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392. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

C’est bien l’homme qui a essayé d’acclimater en France le journal moral à l’imitation du Spectateur : Marianne et Jacob sont d’infatigables moralisateurs. […] Manon est une petite fille sans instinct moral, qui ne sait qu’aimer son chevalier. […] La Nouvelle Héloïse 503 est, avant tout, un roman philosophique : une foule de thèses sociales et morales sont posées, discutées, résolues dans des lettres particulières ; et le roman lui-même, dans l’ensemble de son développement, démontre une des thèses favorites de Jean-Jacques.

393. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Ce sont les idées générales, c’est-à-dire les vérités de l’ordre philosophique et de l’ordre moral dont l’expression, dans un langage définitif qu’elles seules peuvent inspirer, constitue la littérature ou l’art. […] J’entends enfin les vérités de l’ordre moral qui se déduisent des vérités philosophiques, la connaissance de l’homme tel qu’il est, pouvant seule nous apprendre ce qu’il doit être. […] Elles ont dans quelques pages de Comines, l’autorité de maximes de politique et de convictions morales.

394. (1886) De la littérature comparée

Taine peut dire : « La question posée en ce moment est celle-ci : étant donné une littérature, une philosophie, une société, un art, telle classe d’arts, quel est l’état moral qui le produit ? et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? Il y a un état moral distinct pour chacune de ces formations et pour chacune de leurs branches ; il y en a un pour l’art en général et pour chaque sorte d’art ; pour l’architecture, pour la peinture, pour la sculpture, pour la musique, pour la poésie ; chacune a sa loi, et c’est en vertu de cette loi qu’on la voit se lever au hasard, à ce qu’il semble, et toute seule parmi les avortements de ses voisines, comme la peinture en Flandre et en Hollande au xviie  siècle, comme la poésie en Angleterre au xvie  siècle, comme la musique en Allemagne au xviiie  siècle.

395. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Son âme basse a traduit le nihilisme métaphysique en nihilisme moral. […] Léon Daudet surtout est une âme désemparée, un mélange de révolte exaspérée et de soif d’obéir, un chaos d’ambitions vers le repos moral et d’âpres désirs de pécher. […] Ils ne savent jamais être eux-mêmes sincèrement, tranquillement, ignorer en toute innocence que des gens se sont permis de formuler des règles morales universelles. » Je n’aurai pas la cruauté de juger après sa chute un esprit dont j’aimai le départ hésitant.

396. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Ainsi, on le voit, dès le principe, dispose à embrasser avec une raisonnable égalité de talent une grande diversité d’études, toutes animées d’un même esprit, — le désir de contribuer au perfectionnement moral, au bonheur et à l’aisance du plus grand nombre possible de ses semblables. […] Le fait est que, grâce à ce concours d’écrivains occupés à répandre de saines idées économiques et morales, des idées pacifiques, l’action des écrivains hostiles est tenue en échec ; le niveau de la morale publique se maintient. […] Durant trente ans il médita donc ce sujet, historique, le plus fécond en réflexions morales ; il lut tout ce qui s’imprimait là-dessus, il interrogea les contemporains les mieux informés ; il dut à la confiance qu’inspirait son caractère d’obtenir communication de mémoires inédits : en un mot, il ne négligea aucune recherche, aucune enquête, pour arriver à la vérité.

397. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Le premier de ces écrits, intitulé : Des préjugés (1762), indique un esprit tourné par goût aux considérations morales ; c’est comme un chapitre des Essais de Nicole, dans lequel sont distingués les préjugés de divers genre et de diverse nature : les préjugés d’usage et de société, ceux de parti, ceux qui tiennent au siècle, etc. […] C’est qu’il s’est déjà accoutumé à prendre la religion surtout par le côté pratique et moral : « La religion ne détruit point l’homme, mais elle établit le vertueux. » Ainsi acheminé, dès ses premiers pas, dans une voie de prudence et de droiture, le jeune homme devint, à dix-neuf ans, avocat au parlement d’Aix, et s’y concilia aussitôt l’estime. […] Le discours qu’il prononça en cette occasion fut un événement moral, et d’un retentissement immense.

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