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189. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

« Tu es le Dieu qui fais les miracles : tu as fait connaître aux nations ta puissance. […] Telle puisse être la nation qui le cherche, et qui voit la face du Dieu de Jacob !  […] « Celui qui frappait cruellement les peuples d’une plaie irrémissible et dominait les nations avec colère est abattu sans obstacle. […] Il a réveillé pour toi les décédés et tous les anciens de la terre ; il fait lever de leurs trônes tous les princes des nations. […] » « Tous les rois des nations ont dormi avec honneur, chacun dans sa tombe.

190. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Les meilleurs sont tirés du fonds même de l’esprit français, de ce qui n’a pas changé dans les mœurs et le caractère de la nation. […] Tout y aurait servi, même les plus mauvais gouvernements, même les batailles perdues contre les Anglais, lesquels n’auraient pas vaincu la nation française, mais la féodalité. […] Il n’y a que les idées générales qui enfantent les arts et qui fassent marcher les nations. […] Villon écrit le français du peuple de Paris ; il tire sa langue du cœur même de la nation. […] Charles d’Orléans est le dernier poëte de la société féodale ; Villon est le poëte de la vraie nation, laquelle commence sur les ruines de la féodalité qui finit.

191. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Mais, encore une fois, Grimm, en y voyant les défauts, ne sacrifie pas la tragédie française à celle de nos voisins ; il reconnaît que chaque théâtre est approprié à la nation et à la classe qu’il émeut et qu’il intéresse : « L’un (le théâtre anglais) ne paraît occupé qu’à renforcer le caractère et les mœurs de la nation, l’autre (le théâtre français) qu’à les adoucir. » Grimm va plus loin ; il pense que ces mêmes tableaux que l’une des deux nations a pu voir sans aucun risque, quelque terrible et quelque effrayante qu’en soit la vérité, pourraient bien n’être pas présentés sans inconvénient à l’autre, qui en abuserait aussitôt : « Et n’en pourrait-il pas même résulter, se demande-t-il, des effets très contraires au but moral de la scène ?  […] Grimm est classique en ce sens que, pour ce qui est de l’imagination et des arts, il croit un seul grand siècle dans une nation. Sans prétendre à en pénétrer les causes, il lui semble qu’une expérience constante l’a suffisamment démontré : Quand ce siècle est passé, les génies manquent ; mais, comme le goût des arts subsiste dans la nation, les hommes veulent faire à force d’esprit ce que leurs maîtres ont fait à force de génie, et, l’esprit même devenu plus général, tout le monde y prétend bientôt ; de là le bon esprit devient rare, et la pointe, le faux bel esprit et la prétention prennent sa place. […] Il est même, à cet égard, en contradiction avec lui-même : car il a très bien remarqué quelque part qu’une des différences qui distingue le plus les modernes des anciens, c’est que, pour connaître ces derniers, « c’était beaucoup d’avoir acquis la connaissance de leurs lois, de leurs coutumes et de leur religion », tandis que l’on connaîtrait fort imparfaitement les modernes, si on ne les considérait que par ces relations-là : notre manière de penser et de sentir dépend de bien d’autres circonstances : « On en jugerait bien mieux, ajoute-t-il, par l’esprit de notre théâtre, par le goût de nos romans, par le ton de nos sociétés, par nos petits contes et par nos bons mots. » Sur de telles nations, sur la nôtre en particulier, les livres donc, les bons livres et surtout les mauvais, ont grande influence.

192. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker n’est pas revenu de son opinion sur le peuple et sur le gros de la nation : il transporte de ce côté son illusion et sa confiance ; il se fait l’idée d’une nation tout aimable, sensible, aisée à conduire et à ramener, sans corruption et sans vices, et il ne perd cette idée qu’à la dernière extrémité. […] Il est très vrai qu’au commencement de 1789 il se trouva placé, comme il le dit, entre le trône et la nation, et investi de la double confiance de l’un et de l’autre, au milieu des difficultés les plus grandes où jamais ministre ait eu à se prononcer. […] Le premier mouvement de son âme humaine fut pour réclamer la cessation des violences, le pardon et l’amnistie de ceux qu’on poursuivait et qu’on assassinait déjà comme ennemis de la nation. […] Dans cet écrit publié par lui et destiné à la combattre, il énumérait tous les titres qu’il avait à la reconnaissance de la nation, et n’oubliait pas d’y ajouter les comptes d’argent. […] Mais comme le génie d’une nation, à la longue, l’emporte toujours, il s’est trouvé que, peu à peu, le simple usage a ramené la netteté et a rétabli le courant.

193. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Les nations soumises à l’empire romain reçurent une nouvelle existence du christianisme. Si les Juifs eussent voulu adopter la loi chrétienne, ils fussent restés en corps de nation à cette époque ; mais le jugement de Dieu reposait sur ce peuple, dont la mission devait se borner désormais à être le gardien des promesses anciennes, et à entretenir des témoins désintéressés et impartiaux parmi les Gentils appelés à la foi. […] La génération dont nous venons d’esquisser la peinture est celle qui forme actuellement le fond de la nation : d’autres générations se sont déjà élevées autour d’elle. […] La chute du christianisme entraînerait inévitablement l’esclavage des peuples, l’abrutissement des nations.

194. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Cela est vrai en général de toutes les nations, même des nations commerçantes, à plus forte raison de la France en particulier. […] Or, après l’erreur sur laquelle repose carrément l’Économie politique, comme une idole qui n’est pas d’or, sur des pieds d’argile, il y a l’erreur sur laquelle chez nous elle se meut, et cette erreur, c’est la préoccupation du développement industriel dans la tête d’une nation naturellement agricole. […] Il n’entend guères que la France joue à ce pastiche de dupe irressemblant et dangereux, l’imitation de la Hollande et de l’Angleterre ; et s’il nous cite ce dernier pays, c’est pour nous donner un exemple frappant de l’énorme profit qu’une nation, industrielle pourtant de nécessité et par excellence, a tiré de l’agriculture, en appliquant les plus actifs procédés d’une exploitation intelligente aux ingratitudes natives de son sol… Alphonse Jobez, il est vrai, a vu ce qu’il est impossible de ne pas voir quand on regarde l’Angleterre.

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