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735. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

De quel droit osons-nous prononcer ainsi ? […] Or… le cœur est tout… Tout État, si j’ose le dire, est un vaisseau mystérieux qui a ses ancres dans le ciel. » (Cité par V. […] Et justement un abus de mots tout pareil aide Chateaubriand à « faire passer » les mystères, si j’ose m’exprimer ainsi. […] L’Itinéraire est, si j’ose dire, le plus « truqué » des livres. […] Chateaubriand n’oserait plus parler de lui comme en 1814.

736. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Il semblait, en effet, qu’une inquiétude secrète se fût logée au cœur de la tendre Aïssé, et qu’elle n’osât jouir de son bonheur. […] Celle-ci, née pour les affections, et qui les avait dû refouler jusque-là, orpheline dès l’enfance, n’ayant pas eu de mère et l’étant à son tour sans oser le paraître, amante heureuse mais troublée dans son aveu, du moment qu’elle rencontra un cœur de femme digne de l’entendre ; s’y abandonna pleinement, elle éclata : « Je vous aime comme ma mère, ma sœur, ma fille, enfin comme tout ce qu’on doit aimer. » De vifs regrets aussitôt, des retours presque douloureux s’y mêlèrent : « Hélas ! […] Lors de la visite qu’Aïssé lui fit à son retour de Bourgogne, dans l’automne de 1729, on trouve de délicieux témoignages d’une tendresse à demi étouffée, le cri des entrailles de celle qui n’ose paraître mère. […] J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille. […] Cela dit, et cette justice rendue à une noble et gracieuse descendance au profit de laquelle nous sommes heureux de nous trouver en partie déshérités, on nous accordera pourtant d’oser maintenir et de répéter ici notre conclusion première ; car, comme l’a dit dès longtemps le Poète, à quoi bon tant questionner sur la race ?

737. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Je n’aurais pas osé les décrire, ce jeune homme est plus poète que moi ! […] X Le nom de Sainte-Beuve avait éclaté ; il était devenu plus hardi, il ne demandait conseil qu’à lui-même, il osa livrer une pièce du même ton, intitulée : Promenade. […] Et revenant alors, comme entouré d’un charme, Plein d’oubli, lentement, et dans l’œil une larme, Croyant à toi, mon Dieu, toi que j’osais nier ! […] Pour moi, qui suis encore nouveau venu à la lumière, et qui n’ai, pour me sauver, qu’un peu d’amour, je n’ose m’aventurer si loin à travers l’immense nature, et je ne m’inquiète que d’atteindre aux plus humbles, aux plus prochaines consolations qui nous sont enseignées. […] J’ose effrontément vous avouer à vous-même aujourd’hui que je vous préférais à André Chénier, bien que vous n’eussiez pas fait l’inimitable Jeune Captive.

738. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il osait croire que la pratique de Lucrèce, d’Horace et d’Ovide, de Cicéron, de Sénèque et de Tacite, n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus propre à former des âmes vraiment chrétiennes. […] S’ils avaient osé, ils eussent confessé que l’infaillibilité du pape offusquait leur raison. […] J’ose dire qu’aux heures douloureuses il y eut, chez Louis Veuillot, de la « sainteté ». […] Et que d’autres on sent qu’il n’ose pas aimer ! […] Veuillot le pensait, et il osa en courir l’aventure.

739. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Or je n’ose plus savoir lequel des deux est mon préféré, quand heureusement M.  […] Mais avec moi qui eut osé répondre : Victor Hugo. […] Nous n’oublions pas non plus qu’il a osé comparer à Victor Hugo qui ne pouvait se défendre le jeune et millionnaire, M.  […] J’ose penser que dans le plus mauvais livre de Victor Hugo, il y a des vers supérieurs aux plus beaux des autres poètes. Et j’ose penser que, si toutes les œuvres des autres poètes étaient détruites, la France aurait encore, en conservant celles du seul Hugo, une moisson poétique aussi admirable que celle de n’importe quelle nation.

740. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais il a eu certes raison d’attaquer cette préciosité renaissante dont il s’est glissé trop de traces dans la comédie de Marivaux, dans les sermons de Massillon ; et — l’oserai-je dire ?  […] Oserai-je répondre que je ne sais s’il ne faudrait pas s’en féliciter ? […] Je souhaiterais pour Marivaux que, des trente-trois ou trente-quatre pièces qu’il fit jouer, le temps en eût discrètement détruit… j’ose dire bravement une vingtaine. […] Mais les économistes avaient osé former secte et se poser en rivaux de popularité des encyclopédistes. […] Ceux-là font donc le geste de l’approbation à peine contenue ; ceux-ci, le geste de la prudence qui suspend son jugement, qui n’ose pas absoudre, et qui pourtant ne voudrait pas condamner.

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