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537. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Sur une poulie ou toute autre mécanique scellée au plafond se dévident les intestins du mort débauché. Ce mort est horrible, et rien ne peut faire un contraste plus singulier avec ce cadavre, cadavérique entre tous, que les hautes, longues, maigres ou rotondes figures, grotesquement graves, de tous ces docteurs britanniques, chargées de monstrueuses perruques à rouleaux. […] Dans le Palais du Gin, à côté des mésaventures innombrables et des accidents grotesques dont est semée la vie et la route des ivrognes, on trouve des cas terribles qui sont peu comiques à notre point de vue français : presque toujours des cas de mort violente. […] Ces gardiens vigilants de la mort se sont coalisés contre l’âme récalcitrante qui se consume dans une lutte impossible. […] Au premier plan d’une de ces images, où règnent un tumulte et un tohu-bohu admirables, un taureau furieux, un de ces rancuniers qui s’acharnent sur les morts, a déculotté la partie postérieure d’un des combattants.

538. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Il amène une mort privée de secousse. […] Les formules précises sont la mort du cœur. […] Ne divise pas la réalité entre la vie et la mort. […] C’est la mort qui enserre la paisible maison. […] C’est un mort.

539. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La mort est le nœud qui serre toute la morale. […] Le mesme passage que vous feistes de la mort à la vie, sans passion et sans frayeur, refaictes le de la vie à la mort. […] … Nous troublons la vie, par le soing de la mort ; et la mort, par le soing de la vie : l’une nous ennuye ; l’aultre nous effraye. […] quand ce seroit la mort mesme ! […] Il ne craint guère de choses, et ne craint aucunement la mort.

540. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Et dans l’élégie dernière de Parny, qu’on relise cet adieu final si pénétré : Le chagrin dévorant a flétri ma jeunesse ; Je suis mort au plaisir, et mort à la tendresse. […] que Parny n’est-il mort comme son ami Bertin au sortir de la jeunesse, à la veille des tempêtes sociales qui allaient soulever tant de limon ! […] Sa mort, au milieu des graves circonstances publiques, excita de sensibles, d’unanimes regrets, et rassembla, un moment, tous les éloges. […] La tristesse s’envolait, je répondais à ton sourire ; je suivais tes pas, ô Consolateur, avec le sentiment de la mort dans mon sein ; j’étais heureux au bord du néant. […] La mort habite dans mon cœur, mon deuil de toi est immense : deuil sacré !

541. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

« C’est l’heure de ceindre, d’enlacer à nos cheveux ou le myrte vert ou les fleurs nouvelles que la terre attiédie fait éclore. » Puis, tout à coup, passant sans transition de ces images de toutes les choses renaissantes qui convient les sens à jouir à la pensée de la mort qui commande aux vivants de se hâter de vivre : « La pâle Mort, s’écrie-t-il dans un vers d’un accent aussi funèbre qu’inattendu, la pâle Mort secoue d’un pied indifférent la porte de la cabane du pauvre ou des tours des palais des rois ; là, heureux Sextius, la brièveté de la vie nous interdit de concevoir les longues espérances. […] » Mais, plus sensible au beau qu’au patriotisme, le voilà qui chante l’héroïque suicide de la reine d’Égypte, Cléopâtre, se réfugiant dans [ la mort, après sa flotte détruite, contre la vengeance des Romains. […] Rendue plus fière par la certitude d’une mort volontaire et délibérée, elle ravit à nos vaisseaux victorieux l’orgueil d’emmener une reine supérieure à sa destinée au char des triomphateurs à Rome !  […] Nous sommes tous chassés vers le même but par la mort ; plus tôt ou plus tard, notre sort est agité dans la même urne ; il en sortira, ce jour qui nous condamne à entrer tous dans la barque de notre éternel exil !  […] Varron, frère de Térentia, subit la mort quelques années après, pour avoir conspiré contre Auguste.

542. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quand la mort viendra le réclamer, il mourra tout entier, et nos enfants ne sauront même plus son nom. […] Alfred de Musset est mort, et chaque jour il assiste à son propre enterrement ; son talent est irrémissiblement perdu. […] Cet homme-là doit souvent voir le diable en rêve, et cependant, je vous le dis en vérité, le diable est mort : il y a longtemps que la science l’a tué. […] En Égypte, en Nubie, en Syrie, en Grèce, en Italie, partout enfin, j’ai vu des ruines, j’ai vu des palais et des temples, mais les rois sont morts et les dieux sont oubliés. […] Les héros de ces temps peu regrettables sont morts ; leurs passions, leurs mœurs, leurs religions sont mortes aussi.

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