Cette mort jeta une ombre sur tout le reste d’une enfance si sensible. […] fantômes, ombres vaines, Qui lassez à la fin mes pas irrésolus, Quand reviendront ces jours où vos mains étaient pleines Vos regards caressants, vos promesses certaines ? […] Puis, à toi, ta blessure est si simple et si belle, Si belle de motif, et pour un soin si pur, Toi, chaque jour, laissant quelque part de ton aile Au fond du nid obscur, Que c’est pour nous, souffrant de nos fautes sans nombre, De vaines passions, d’ambitieux essor, Que c’est honte pour nous de t’écouter dans l’ombre, Et de nous plaindre encor.
Malheureusement, son puissant monument de vers et de poèmes se trouve trop près de cette montagne démesurée qu’est Victor Hugo, et la Légende des siècles fait peser son ombre sur les Poèmes antiques et barbares. […] Elles semblaient à peine un remuement dans l’air ; un son de flûte dans l’ombre, au clair de lune ; une fuite de robe soyeuse dans le vent ; un frisson de verres et de cristaux sur une étagère. […] Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]
Qui peut, après Jean-Jacques Rousseau et Chateaubriand, essayer de décrire cette oasis de lumière, d’ombre, de prairies en pente, de châtaigniers en groupes, de chaumières éparses, de lacs encaissés et dormants dans le demi-jour, sous l’abri majestueux des montagnes dentelées de sapins et de neige ? […] Il faut y ajouter une maison noire de vétusté et d’abandon, meublée de meubles antiques, dans quelque rue sombre et serpentante de Chambéry, à l’ombre des rampes aristocratiques qui montent au château du gouverneur de Savoie. […] La haute muraille noire du Mont-du-Chat étend et gonfle ses fondements jusque dans cette vallée ; ses ruisseaux, ses cascades, ses longues ombres s’y versent dans le torrent large et rocailleux de l’Aisse. […] Si les ombres rient dans l’éternité, l’âme beaucoup trop rieuse de celui qui fut ici-bas le comte de Maistre doit bien rire en voyant son nom servir d’autorité à une révolution. […] Il rêvait un rôle plus conforme à sa stature ; il n’aspirait à rien moins qu’à rendre à son ombre de gouvernement un trône réel sur le continent, per fas et nefas.
Il faut le vide autour des ombres et le silence autour des grandes mémoires ; on entendrait mieux l’âme gémissante de l’exilé dans les gémissements des pins de la pineta et des vagues sans repos sur la grève. […] Il y a néanmoins cette différence : c’est que l’intérêt est impossible dans le plan du Dante, attendu que son poème n’est qu’un spectacle auquel il assiste sans y prendre part, une espèce de revue rapide des supplices de quelques ombres de ses ennemis. […] Mais nous avons vécu de longues années en Italie dans la société de ces érudits commentateurs et explicateurs du Dante, qui se succèdent de génération en génération comme les ombres des hiéroglyphes sur les obélisques de Thèbes. […] Il avait transfusé son sang dans l’ombre du poète toscan. […] Dante, semblable au Lucifer du tableau du Guide, déchirait les ombres et secouait le flambeau devant ses pas.
Ses talents, son intelligence, sa spécialité de courage et d’habileté, on venait de les voir à l’œuvre par un de ces soleils qui ne laissent rien dans l’ombre, et la suite des épreuves, même en des circonstances moins heureuses, ne fera que les confirmer. […] Lorsque je me trouvai sur ce fleuve, ses bords escarpés et menaçants, l’ombre qui en descendait et se projetait sur ses vastes contours, sa marche lente et silencieuse, sa profondeur qui rembrunissait ses ondes, me rappelèrent l’Achéron des anciens ; la rame de notre nocher, debout à l’angle du bac, sa barbe épaisse, ses rides, son front sourcilleux, prêtaient plus de vraisemblance à cette illusion. […] Quand le général eut compris que cette chance unique lui était refusée, il se vit prisonnier pour toujours, et l’ombre s’abaissa dans son esprit. […] Il profita de ce moment (remarque bien ceci, mon cher Saint-Joseph) pour rassembler le peu de forces qui lui restaient encore, et, s’étant mis sur son séant, il nous reprocha pour ainsi dire notre faiblesse ; il était, en effet, plus calme que nous tous, son visage était serein, et, quoique les ombres de la mort s’y fissent déjà apercevoir, il avait quelque chose de noble, d’imposant, d’auguste : « Qu’est-ce donc que mourir, mes amis ?
Après avoir chanté, j’écoute et je contemple, À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple, Aimant la Liberté pour ses fruits, pour ses fleurs, Le Trône pour son droit, le Roi pour ses malheurs ; Fidèle enfin au sang qu’ont versé dans ma veine Mon père vieux soldat, ma mère Vendéenne ! […] Depuis lors, le trône qui conservait une ombre de droit, et auquel M. […] On se rappelle, en effet, les scènes délicieuses de cet ouvrage étrange, la pureté virginale d’Ordener, le baiser d’Éthel dans le long corridor ; le reste n’eût été qu’un fond noirci, un repoussoir pour faire ressortir le tableau, une ombre passagère et orageuse de désespoir. […] … À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple… Dès 1824, lors de la retraite de M. de Chateaubriand, il avait pris parti pour l’opposition.