On eût mis l’esprit humain au défi de concevoir les plus étonnantes merveilles, on l’eût affranchi des limites que la réalisation impose toujours à l’idéal, qu’il n’eût pas osé concevoir la millième partie des splendeurs que l’observation a démontrées. […] Et pourtant on était libre alors de créer des merveilles ; on taillait en pleine étoffe, si j’ose le dire ; l’observation ne venait pas gêner la fantaisie ; mais c’était à la méthode expérimentale, que plusieurs se plaisent à représenter comme étroite et sans idéal, qu’il était réservé de nous révéler non pas cet infini métaphysique dont l’idée est la base même de la raison de l’homme, mais cet infini réel, que jamais il n’atteint dans les plus hardies excursions de sa fantaisie.
Ce sont ces règles de la végétation humaine que l’histoire à présent doit chercher ; c’est cette psychologie spéciale de chaque formation qu’il faut faire ; c’est le tableau complet de ces conditions propres qu’il faut aujourd’hui travailler à composer. » Je voudrais pouvoir, Messieurs, vous montrer comment l’illustre critique a poursuivi son programme, comment il a développé et élargi sa méthode dans sa Philosophie de l’art, comment il a osé aborder les problèmes les plus compliqués de l’esthétique, ceux de la production de l’œuvre d’art et de l’idéal dans l’art, en « naturaliste », selon sa propre expression, et « méthodiquement », en vue « d’arriver non à une mode, mais à une loi ». […] Deux siècles auparavant, quand Brunetto Latini osait dire que « toutes les choses étaient faites pour l’homme et que l’homme était fait pour lui-même », un prudent contemporain se hâtait d’ajouter « et pour aimer et servir Dieu et avoir la joie perdurable ».
Le Malauve de l’Astre noir n’est point blâmé de ses ignominies ; elles apparaissent comme des nécessités de son génie et l’auteur n’ose pas détester ici nettement ce qu’il appellera ailleurs “abominable supériorité intellectuelle”. […] Il n’ose jamais exposer une doctrine d’un de ces mouvements larges où une synthèse personnelle emporte et renouvelle des éléments connus.
Aussi je souffre toujours quand je vois une chose simple qu’on n’a pas osé dire dans un éloge historique par je ne sais quel scrupule de noblesse ou de fausse convenance. […] L’anecdote est assez agréablement racontée chez Pariset ; pourtant, au lieu de dire l’hôpital Necker et de nommer la fondatrice, il nous parle d’un établissement « qu’une dame célèbre avait fondé du côté de Vaugirard » ; il tourne autour de cette dame comme s’il voulait et n’osait la définir : « La simplicité, dit-il, n’est pas toujours compagne de la bienfaisance.
Aujourd’hui qu’à distance il est permis de dégager, d’accuser les traits plus vivement et même crûment, j’essaierai de rendre l’impression que j’ai reçue en repassant les principaux écrits de cette femme-auteur, car il faudrait être bien osé pour prétendre les avoir tous lus. […] Le désaccord qu’on s’est plu à noter entre sa conduite et les principes affichés dans ses écrits ne fait que mieux ressortir peut-être ce que ce talent d’instituteur avait en elle de naturel, de primitif et, si j’ose dire, de sincère.
Mais s’ils en ont eu à quelque moment l’idée ou la velléité, ils n’ont pas osé ; ils n’ont pas assez aimé la pure chose universitaire jour cela. […] Nous osons rappeler, au milieu des portions florissantes et triomphantes de la nation industrielle et militaire, qu’il y a aussi un pays moral, littéraire ; et, sans trop imaginer les moyens de le rétablir et de le réconforter, nous désirons que de plus habiles que nous y songent.