Doué d’une sensibilité contenue et profonde, d’une vaste et paisible imagination, il a vu de bonne heure les plus magnifiques spectacles de la nature ; il a vu ou il a rêvé, au sein de ces spectacles sublimes, quelques êtres humains en harmonie avec les forêts vierges, les prairies illimitées, et le ciel plus haut et plus immense là qu’ailleurs. Les luttes de la civilisation avec la nature, surtout celles du droit et de la liberté contre l’oppression et la force, sont venues jeter sur ces tableaux de jeunesse des teintes non moins variées que vives. […] Nous voudrions encore, dussions-nous sembler bien exigeant, que le tailleur Homespun parlât un peu moins de ses cinq longues et sanglantes guerres, et que l’excellent Richard Fid farcît un peu moins sa conversation d’expressions nautiques ; l’auteur, en voulant être vrai, a renchéri sur la nature : les marins, les tailleurs et les gens de métier parlent aussi comme les autres hommes.
Par le premier j’exprime, autant qu’il est en moi, la nature même de l’objet, — sa réalité. […] Mais pour que nous pensions à traiter, conformément à cet impératif, les individus avec lesquels nous entrons en relations, ne faut-il pas que nous ayons, au préalable, porté certains jugements de fait sur leur nature même Le premier élément constitutif de l’égalitarisme, c’est l’affirmation que l’humanité a une valeur propre, et que par suite tous les hommes ont des droits. […] Nous ne pouvons reconnaître aux hommes des droits égaux sans leur reconnaître une certaine identité de nature.
C’est une de ces scènes où l’imagination et le cœur de l’homme ont recréé la nature dans tout son honneur et dans toute sa pitié. — Lisez ! […] Nous partageons entièrement cette opinion de Goethe sur Homère ; il nous paraît non pas plus grand, mais aussi grand que nature, c’est-à-dire un demi-dieu. […] C’est la nature bien peinte, le cœur humain bien compris, la poésie, c’est-à-dire la beauté latente de la vie domestique bien chantée. […] Toutes les fois qu’on se rapproche de la nature et de la vie du peuple, on redevient antique. […] La nature, qui a ses saisons de fécondité morale comme la terre a ses saisons de sève et de fertilité matérielles, semblait avoir enfanté en peu d’années une race de géants pour l’Allemagne.
Il eut un troisième tort, c’est de se tromper sur la nature de son propre génie. […] Frappé de cette vue, il éprouva plus qu’il n’avait éprouvé jusque-là la poésie de la nature inanimée. […] Ce talent, peu pathétique de sa nature, n’était pas de ceux qui s’éteignent quand le cœur se refroidit. […] Le blasphème ne fut jamais en lui qu’un accident ou une manœuvre, la foi en Dieu était sa nature. […] Rousseau, qui rêvait une égalité niveleuse entre les hommes prédestinés, selon Voltaire, à toutes les inégalités par la nature et par la société.
La nature leur parut vengée. […] Cette passion n’est pas de nature à paroître en sous ordre ; Rotrou & Corneille l’ont fait presque toujours. […] On feindra des vertus & des défauts hors de nature, pour arracher des larmes. […] Ils assuroient que, bien loin de s’être éloigné de la nature, il l’avoit étudiée parfaitement ; que c’étoit la nature elle-même, si variée & sujette à tant de contrariétés, qui nous faisoit passer rapidement du rire aux larmes, & des larmes aux rire. […] Sont-ils bons ou mauvais de leur nature ?
Tous les lieux communs de Cicéron sont si beaux, si spécieux, si honorables pour la société civile et pour la nature humaine, si accompagnés d’un noble pli et d’un large mouvement de la toge, que l’on conçoit vraiment combien ils doivent être chers à tous ceux qui sont encore moins des observateurs politiques inexorables et des scrutateurs du fonds naturel humain que d’éloquents avocats d’une cause. […] Elles sont, si la comparaison est permise, comme les œuvres mêmes de la nature et de Dieu : c’est une matière infinie d’étude et de contemplation. » M. de Sacy, certes, a ses défauts, et je puis dire qu’ayant habituellement suivi une tout autre voie, une tout autre méthode que la sienne en critique littéraire, j’y suis sensible, à ces défauts, comme il doit l’être aux miens : il a ses redites, il a ses longueurs ; il a des excès de louange sans nuances à l’égard de certaines personnes ; il a des humilités soudaines par lesquelles il se dérobe et s’interdit presque le droit de juger en des cas où il serait sans doute très compétent : voilà les inconvénients de sa manière et qui sont presque des conséquences de ses vertus. […] M. de Sacy, père de famille, fils d’un père très religieux, et religieux lui-même, à demi platonicien autant qu’il sied à un admirateur déclaré de Cicéron, ayant en lui, dans sa nature modérée et sensée, de beaux restes et comme des extraits mitigés de toutes ces hautes doctrines, M. de Sacy, homme pratique et de mœurs domestiques vertueuses, a lu les Maximes, et, en les admirant littérairement, il en a souffert dans sa sensibilité : « Ma répugnance est invincible, dit-il ; je tiens les Maximes pour un mauvais livre. […] Il refuse aux amers ironiques et aux grands railleurs modernes une qualité qu’il accorde volontiers aux grands railleurs et aux mélancoliques de l’Antiquité, à Aristophane et à Lucrèce, l’élévation : « Tout écrivain parmi les modernes, s’écrie-t-il, que n’anime pas à un degré quelconque le sentiment chrétien, pourra être un déclamateur ; élevé, il ne le sera jamais. » Cet article de M. de Sacy est un de ceux où il se dessine le mieux et le plus au complet dans l’excellence de sa nature mixte, avec ses velléités, ses aspirations et ses répulsions, ses regrets ou ses désirs, son vœu d’alliance de la raison et de la foi, ses préférences païennes ou classiques, et ses adhésions chrétiennes. Il ne faudrait pourtant pas trop presser ce juste milieu religieux et moral en tant que système : cela n’a toute valeur que comme expression d’une nature individuelle, et ce qui en fait la force en M. de Sacy, c’est d’être avant tout porté par un bon fonds, préparé de longue main.