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773. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

C’est dans le monde administratif que M.  […] « C’eût été misérable pour tout le monde, et, vous le savez, indigne de moi. […] pas le moins du monde ! […] Si vous saviez comme ce bruit, horrible pour tout le monde, est charmant pour moi ! […] Arrivé là Charles commanda à déjeuner pour tout le monde.

774. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Comme c’est dans un monde d’exception qu’évoluent tous ces personnages, M.  […] le monde est étroit. […] Malasvon domine tout ce monde. […] Tout ce monde fourmillait, grouillait, raillait, braillait. […] Il emportait avec lui tout ce qui lui restait au monde.

775. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Ses Fables effacent ou atténuent ce qu’il y a d’odieux et de malheureux dans le monde. […] 12 Ayant écrit au prince de Conti un récit des mésaventures de Mlle de La Force, il le supplie de ne montrer sa lettre à personne. « Mlle de La Force est trop affligée, et il y aurait de l’inhumanité à rire d’une affaire qui la fait pleurer si amèrement. » Quoique distrait et indifférent à ses propres affaires, sitôt que des gens affligés venaient le consulter, « non-seulement il écoutait avec une grande attention, mais il s’attendrissait, il cherchait des expédients, il en trouvait, il donnait les meilleurs conseils du monde. » Il fut l’ami le plus fidèle, et défendit devant le roi Fouquet disgracié. […] Plus que personne, il en a eu les deux grands traits, la faculté d’oublier le monde réel, et celle de vivre dans le monde idéal, le don de ne pas voir les choses positives, et celui de suivre intérieurement ses beaux songes. […] Il était dans ce monde charmant où les hommes sensés n’entrent jamais, qui n’est ouvert qu’aux simples d’esprit, aux gens un peu fous, aux rêveurs. […] L’illusion le prend, sa raison s’en va, les choses se transfigurent, une lumière divine se répand sur le monde, le vieux moqueur atteint l’accent, le ravissement de Platon et de Virgile.

776. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il épure sa raison pour se préserver de l’erreur ; éclairé sur la valeur réelle des objets, il sçait les apprécier ; au-dessus des illusions du monde, on ne le verra point se passionner pour de petits objets, vendre son tems & son existence, épouser de misérables quérelles, se plonger dans le cahos d’affaires épineuses qui se succédent comme les flots d’une mer agitée, son ame égale & tranquille cherche a vérité, loin du bruit & du tumulte, & rejette les funestes préjugés qui tourmentent ceux qui se prosternent devant eux. […] Les plaisirs vous invitent, la volupté devient plus séduisante lorsque vous vous refusez à ses attraits, il faut, nouveaux Ulisses fermer l’oreille au chant des trompeuses Sirennes, vous couvrir de votre solitude comme d’un Egide impénétrable, fuir le monde pour lui devenir utile, embrasser la retraite autant par goût que par raison ; c’est là que votre ame ne se renferme pas dans le cercle étroit du présent qui s’échappe, mais s’élance dans ces espaces immenses qui la rapprochent des Ecrivains de tous les tems. […] Mais n’outrons rien, ceux qui ont le malheur d’être grands, peuvent être justes, modérés, sensibles, & indépendamment de leur nom, l’homme de Lettres se lie avec ceux qu’un même goût pour les Arts enflamme, & qui déposant l’appareil fastueux de leurs dignités, ne le reprennent qu’au moment où ils sont forcés d’aller jouer leur rôle sur la scene du monde. […] Je te vois fier Lucain, c’est sous un Néron que tu composes ton Poëme ; c’est à son orgueil barbare que tu osas disputer la palme de la Poësie, c’est toi qui péris à vingt-sept ans pour la liberté ; les flots de ton sang rougissent ton bain, tu souris, & tu abandonnes un monde où ne pouvoit plus respirer un homme. […] On entend par loix inutiles, ces loix d’usage & de convention reçues dans le monde, & qui sont aussi fatiguantes qu’elles sont ridicules.

777. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

Le monde apparaît à l’artiste impressionniste comme un flux et un reflux de sensations, comme un remous d’apparences fugaces, comme une aurore boréale ou un feu d’artifice sentimental. […] Si le monde tel qu’il est en lui-même nous échappe et si nous n’en saisissons que d’illogiques et incompréhensibles apparences, l’artiste ne peut ambitionner de donner de la réalité qu’une expression symbolique et il choisit forcément les symboles appropriés à sa propre sensibilité44. […] Elle substitue au monde réel et à la vie pratique ou nous devons déployer notre activité utile et remplir notre tâche d’êtres moraux, une image de rêve, un mirage qui nous abuse et nous égare. […] Loin de demander à l’œuvre d’art d’émouvoir tous les hommes de la même façon, il considère que la fonction et l’intérêt de l’art eût d’exprimer l’originalité sentimentale de l’artiste, sa représentation du monde dans ce qu’elle a de plus intime et de plus personnel. […] Il est impossible de méconnaître la beauté de l’art pessimiste d’un Baudelaire, d’un Heine, d’un Leopardi, d’un Lenau, d’un Leconte de Lisle, de même que celle de l’évocation du néant qui termine si magnifiquement Le Monde comme volonté et comme représentation.

778. (1842) Essai sur Adolphe

Comme elles aperçoivent en dedans un monde supérieur plus grand, plus beau, plus varié ; comme elles ont peuplé leur conscience des souvenirs d’une vie imaginaire ; comme elles comparent incessamment le spectacle de leurs journées au spectacle de leurs rêveries, le dédain et l’impertinence ne sont chez elles qu’une forme particulière de la douleur. […] Ellénore a déjà aimé ; elle a déjà connu toutes les angoisses et tous les égarements de la passion ; elle s’est isolée du monde entier, pour assurer le bonheur de celui qu’elle a préféré. […] Je subirai, sans détourner la tête, les affronts et le mépris de ce monde qui me conviait à ses fêtes, et que j’ai quitté. […] Déjà fléchissante et ridée, elle sera fière d’avoir été distinguée par un homme destiné à tous les succès du monde. […] Aucun des deux ne voudra être vaincu en générosité, et, pour ne pas laisser entrevoir son désabusement, chacun redoublera de prévenances, parlera de l’avenir avec de célestes espérances, traitera le reste du monde avec un dédain fastueux, cachera ses larmes sous l’ironie et la jactance, et fera de la ruse le premier de ses devoirs.

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