/ 3570
741. (1904) En méthode à l’œuvre

En vain par le doute et ses désespoirs et de hautains appels à sonder le néant des Révélations, avait-on ainsi que rendu tressaillantes les sphères ouraniennes de l’Intellect : en vain, parce que le doute et la négation participent davantage de l’erreur ou du rêve d’où ils naissent, que de la vérité à laquelle ils aspirent sans pouvoir la produire… Et pourtant, au présent immédiat et là de nos poétiques Fastes, — alors que la science des Origines a environné nos têtes ainsi que de la tornade stellaire dont éternellement devient l’éternelle Fluence : voilà que, sans savoir que les apports de la sensation ne sont que les matériaux de l’Idée pour que de ses ondes intelligentes elle tente, en le plus d’unité-sciente, de reproduire en soi l’Univers et ses Rythmes, — la presque généralité des poètes n’est que la survie dégénérée des rapsodes du plaisir et de la douleur, et des philosophes qui ne peuvent se passer d’Eden ! […] Non point, en leur ignorant orgueil d’hommes de l’Occident, vers les très vieilles et tout poétiques Sagesses millénaires nées de l’entre-pénétration des esprits vierges et des torrides et humides Forces, — non point vers le ressouvenir qu’en eurent les philosophes Ioniens. […] Or, l’entière suggestion dont nous parlons, et qui pour les persuasions ou les saillies en vertige de l’Idée, tient au sens idéographique des mots mais en même temps à leur phonétisme, ne peut naître que si la langue est traitée en son origine phonétique retrouvée et arrivant à une Musique des mots : matière, d’identique qualité, de la pensée qui agit et possède. […] Et si le poète pense par des mots, il pensera désormais par des mots redoués de leur sens originel et total, par les mots-musique d’une langue-musique. — Donc, devons-nous admettre la langue poétique seulement sous son double et pourtant unique aspect, phonétique et idéographique, et n’élire au mieux de notre re-créateur désir que les mots où multiplient les uns ou les autres des timbres-vocaux : les mots qui ont, en plus de leur sens précis, la valeur émotive en soi, du Son, et que nous verrons spontanément exigés en tant que sonores par la pensée, par les Idées, qui naissent en produisant de leur genèse même leurs musiques propres et leurs Rythmes. […] Tenant pour simpliste et illogique, le voir naître d’une égalité numérique de pieds groupés et du retour équidistant d’accents avertisseurs de l’ouïe, — nous l’exprimerons, en généralité : le mouvement de la Pensée consciente et représentative des naturelles et harmonieuses Forces…   Nous le verrons, en le vers apporté par l’instrumentation-Verbale, produit des mouvements de l’Idée créant soi-même son expression en mots dont le sens idéographique et le sens phonétique sont en rapport intime : sens phonétique relevant de la valeur des timbres-vocaux, auxquels s’approprient complémentairement les lettres-consonnes.

742. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Épisode Dans les derniers jours de l’automne qui vient de finir j’allai assister seul aux vendanges d’octobre, dans le petit village du Mâconnais où je suis . […] Comme un fruit de douleurs qui pèse aux flancs de femme Impatient de naître et pleurant d’être  ? […] Qu’il réponde au nom qui le nomme Sans savoir s’il est d’un homme Ou s’il est fils d’un meurtrier ! […] Tous mes enfants sont morts, excepté la Marguerite, qui était la dernière de mes filles, et que vous appeliez la Pervenche des bois, parce qu’elle avait les yeux bleus comme ces fleurs qui croissent à l’ombre, vers la source ; elle a été veuve à vingt-huit ans, et elle a refusé de se remarier pour venir me soigner et me nourrir dans la petite cabane là-haut, où elle est née et où elle restera jusqu’à ma mort ; elle a une petite fille et un petit garçon, qui mènent les bêtes au champ, et qui continuent à servir mes pratiques d’œufs et de pommes.

743. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Vous savez l’anecdote, la légende qui remonte au temps même de La Fontaine : La Fontaine arrivant en retard pour dîner, comme cela lui arrivait très souvent, et disant, pour s’excuser : « Vous me comprendrez, j’étais très occupé : j’étais à l’enterrement d’une fourmi. » Cette légende est peut-être née de ce passage de la Captivité de saint Malc dont je vous parle, et des réflexions de saint Malc sur ce spectacle. […] Tout ce qui naît de doux en l’amoureux empire, Quand d’une égale ardeur l’un pour l’autre on soupire, Et que, de la contrainte ayant banni les lois, On se peut assurer au silence des bois, Jours devenus moments, moments filés de soie, Agréables soupirs, pleurs enfants de la joie, Vœux, serments et regards, transports, ravissements, Mélange dont se fait le bonheur des amants, Tout par ce couple heureux fut lors mis en usage. […] Rien n’est remarquable comme ceci, et cela s’est constaté bien souvent : ce que produisent les hommes qui sont nés pour un genre, lorsqu’ils s’appliquent à un autre genre que celui pour lequel ils sont nés, pourrait être en effet produit par le premier venu. […] De même La Fontaine, qui n’était pas pour le genre dramatique, pour le genre tragique surtout, quand il écrit Achille, écrit comme aurait pu le faire l’abbé Genest, ou Campistron, qui, du reste, n’est pas du tout un versificateur méprisable, ou tout autre.

744. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Elle naquit de l’indigence du langage, et de la nécessité de s’exprimer ; ce qui se démontre par les ornements même dont se pare la poésie, je veux dire les images, les hypotyposes, les comparaisons, les métaphores, les périphrases, les tours qui expriment les choses par leurs propriétés naturelles, les descriptions qui les peignent par les détails ou par les effets les plus frappants, ou enfin par des accessoires emphatiques et même oiseux. Les épisodes sont nés dans les premiers âges de la grossièreté des esprits, incapables de distinguer et d’écarter les choses qui ne vont pas au but. […] Les tours naquirent de la difficulté de compléter la phrase par son verbe. […] Par suite de la même loi, les fables, universaux de l’imagination, durent naître avant ceux du raisonnement et de la philosophie. […] Ce fut dans l’intérêt du genre humain que la Providence fit naître la topique avant la critique.

745. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

. — Jean-Jacques naît à Genève le 28 juin 1712, d’un horloger. […] Autre remarque, essentielle celle-là : Rousseau est protestant. […] Je naquis, dit Jean-Jacques, infirme et malade… Je suis presque mourant… J’apportais le germe d’une incommodité que les ans ont renforcée. […] « L’astronomie est née de la superstition (comment ? […] Je n’avais pas dit non plus que le luxe fût des sciences, mais qu’ils étaient nés ensemble et que l’un n’allait guère sans l’autre.

746. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

ce mot lui-même est terrible ; il dit naître une seconde fois, comme on était . […] Shakespeare est . […] Je pense que je démêle d’où cette erreur est née. […] L’énormité peut faire naître l’illusion de la sublimité ! […] Qui m’eût dit qu’une école naîtrait d’une amusette ?

/ 3570