Elle pouvait toujours se dire cependant, pour s’excuser à ses propres yeux, que si le prince de Conti était veuf, était libre, elle, elle ne l’était pas, et que, si elle l’avait été, leur liaison aurait pris bientôt un autre tour et un nom plus respectable. […] « Vous pouvez penser que depuis mon retour à Paris, je n’ai cessé de tenir ouverts mes yeux et mes oreilles pour ne rien perdre de ce qui a rapport à votre affaire. […] La dignité même de votre caractère, aux yeux du monde, reprend son lustre, puisque les hommes voient le juste prix que vous mettez à votre liberté, et que, quelles que soient les passions de jeunesse qui vous aient séduite, vous ne voulez plus maintenant faire le sacrifice de votre temps, là où vous n’êtes pas jugée digne de tout honneur25.
Elle est venue me voir hier, et ses beaux yeux ont répandu des larmes si vraies qu’elles m’ont tIouché jusqu’au fond de l’âme ; cette douleur fait le plus grand éloge de Mme de Staël. […] Enfin, quand elle posa sa tête sur mon épaule, que ses larmes mouillèrent ma robe, je pressai sa main avec force sur mon cœur, et je sentis que le malheur est le plus fort de tous les attraits. » Mme Dufrenoy s’est souvent plainte, pour elle, de cette sécheresse extérieure : « J’ai toujours besoin de pleurer, disait-elle, et mes yeux ne peuvent verser des larmes. » La passion n’avait épuisé ni tari en son âme la source de la sensibilité, mais le ruisseau ne coulait plus à la surface. […] Coulmann nous apprend que la chanson de Béranger si connue, et dont le refrain est : Ange aux yeux bleus, protégez-moi toujours, était faite à l’intention de Mlle Delphine Gay et lui était d’abord adressée.
Il faut une main, un œil vigilant et haut placé. […] Voyons un peu par nous-mêmes ce qui en est de nos contemporains et comme ils se transforment plus ou moins complétement sous nos yeux. […] J’ai vu à Ferney un portrait de Voltaire, qui avait alors à peu près quarante ans, mais dont l’œil velouté et encore tendre montrait tout ce qu’il avait dû avoir de charmant, tout ce qui allait disparaître et s’aiguiser, faute dé mieux, dans le petit regard malicieux du vieillard.
Le Cléon de Gresset jeta le masque, et vint exposer le portrait devant tous les yeux ; il était si frappant par tant de traits qu’on y appliqua à l’instant plusieurs noms, le marquis de Vintimille, le comte de Stainville, et bien d’autres. […] Elle a d’assez beaux yeux, Pour des yeux de province……… On ne vit qu’à Paris, et l’on végète ailleurs… Tout le monde est méchant, et personne ne l’est… L’aigle d’une maison n’est qu’un sot dans une autre… L’esprit qu’on veut avoir gâte celui qu’on a… Et c’est là qu’on entend le cri de la nature… Et cent autres.
Quand le despotisme existe, il faut consoler les esclaves, en flétrissant à leurs yeux le sort de tous les hommes ; mais l’exaltation nécessaire à la liberté républicaine doit inspirer de l’éloignement pour tout ce qui peut tendre à dégrader la nature humaine. […] Il ne suffit pas de remuer l’âme ; il faut l’éclairer ; et tous les effets qui frappent seulement les yeux, les tombeaux, les supplices, les ombres, les combats, on ne peut se les permettre, que s’ils servent directement à la peinture philosophique d’un grand caractère ou d’un sentiment profond. […] Le célèbre métaphysicien allemand, Kant, en examinant la cause du plaisir que font éprouver l’éloquence, les beaux-arts, tous les chefs-d’œuvre de l’imagination, dit que ce plaisir tient au besoin de reculer les limites de la destinée humaine ; ces limites qui resserrent douloureusement notre cœur, une émotion vague, un sentiment élevé les fait oublier pendant quelques instants ; l’âme se complaît dans la sensation inexprimable que produit en elle ce qui est noble et beau ; et les bornes de la terre disparaissent quand la carrière immense du génie et de la vertu s’ouvre à nos yeux.
Dans les yeux qui se fondent et les rates qui se gonflent, cherchons la raison, le secret et le prix de cet art étrange, qui provoque, pour quelque argent, l’excitation nerveuse qu’on lui demande. […] Ceci définit un art très complexe, donc très difficile et spécial : Difficile — en dépit de l’insolent prolifisme des falsificateurs les plus mal fameux — difficile, car, devant, selon des rapports préétablis, séduire divers sens, l’œil, l’oreille, l’esprit, il réclame le concours de plusieurs métiers, et exige que l’inspiration soit servie par beaucoup d’ingéniosité, de délicatesse et de capitaux : pour des raisons analogues, on dirait la peinture plus difficile que le dessin, la statuaire polychrome que la statuaire monochrome ; un des moyens est-il en désaccord avec un autre, l’ensemble grimace : voir le musée Grévin, cette boulevardière adaptation des musées d’anatomie suburbains ; Spécial — car son extension est en raison inverse de sa compréhension. […] Comme disparaissent sous nos yeux telles espèces vivantes, assistons-nous pas à l’agonie d’une espèce artistique ?