Cette anarchie incontestable, et que vous voyez, est-elle le mal irrémédiable d’une société condamnée par elle-même à mourir ?… Ou, si elle ne doit pas mourir, quelles sont les conditions de sa vie future ? […] C’est le contraire de la jument de l’Arioste, qui avait toutes les qualités, mais qui était morte. Selon lui, la science aura toutes les puissances qu’on peut avoir… quand elle sera faite ; mais au lieu d’être morte elle n’a pas vécu, parce qu une science qui se cherche n’est pas une science. […] Pour lui, rien n’est mort et rien ne doit mourir.
La poésie ne meurt pas : il y a des printemps, des générations qui naissent, qui se succèdent et qui amènent chacune avec elles leurs fleurs, leurs amours et leurs chants. […] Et, par exemple, on chante encore au Caveau : la lignée de Désaugiers n’est pas morte. […] non, cette poésie française moderne, éclose vers 1819 sous forme lyrique, n’est pas morte, elle n’est qu’éparse et confusément dispersée. […] Une ondulation majestueuse et lente S’éveille, et va mourir à l’horizon poudreux. […] Chacun de ces poètes que j’effleure en passant, mériterait une étude ; mais on doit comprendre maintenant qu’une poésie, dont la culture offre de ces variétés à chaque pas, n’est pas morte.
Vivre et mourir une fois, voilà ce dont tout homme » est assuré. […] Cocceius Nerva, l’inséparable ami de Tibère, jurisconsulte illustre, comblé d’honneurs et de richesses, prend un jour la résolution de mourir. […] Son père, avant de mourir, a remis entre ses mains son jeune frère Paul. […] Or, Paul doit mourir une heure avant Richelieu. […] Le cardinal, qui a reconnu en elle la sœur du jeune homme qui doit mourir le jour même, tente un dernier effort.
Cependant, disons à son honneur que lorsque la marquise, ayant épuisé ses coquetteries à la Cour et en tous lieux, délaissée de son mari, frappée dans sa beauté, se voyant malade et dépérissante, cherchait un lieu où s’abriter, ce fut à Reims, chez MM. de Maucroix, le nôtre et son frère, qu’elle fut recueillie, qu’elle reçut les derniers soins et qu’elle mourut, aussi bien que sa mère, qui y était morte également. […] Prenez au contraire l’abbé de Chaulieu, de vingt ans plus jeune que Maucroix, et qui mourut onze ans après lui, ayant également poussé très loin sa carrière, et vous aurez l’épicurien à la fois de pratique et de système, celui qui, au milieu de ses refrains bachiques ou de ses nonchalances voluptueuses, raisonnera sur la mort en des vers philosophiques selon les principes d’Épicure tour à tour, ou selon ceux du déisme. […] Hier, comme j’en revenais, il me prit au milieu de la rue du Chantre une si grande faiblesse, que je crus véritablement mourir. Ô mon cher, mourir n’est rien : mais songes-tu que je vais comparaître devant Dieu ? […] Il ne mourut qu’en 1708, à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, « ayant conservé jusque dans cette extrême vieillesse toute sa belle humeur, et toute sa fermeté d’esprit jusqu’au dernier soupir ».
Il mourait dans des souffrances atroces. […] les forts ne meurent pas d’une piqûre ! […] Du reste, ils ont raison de ne pas venir, j’aime mieux mourir seul. […] Heine ne mourut qu’à quelque temps de là. […] Ce que le Ranz de l’enfant des Alpes produit, pour qui l’entend, d’ennui, de langueur ardente et de besoin, jusqu’au mourir, de revoir la patrie, Louis Wihl l’éprouve dans Les Hirondelles pour un pays qu’il n’a pas vu, mais qu’en sa qualité de poète il a mieux fait que de voir, puisqu’il l’a rêvé.
Mais si l’amour d’une main sûre, T’a frappée à ne plus guérir ; Si tu languis de ta blessure Jusqu’à souhaiter d’en mourir ; Devant tous et devant toi-même. […] Elle meurt ! […] et presque heureuse, Colombe aux plumes d’or, femme aux tendres douleurs ; Elle meurt tout à coup d’elle-même peureuse, Et, douce, elle s’enferme au linceul de ses fleurs. […] Toi, rentrée en mon sein, je ne dis rien de toi Qui souffres, qui te plains, et qui meurs avec moi ! […] Cette mère qui avait tant souffert du silence de sa charmante et sauvage enfant et de la voir ainsi mourir sans épanchement et sans plainte, arrivée elle-même aux dernières années et aux derniers mois qui précédèrent sa fin, s’enveloppa dans un silence résigné et profond, admettant à peine la lueur du jour, les soins du médecin ami, et les soulagements passagers par lesquels s’entretient l’illusion des mourants : elle s’éteignit elle-même, lentement, muette et sans illusion.