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425. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Si le poète ose débuter par une situation forte, il se mettra dans la nécessité de soutenir le ton qu’il aura pris, et son ouvrage y gagnera. […] Pallas, pour les amans, se déclare en ce jour ; Qui l’aurait jamais osé croire ? […] Entre deux déités qui suspendent mes vœux, Je n’ose résister à pas une des deux ; Mais je suis l’amour qui m’appelle. […] Les maximes générales retardent et affaiblissent le dialogue, à moins qu’elles ne soient en sentiment et très courtes, comme dans cet exemple : Je connais peu l’amour ; mais j’ose te répondre Qu’il n’est pas condamné, puisqu’on veut le confondre.

426. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Bernis avait fait une suite de vers descriptifs, Les Quatre Parties du jour, et une autre suite (je n’ose dire poème), Les Quatre Saisons. […] Il ne manque rien à mon repos, j’oserai dire à ma considération ; mais il faudrait un peu plus de pâture à mon esprit. » Bernis regrette surtout les samedis, c’était le jour de la semaine qu’il passait avec Pâris-Duverney : « Si mes samedis m’avaient été conservés, je n’aurais qu’à m’applaudir d’avoir pris un parti qui deviendra tous les jours plus avantageux pour moi, mais qui ne sera jamais bon à rien pour le roi, tant que je resterai où il n’y a rien du tout à faire. » Cette inaction, qui se fait sentir à lui dès les premiers jours, va lui devenir de plus en plus pesante, et c’est ainsi que l’ennui finira peu à peu par lui inoculer l’ambition. […] Pour moi, je crois que ce qui perd les États, c’est cette prétendue sagesse qu’on attribue à tous ceux qui n’osent pas courir les risques qu’il y a toujours à vouloir procurer le plus grand bien possible.

427. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Actuellement, mon cher ami, je ne prêche plus, et ma santé s’en trouve bien ; j’y ai substitué des leçons d’histoire à nos pensionnaires : ce qui est plus analogue à mon goût, et, je l’ose dire, à mon talent. […] De même dans cette épître (« Hoc erat in votis… ») qu’il rend d’ailleurs avec sentiment, dans le morceau célèbre sur le bonheur des champs, il ose bien nommer la fève que le poète devenu campagnard sert sur sa table, mais il recule devant ces petits légumes assaisonnés de fin lard, et dont Horace nous laisse arriver le fumet : Uncta satis pingui ponentur oluscula lardo ; et il dit en échange : Quand verrai-je ma table offrir du lait, des fleurs ! […] Et il s’y mêlait une sorte d’accompagnement patriotique, lorsque, célébrant le triomphe de la patrie romaine contre cette Cléopâtre qui, du haut de ses vaisseaux, avait osé menacer le Capitole, et qui fuyait à son tour, qui fuyait comme une femme, mais qui savait mourir comme une reine, le poète s’écriait : Et sans daigner chercher quelque houleux asile, Elle a voulu périr, d’un visage tranquille,          Sur son trône ébranlé.

428. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

N’acceptons que la meilleure part de l’éloge ; et puisqu’il faut qu’aujourd’hui encore nous en soyons, avant de l’oser louer, à devoir excuser en elle ce savoir et à présenter les circonstances atténuantes, qu’on veuille songer que Mme Dacier, Mlle Anne Le Fèvre, fille d’un savant et d’un érudit, ne faisait, en s’adonnant, comme elle fit, à l’Antiquité, qu’obéir à l’esprit de famille et céder à une sorte d’hérédité domestique. […] Dans une préface écrite avec sens et modestie, Mme Dacier explique son dessein : Depuis que je me suis amusée à écrire, dit-elle, et que j’ai osé rendre publics mes amusements, j’ai toujours eu l’ambition de pouvoir donner à notre siècle une traduction d’Homère, qui, en conservant les principaux traits de ce grand poète, pût faire revenir la plupart des gens du monde du préjugé désavantageux que leur ont donné des copies difformes qu’on en a faites. […] Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ?

429. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Il était signalé entre les rebelles de ce qu’il avait été le premier de tous qui s’était osé présenter pour défendre au roi l’entrée en une de ses villes. […] Il n’osa toutefois assumer la responsabilité d’un refus, et il se mit de la partie avec ce même sentiment de la difficulté et de la non-réussite qui constitue son étoile : « Je considérais quel fardeau je prenais sur mes épaules pour la troisième fois ; je me ramentevais l’inconstance de nos peuples, l’infidélité des principaux d’iceux, les partis formés que le roi avait dans toutes nos communautés, l’indigence de la campagne, l’avarice des villes, et surtout l’irréligion de tous. » Par irréligion il faut simplement entendre l’affaiblissement de ce principe religieux exalté qui ne s’était vu qu’au xvie  siècle et qui poussait à tous les sacrifices de vie et de fortune pour la foi, affaiblissement qui tenait déjà de l’esprit moderne, et un vertu duquel beaucoup d’estimables réformés préféraient le commerce à la guerre ; Ce n’était pas le compte de Rohan ni des chefs féodaux. […] Telles sont les nobles et ouvertes pensées qu’il agite et qu’il poursuit sous sa pourpre, tandis que Rohan, dans son Albigeois et ses Cévennes, et qui n’ose même s’aventurer à corps perdu comme feront un jour les grands Vendéens, s’épuise, en courant de ville en ville, à vouloir établir et organiser en France une contre-France.

430. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

D’en abuser contre Bossuet… qui l’oserait ? et pourtant, tôt ou tard, on l’osera. […] L’entretien fut aussi très aisé, doux et même gai : le prélat parlait à son tour, et laissait à chacun une honnête liberté ; je remarquai que ses aumôniers, secrétaires et son écuyer parlèrent comme les autres, fort librement, sans que personne osât ni railler ni épiloguer.

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