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508. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Épousseter, sabler, douche de fleurs, voilà le détestable style moderne, le style matériel, prétentieux et grossier, que certes on ne s’aviserait jamais d’aller chercher si près du tombeau de Racine, et qui, j’ose le dire, n’aurait jamais dû entacher non plus et charger le berceau de notre école romantique, telle du moins que je l’ai toujours conçue. […] On devine, en lisant ces jolis récits et celui des Petits Souliers, et celui même de Thérèse Sureau, à voir cette imagination, cette gaieté, cette invention de détail, combien il devait être charmant quand il osait être familier, et qu’il consentait à être heureux. […] ce qu’on n’oserait pas dire et articuler en prose, il ne faut pas qu’on le chante.

509. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Rivarol n’a été qu’un homme de transition ; mais, à ce titre, il a une grande valeur, et nous osons dire qu’il n’a pas encore été mis à sa place. […] C’est dans cette dernière partie qu’on trouve des tableaux de la Révolution et de la Terreur au point de vue moral, qui rappellent parfois l’idée, la plume, et j’ose dire, la verve d’un Joseph de Maistre. […] Tout État, si j’ose le dire, est un vaisseau mystérieux qui a ses ancres dans le ciel.

510. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Quant à Mlle de Biron, comtesse de Bonneval, elle ne le prit pas si légèrement : il ne lui avait pas fallu un long temps pour s’attacher d’un goût très vif à ce brillant et volage aventurier, pour l’aimer même, bien qu’elle osât à peine se permettre un tel mot. […] Tandis qu’à la même époque, tous les désirs, tous les caprices passionnés ou sensuels s’exprimaient hautement avec impudence, il est touchant de voir ici un sentiment vrai, un attachement sincère qu’autorise le devoir, n’oser se produire qu’avec tremblement et pudeur, et une crainte marquée d’être repoussé : Je vous embrasse de tout mon cœur, malgré votre cruel silence. […] Il y avait des moments pénibles où l’homme de la famille, de la patrie, je n’oserais dire de la religion, se réveillait en lui.

511. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Il lui donne d’excellents conseils littéraires sur la méthode à suivre dans une semblable entreprise, mais il ne tarde pas à y mêler des conseils plus généraux et d’un autre ordre ; par exemple : « Pendant la guerre des parlements et des évêques, les gens raisonnables ont beau jeu, et vous aurez le loisir de farcir l’Encyclopédie de vérités qu’on n’eût pas osé dire il y a vingt ans ; quand les pédants se battent, les philosophes triomphent. » Les tracasseries commencent. […] Je ruine l’un, je fais l’aumône à l’autre. » Et encore : « Mes curés reçoivent mes ordres, et les prédicants genevois n’osent me regarder en face. » Une furieuse tempête s’élève à Paris contre les encyclopédistes ; d’Alembert quitte décidément l’entreprise ; Palissot va mettre sur la scène les philosophes ; mais Voltaire qui, dès son entrée en possession, a fait bâtir un petit théâtre à Tourney, et qui y fait jouer la comédie pour narguer Genève et Rousseau, s’écrie dans son exaltation et son triomphe : « Si quelqu’un est en souci de savoir ce que je fais dans mes chaumières, et s’il me dit : Que fais-tu là, maraud ? […] Nous nous flattons de valoir beaucoup mieux à cet égard que les chefs de l’école encyclopédique ; je crains fort pourtant que dans toutes les coalitions et confédérations d’école, de secte et de parti, les hommes ne se ressemblent aujourd’hui comme alors, et qu’ils ne se permettent, à leur manière et dans leur mesure, autant qu’ils le peuvent et autant qu’ils l’osent, ce que se refusaient si peu Voltaire et d’Alembert.

512. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Quel autre parti pour un auteur, que d’oser pour lors être de l’avis de ceux qui l’approuvent ? […] Si les femmes étaient toujours correctes, j’oserais dire que les lettres de quelques-unes d’entre elles seraient peut-être ce que nous avons dans notre langue de mieux écrit. […] Il y a des esprits, si je l’ose dire, inférieurs et subalternes, qui ne semblent faits, que pour être le recueil, le registre, ou le magasin de toutes les productions des autres génies : ils sont plagiaires, traducteurs, compilateurs ; ils ne pensent point, ils disent ce que les auteurs ont pensé ; et comme le choix des pensées est invention, ils l’ont mauvais, peu juste, et qui les détermine plutôt à rapporter beaucoup de choses : que d’excellentes choses ; ils n’ont rien d’original et qui soit à eux ; ils ne savent que ce qu’ils ont appris, et ils n’apprennent que ce que tout le monde veut bien ignorer, une science aride, dénuée d’agrément et d’utilité, qui ne tombe point dans la conversation, qui est hors de commerce, semblable à une monnaie qui n’a point de cours : on est tout à la fois étonné de leur lecture et ennuyé de leur entretien ou de leurs ouvrages.

513. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Comme historien, il a des préjugés, il a des partis pris et ce que j’oserai appeler, moi, des pusillanimités. […] Pourquoi n’ose-t-il pas affirmer en lui le prophète et aime-t-il mieux (page 239) nous le montrer habile dans le sens moderne qu’inspiré dans le sens divin ? […] Quand ces parvenus se mésalliaient en épousant des filles d’impératrices, quand ces Barbares, qui pouvaient tout, faisaient des empereurs et n’osaient l’être, cela prouvait qu’ils n’étaient que de grands imbéciles de Barbares, mais cela ne prouvait pas qu’il y eût en ces Romains dégradés, qui ne valaient même pas le respect bête d’un Barbare, la virtualité mystérieuse et éternelle que M. 

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