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2399. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

On sait combien sont solidaires les marchés financiers et industriels, de quelle importance est le transit maritime, quel chiffre énorme de voyageurs transportent les express internationaux, le nombre des communications postales qui s’échangent entre tous pays ; il est évident que ces financiers, ces industriels, ces voyageurs de terre et de mer, ces correspondants, s’ils sont d’esprit clairvoyant et libres de préjugés, doivent posséder du nationalisme, une conception toute autre que celle de l’homme solitaire, borné au cercle minuscule de son activité locale.

2400. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

. — Il y a en nous un besoin infini de science, de sympathie et de puissance ; la supériorité des forces voisines, l’infinité de l’univers, l’imperfection de notre société nous condamnent à des misères sans nombre, et à des contentements médiocres ; nous avons la tendance, nous n’avons pas la puissance.

2401. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Et, ce qui n’est pas indigne de remarque, cet hymne, dans une sorte de vers latins mesurés par le nombre de syllabes, non par le rhythme, sauf un ïambe final, se composait de tercets rimés et semblait chercher ainsi dans les décombres du langage romain un relief dont l’Italie nouvelle allait revêtir son idiome populaire.

2402. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

En 1490, le vicaire du pape ayant défendu aux clercs et aux laïques de garder leurs concubines, le pape révoqua la défense, « disant que cela n’est point interdit, parce que la vie des prêtres et ecclésiastiques est telle qu’on en trouve à peine un qui n’entretienne une concubine ou du moins n’ait une courtisane… » César Borgia, à la prise de Capoue, « choisit quarante des plus belles femmes qu’il se réserve ; et un assez grand nombre de captives sont vendues à vil prix à Rome… » Sous Alexandre VI, « tous les ecclésiastiques, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, ont des concubines en façon d’épouses, et même publiquement. […] Contre les longues angoisses des prisons infectes, contre tout ce qui peut énerver ou séduire, ils étaient invincibles : cinq moururent de faim à Cantorbéry : ils étaient aux fers nuit et jour, sans autre couverture que leurs habits, sur de la paille pourrie ; cependant des traités couraient parmi eux, disant « que la croix de la persécution » était un bienfait de Dieu, « un joyau inestimable, un contre-poison souverain, éprouvé, pour remédier à l’amour de soi et à la sensualité mondaine. » Devant de tels exemples, le peuple s’ébranlait. « Il n’y a pas d’enfant, écrivait une dame à l’évêque Bonner, qui ne vous appelle Bonner la bourreau, et ne sache sur ses doigts, comme son Pater, le nombre exact de ceux que vous avez brûlés au bûcher ou fait mourir de faim en prison pendant ces neuf mois… Vous avez perdu les cœurs de vingt mille personnes qui étaient des papistes invétérés il y a un an. » Les assistants encourageaient les martyrs, et leur criaient que leur cause était juste. « On dit même, écrivait l’envoyé catholique, que plusieurs se sont voulu volontairement mettre sur le bûcher à côté de ceux que l’on brûlait362. » En vain la reine avait défendu, sous peine de mort, toutes les marques d’approbation. « Nous savons qu’ils sont les hommes de Dieu, criait l’un des assistants, c’est pourquoi nous ne pouvons nous empêcher de dire : Que Dieu les fortifie. » Et tout le peuple répondait : « Amen, amen. » Rien d’étonnant si, à l’avénement d’Élisabeth, l’Angleterre entra à pleines voiles dans le protestantisme ; les menaces de l’Armada l’y poussèrent plus avant encore, et la Réforme devint nationale sous la pression de l’hostilité étrangère, comme elle était devenue populaire par l’ascendant de ses martyrs. […] Rien ne peut sauver la misérable créature que la grâce, la grâce gratuite, pure faveur de Dieu, que Dieu n’accorde qu’à un petit nombre et qu’il distribue non d’après les efforts et les œuvres des hommes, mais d’après le choix arbitraire de son absolue et seule volonté. […] Après la Restauration, deux mille ministres, pour ne pas se conformer à la nouvelle liturgie, renoncèrent à leurs cures, sauf à mourir de faim avec leurs familles. « Beaucoup d’entre eux, ne croyant pas avoir le droit de quitter leur ministère après y avoir été destinés par l’ordination, prêchèrent à ceux qui voulurent les entendre dans les champs et dans les maisons particulières, jusqu’à ce qu’ils fussent saisis et jetés dans des prisons où un grand nombre d’entre eux périrent405. » Les cinquante mille vétérans de Cromwell, licenciés tout d’un coup et sans ressources, ne fournirent pas une seule recrue aux vagabonds et aux bandits. « Les royalistes eux-mêmes confessèrent que dans toutes les branches d’industrie honnête, ils prospéraient au-delà des autres hommes, que nul d’entre eux n’était accusé de larcin ou de brigandage, qu’on n’en voyait pas un demander l’aumône, et que si un boulanger, un maçon ou un charretier se faisait remarquer par sa sobriété et son activité, il était très-probablement un des vieux soldats d’Olivier406. » Purifiés par la persécution et ennoblis par la patience, ils finiront par conquérir la tolérance de la loi comme le respect du public, et relèveront la morale nationale comme ils ont sauvé la liberté nationale.

2403. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

oui, maître, il faut que vous soyez vraiment bon, vraiment grand, vraiment généreux, pour être exposé, après un si long règne, à ces violences misérables… On fait des livres aujourd’hui pour réhabiliter les ennemis de Voltaire, on fait des livres aujourd’hui tout exprès pour déshonorer Voltaire, ceux qui l’ont aimé, qui l’ont servi… » Au nombre de ceux qui ont voulu déshonorer Voltaire et réhabiliter ses ennemis, à coup sûr, le plus violent de tous est celui qui a écrit les lignes suivantes : « Dans cette liste formidable et très incomplète des grands écrivains et des grands ouvrages auxquels Fréron eut affaire toute sa vie, ne vous ai-je pas nommé le plus redoutable, le plus intrépide, le plus atroce de tous, Voltaire ? […] À qui la faute, si Mme Bosio n’a pu révéler à Paris, sous ses faces brillantes, un talent de premier ordre, et si un petit nombre d’admirateurs s’est rencontré seulement pour protester avec chaleur contre le mutisme du feuilleton et le silence de la claque ? […] Pour cette fois, je ne puis donner tort à un petit nombre d’écrivains de se trouver en dissidence avec la majorité d’un public bénévole, tout disposé, comme, dit le proverbe, — et puisque proverbe il y a, — à prendre M.  […] On ne saurait se dissimuler que Molière « auteur dramatique », échappe de jour en jour à l’admiration du plus grand nombre.

2404. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Et voici la contre-épreuve « Opposons à ces tableaux celui des mœurs du petit nombre des peuples qui, préservés de cette contagion des vaines connaissances, ont par leurs vertus fait leur propre bonheur et l’exemple des autres nations. » Tels furent les premiers Perses, tels furent les premiers Romains. […] Il ne s’avise pas non plus que la corruption par les sciences ou les arts ne peut guère être que la corruption d’un petit nombre, d’autant que, par « corruption », il paraît surtout entendre les conventions, préjugés et mensonges mondains, le luxe, la mollesse, la frivolité et les artifices de la vie de salon, bref les vices ou travers du monde très restreint où il vivait lui-même. […] Dieu seul sait le nombre des dissertations qui ont été composées par de bons jeunes gens sur le « paradoxe du Misanthrope ». […] Mais n’adoptons point ces spectacles exclusifs qui renferment tristement un petit nombre de gens dans un antre obscur ; qui les tiennent craintifs et immobiles dans le silence et l’inaction ; qui n’offrent aux yeux que cloisons, que pointes de fer, que soldats, qu’affligeantes images de la servitude et de l’inégalité. […] Il la formule ainsi : Hors le contrat primitif (où l’unanimité est nécessaire) la voix du plus grand nombre oblige tous les autres ; c’est une suite du contrat même.

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