme métaphysique et de déduction abstraite, d’un dogmatisme ingénieux, mais assez difficile et obscur. […] Vous voyez, messieurs (l’ouvrage est sous forme de discours), par le seul énoncé, que cette partie des devoirs académiques est diminuée considérablement, vos décrets ne laissant plus en France que des citoyens. » — Le monde me fait parfois l’effet d’une très-bonne montre ; on fait tout pour la gâter et la déranger ; mais, pour peu qu’on la laisse quelque temps dormir tranquille, elle revient d’elle-même au bon point.
En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience. […] Ces êtres seuls n’ont plus de droits à l’association mutuelle de misères et d’indulgence, qui, en se montrant sans pitié, ont effacé dans eux le sceau de la nature humaine : le remords d’avoir manqué à quelque principe de morale que ce soit, est l’ouvrage du raisonnement, ainsi que la morale elle-même ; mais le remords d’avoir bravé la pitié, doit poursuivre comme un sentiment personnel, comme un danger pour soi, comme une terreur dont on est l’objet ; on a une telle identité avec l’être qui souffre, que ceux qui parviennent à la détruire, acquièrent souvent une sorte de dureté pour eux-mêmes, qui sert encore, sous quelques rapports, à les priver de tout ce qu’ils pourraient attendre de la pitié des autres ; cependant, s’il en est temps encore, qu’ils sauvent un infortuné, qu’ils épargnent un ennemi vaincu, et, rentrés dans les liens de l’humanité, ils seront de nouveau sous sa sauvegarde. […] 5 J’aurais pu traiter la générosité, la pitié ; la plupart des questions agitées dans cet ouvrage, sous le simple rapport de la morale qui en fait une loi, mais je crois la vraie morale tellement d’accord avec l’intérêt général, qu’il me semble toujours que l’idée du devoir a été trouvée, pour abréger l’exposé des principes de conduite qu’on aurait pu développer à l’homme d’après ses avantages personnels ; et comme, dans les premières années de la vie, on défend ce qui fait mal, dans l’enfance de la nature humaine, on lui commande encore ce qu’il serait toujours possible de lui prouver. […] Smith, dons son excellent ouvrage de la théorie des sentiments moraux, attribue la pitié à cette sympathie qui nous fait nous transporter dans la situation d’un autre, et supposer ce que nous éprouverions à sa place.
Boileau voyait en lui l’apologiste des ouvrages précieux, et la conduite publique de Chapelain l’y autorisait. […] Deux ouvrages de Descartes marquent surtout dans l’histoire littéraire : le Discours de la Méthode (1637) et le Traité des Passion (16491. […] Le « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences » est la biographie d’une pensée ; et du seul caractère narratif et descriptif de l’ouvrage sortent visiblement deux traits de la physionomie intellectuelle de Descartes : au lieu d’une exposition théorique de sa méthode, il nous en décrit la formation dans son esprit, et présente ses idées comme autant d’actes successifs de son intelligence, de façon à nous donner en même temps qu’une connaissance abstraite la sensation d’une énergie qui se déploie ; le tempérament actif des hommes de ce temps est devenu chez Descartes une puissance créatrice d’idées et de « chaînes » d’idées. […] Il avait supprimé en 1633 son Traité du monde effrayé qu’il était par la condamnation de Galilée, et c’est pour suppléer en quelque façon à ce grand ouvrage, qu’il donna son Discours de la Méthode.
C’est d’après cet ouvrage précieux à la littérature que j’ai entrepris de rendre une des plus singulières tragédies de Shakespeare. […] J’en sens l’influence dans mes ouvrages ; une émotion puissante me transporte sur les hauteurs de mon sujet. J’aime à traverser des abîmes, à franchir des précipices… Je ne sais à quel degré de talent je pourrai m’élever dans mes ouvrages ; mais, si la nature m’a donné une façon particulière de la voir et de la sentir, je tâcherai de la manifester franchement, sans autre poétique que celle de la nature, avec une douceur d’enfant ou une violence de tourbillon. […] L’ouvrage tournait finalement à la vertu, puisque Farhan n’est pas le vrai frère de Saléma, et Abufar pouvait dire en finissant à tout ce qui l’entoure : Donnez-vous tous la main, et soyez tous heureux !
Il faut donc lire les bons ouvrages dramatiques ; mais ici encore il y a une manière particulière de lire et tout à fait particulière. […] On sait assez qu’Orgon, — et c’est une des grandes beautés de l’ouvrage — a deux caractères, selon, pour ainsi dire, qu’il est tourné du côté de Tartuffe ou tourné du côté de sa famille, autoritaire dans sa maison, docile au dernier degré devant « le pauvre homme ». […] En résumé, sauf légères exceptions circonstancielles, on démêlera dans l’ouvrage d’un auteur dramatique ce qu’il pense lui-même en voyant à qui, dans la discussion, il donne « le raisonnement faible », comme disaient les sophistes ; à qui surtout il donne le raisonnement à quoi l’on ne répond rien, encore qu’à tout raisonnement on puisse répondre. […] Mais, retenons ceci : c’est l’accent qui est révélateur de ce qu’un auteur dramatique met de lui-même dans un ouvrage dramatique.