On a réfléchi sur ces façons de sentir et de penser, et on a jugé que c’étaient là des faits de premier ordre. […] Vous considérez ses écrits, ses œuvres d’art, ses entreprises d’argent ou de politique ; c’est pour mesurer la portée et les limites de son intelligence, de son invention et de son sang-froid, pour découvrir quel est l’ordre, l’espèce et la puissance habituelle de ses idées, de quelle façon il pense et se résout. […] On connaissait l’homme, on ne connaissait pas les hommes ; on n’avait pas pénétré dans l’âme ; on n’avait pas vu la diversité infinie et la complexité merveilleuse des âmes ; on ne savait pas que la structure morale d’un peuple et d’un âge est aussi particulière et aussi distincte que la structure physique d’une famille de plantes ou d’un ordre d’animaux. […] Il y a pourtant un troisième ordre de causes ; car avec les forces du dedans et du dehors, il y a l’œuvre qu’elles ont déjà faite ensemble, et cette œuvre elle-même contribue à produire celle qui suit ; outre l’impulsion permanente et le milieu donné, il y a la vitesse acquise. […] Comme une source sortie d’un lieu élevé épanche ses nappes selon les hauteurs et d’étage en étage jusqu’à ce qu’enfin elle soit arrivée à la plus basse assise du sol, ainsi la disposition d’esprit ou d’âme introduite dans un peuple par la race, le moment ou le milieu se répand avec des proportions différentes et par des descentes régulières sur les divers ordres de faits qui composent sa civilisation3.
Il est vrai que, si cette caractéristique existe pour les représentations d’ordre complexe et élevé, on doit en retrouver quelque chose dans des états plus simples. […] Mais il faut remarquer que ces deux groupes de souvenirs — souvenirs auditifs et souvenirs moteurs — sont de même ordre, également concrets, également voisins de la sensation : ils sont, pour revenir à l’expression déjà employée, sur un même « plan de conscience ». […] Les incidents de ce voyage me reviennent à l’esprit dans un ordre quelconque, s’appelant mécaniquement les uns les autres. […] Une intelligence qui n’opérerait que sur des images de ce genre ne pourrait que, recommencer son passé tel quel, ou en prendre les éléments figés pour les recomposer dans un autre ordre, par un travail de mosaïque. Mais à une intelligence flexible, capable d’utiliser son expérience passée en la recourbant selon les lignes du présent, il faut, à côté de l’image, une représentation d’ordre différent toujours capable de se réaliser en images mais toujours distincte d’elles.
Parmi les guerriers, on n’en voyait pas de plus enviables et de plus grandement famés que les Turenne ou les Catinat ; et dans l’ordre des productions de l’esprit, la supériorité admise et admirée ne dépassait jamais le cercle des facultés humaines ; c’en était le couronnement et la fleur, flos et honos, l’enchantement, la décoration et la grâce. […] Les précédentes notions furent ébranlées ou détruites, et des habitudes nouvelles d’un ordre tout opposé s’introduisirent. L’éclat, la force, l’ordre et la grandeur matérielle substituèrent leur ascendant à celui des idées morales qui semblaient à bout, ayant passé par toutes les phases de fanatisme et de sophisme. […] Il y a donc eu, et il y a en ce moment abus dans l’ordre de la parole et de l’imagination, comme auparavant dans l’ordre civil et politique. […] Victor Hugo, plus abondant et d’une plus riche étoffe que dans la suite ; il l’a écrite en effet à vingt-quatre ans, imbu des notes et de l’esprit du marquis, par ses ordres, pour lui complaire, et tout repu encore de cette franche nourriture domestique.
Elle nous éclairera peut-être sur certains caractères de ses écrits ; Le crédit de ses amis le tira des prisons de Fontenay-le-Comte, et lui obtint un indult du pape Clément VII qui lui permettait de passer dans l’ordre de Saint-Benoît, et d’entrer dans l’abbaye de Maillezais en Poitou. […] Son ouvrage étant la critique de tout, il y avait compris l’Église, mais sans aller au-delà de ces traits que tous les hommes éclairés, même certains princes de l’Église, se permettaient contre l’ignorance et les mœurs des ordres ecclésiastiques ; c’était l’esprit et non la théologie de la Réforme. […] Mais ni l’impiété de Lucien, ni le spiritualisme de Platon, dont la science commence où finit celle d’Hippocrate et de Galien, ni le matérialisme de ce dernier, ne le rendaient indifférent aux systèmes opposés, et à mille autres connaissances de tout ordre qui prenaient place dans cette vaste mémoire pour en sortir quelque jour pêle-mêle, ou en leur lieu, sous les formes les plus capricieuses. […] A toutes ces nouveautés dans tous les ordres d’idées, répondent des développements et des progrès corrélatifs dans la langue. […] Il en avait sans doute appris l’art dans les écrits des Grecs, où cette variété des pensées et des tours qui les expriment ce mélange d’expressions de tous les ordres, est une des grâces inimitables du génie grec.
L’ordre même des représentations, à l’état normal, est tantôt senti comme notre œuvre, tantôt comme l’œuvre d’une force étrangère. Dans les fantaisies de la pure imagination, comme la rêverie ou la composition poétique, l’ordre des images ne nous est pas imposé, il est voulu et plus ou moins arbitraire ; dans la perception, il est absolument involontaire : je ne puis déplacer la perception du milieu de ses circonstances environnantes. […] Ribot, nous trouvons dans nos actes journaliers des séries organiques complexes dont le commencement et la fin sont fixes, et dont les termes, différents les uns des autres, se succèdent dans un ordre constant ; par exemple : monter ou descendre un escalier dont nous avons un long usage. […] Elle ne se souvient pas de l’ordre qui lui a été donné ; il y a eu reproduction d’une idée sans reconnaissance. […] Par elle, l’expérience, c’est-à-dire une adaptation d’ordre supérieur a été possible pour l’animal… Il est vraisemblable que la conscience s’est produite comme toute autre manifestation vitale, d’abord sous une forme rudimentaire et, en apparence, sans grande efficacité.
Il faut se rappeler que toute l’antiquité, à l’exception des grandes écoles scientifiques de la Grèce et de leurs adeptes romains, admettait le miracle ; que Jésus, non-seulement y croyait, mais n’avait pas la moindre idée d’un ordre naturel réglé par des lois. […] Mais prenons un François d’Assise, la question est déjà toute changée ; le cycle miraculeux de la naissance de l’ordre de saint François, loin de nous choquer, nous cause un véritable plaisir. […] Du moment qu’on regardait la maladie comme la punition d’un péché 742, ou comme le fait d’un démon 743, nullement comme le résultat de causes physiques, le meilleur médecin était le saint homme, qui avait du pouvoir dans l’ordre surnaturel.