Qu’est-ce, auprès de ces systèmes profonds, rigoureux, enchaînés, et d’une vérité éternelle, qui occupent la pensée d’un Newton ou d’un Laplace, que nos faibles observations passagères, nos remarques d’esprits fins et légers, sans suite, où le fil casse à chaque instant, nos aperçus rapides et fugitifs, ce que nous appelons traits d’esprit, saillies, reflets, étincelles aussitôt nées, aussitôt évanouies ? […] Les voyages de curiosité et de science l’occupèrent beaucoup. […] Biot s’était de tout temps occupé de la branche de physique qu’on appelle Optique, et qui se traite à la fois par l’expérience et par l’application rigoureuse du calcul. […] Le dernier travail, pourtant, qui l’ait occupé et passionné, est celui où il traite à fond de L'Astronomie indienne et chinoise ; se faisant aider de M. […] Stanislas Julien ; animé par le souvenir de son fils enlevé prématurément, et qui s’était occupé de ces mêmes études, il a fait dans l’année qui précéda sa fin une œuvre considérable, tout un livre, qui court risque de ne pas rencontrer un seul contradicteur : car il y a à peine des juges.
Celle-ci, fille d’une mère illustre, n’avait pu être élevée par Marie-Thérèse trop occupée des affaires d’État, et sa première éducation à Vienne avait été très négligée. […] Pendant longtemps cette gracieuse femme, pleine de confiance au prestige de la royauté et ne songeant qu’à le tempérer doucement autour d’elle, ne s’occupa point de politique, ou du moins elle ne le faisait que par accidents, et en quelque sorte poussée à bout par son cercle intime. […] Cela même ne suffirait pas : il faudrait encore que la reine reconnût la nécessité de s’occuper des affaires avec méthode et suite ; il faudrait qu’elle se fit la loi de ne plus accorder une demi-confiance à beaucoup de gens, et qu’elle donnât en revanche sa confiance entière à celui qu’elle aurait choisi pour la seconder. […] Du milieu de ses propres dangers, elle est tout occupée, dans sa bonté, de ceux des autres, et elle se montre attentive à ne compromettre personne inutilement dans sa cause. […] Une fois enfermée au Temple, elle fait de la tapisserie ; s’occupe de l’éducation de sa fille et de son fils, compose pour ses enfants une prière, et s’accoutume à boire le calice en silence.
Ignorée de l’artisan trop occupé, et du laboureur trop simple, cette passion n’existe que dans ces rangs de la société où l’oisiveté nous laisse surchargés du poids de notre cœur, avec son immense amour-propre et ses éternelles inquiétudes. […] « C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe. Didon s’occupe encore des travaux de sa cité naissante : la tempête s’élève et apporte un héros.
On voyait seulement qu’elle ne pardonnait pas à la société la place inférieure qu’elle y avait longtemps occupée. […] Une femme paraissait là un peu déplacée ; mais elle ne se mêlait point des discussions ; elle se tenait le plus souvent à son bureau, écrivait des lettres, et semblait ordinairement occupée d’autre chose, quoiqu’elle, ne perdît pas un mot. […] Louis Blanc, ce qu’on ne trouve pas chez elle ; le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ne paraît pas occuper beaucoup déplacé dans ses préoccupations ; du moins, il n’en tient guère dans son livre. » La remarque est fine ; je la crois juste, bien que trop généralisée. […] Le soldat, chaque jour au combat occupé, Sur nos divisions est aisément trompé. […] Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit ; mais aussi je ne touche guère la plume depuis un mois, et je crois que je prends quelques-unes des inclinations de la bête dont le lait me restaure : j’asine à force et m’occupe de tous les petits soins de la vie cochonne de la campagne.
Si on la compare à la sensation élémentaire correspondante d’un son plus aigu, elle occupe plus d’étendue dans le temps. […] Toutes les analogies montrent qu’ici, comme dans le cas du son très grave, il y a des sensations élémentaires, et l’expérience scientifique vient confirmer ces inductions. — Soit une roue à deux mille dents qui fait une révolution, en une seconde ; elle donne deux mille chocs en une seconde et partant deux chocs en l/1000me de seconde ; si on lui ôte toutes ses dents, sauf deux contiguës, les deux chocs qu’elle donnera en tournant de nouveau n’occuperont que 1/1000me de seconde72. […] C’est que les maxima plus resserrés et les molécules plus courtes de la sensation occupent moins de temps, quoique en même nombre. […] Isolée, le sens intérieur ne l’aperçoit pas ; elle existe néanmoins, puisque, dans le son musical très grave, nous l’apercevons comme incessamment répétée et composante ; et d’ailleurs il est clair que nul composé ne peut exister sans composants. — D’autre part, on a vu que, dans le son aigu comme dans le son très grave, la sensation élémentaires un maximum ; nous démêlons ce maximum dans le son très grave, nous ne le démêlons pas dans le son aigu ; il existe cependant dans l’un comme dans l’autre ; mais, dans le son très grave, la distance plus grande de deux maxima nous permet de les distinguer, et, dans le son aigu, la proximité trop grande de deux maxima nous empêche de les distinguer. — Bien plus, chaque sensation élémentaire, pour passer de son minimum à son maximum, passe, dans la courte durée qu’elle occupe, par une infinité de degrés ; à plus forte raison ces degrés sont-ils invisibles à la conscience ; en sorte que, dans un son aigu, la sensation élémentaire indistincte comprend, outre deux états extrêmes indistincts, une infinité d’états intermédiaires indistincts. […] Pour que leurs éléments soient perceptibles à la conscience, il faut que, s’ajoutant les uns aux autres, ils fassent une certaine grandeur et occupent une certaine durée ; si leur assemblage reste au-dessous de cette grandeur et dure moins que cette durée, nous ne remarquons en nous aucun changement d’état.
La géométrie l’avait fort occupé dès le collège, et, au zèle dont il s’y appliquait, elle semblait presque sa vocation ; ou plutôt, dans sa curiosité élevée et étendue, il menait, dès sa jeunesse, toutes les connaissances de front : « Il ne voulait pas qu’un autre pût entendre ce qu’il n’aurait pas entendu lui-même » ; il s’en serait senti humilié comme homme, et ce noble sentiment d’orgueil, soutenu d’une opiniâtre volonté et servi d’une admirable intelligence, le porta au sommet des sciences sublimes. […] En tête du tome XIIme de son Histoire naturelle, il confesse avec une sorte d’ingénuité cet impérieux besoin de sa nature, qui le sollicite à introduire dans son Histoire quelques discours généraux où il puisse se développer, traiter de la nature en grand et se consoler de l’ennui des détails : « Nous retournerons ensuite à nos détails avec plus de courage, dit-il, car j’avoue qu’il en faut pour s’occuper continuellement de petits objets dont l’examen exige la plus froide patience et ne permet rien au génie. » Quand il a dit que le génie n’était qu’une plus grande aptitude à l’application et une plus grande patience, on voit que Buffon n’entendait point cette patience froide qui n’a rien de commun avec le feu sacré. […] Et reporté vingt-huit ans après sur le même sujet d’attaque en reprenant, dans ses Époques de la nature, ce même ensemble de vues et de travaux : Tâchons néanmoins, disait-il, de rendre la vérité plus palpable ; augmentons le nombre des probabilités ; rendons la vraisemblance plus grande ; ajoutons lumières sur lumières, en réunissant les faits, en accumulant les preuves, et laissons-nous juger ensuite sans inquiétude et sans appel ; car j’ai toujours pensé qu’un homme qui écrit doit s’occuper uniquement de son sujet et nullement de soi ; qu’il est contre la bienséance de vouloir en occuper les autres, et que, par conséquent, les critiques personnelles doivent demeurer sans réponse. […] Ensuite il s’occupera de ceux qui, sans être familiers, ne laissent pas d’habiter les mêmes lieux, les mêmes climats, comme les cerfs, les lièvres, etc. […] Buffon, en causant, n’aimait ni les contradictions ni les interruptions ; il se taisait et gardait le silence à la première objection qu’on lui faisait : « Je ne puis me résoudre, disait-il, à continuer la conversation avec un homme qui se croit permis, en pensant à une chose pour la première fois, de contredire quelqu’un qui s’en est occupé toute sa vie. » Cela le conduisait à avoir des familiers et des admirateurs à domicile, qui ne le contredisaient jamais ; il les supportait aisément.