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359. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Les théories de l’« Art poétique » (Fin) Quand on sait combien Boileau a été insouciant de l’histoire et des formes accidentelles qui manifestent diversement l’unité essentielle du type humain, on ne s’attend guère à rencontrer dans l’Art poétique, au IIIe chant, à propos de la tragédie, des vers tels que ceux-ci : Des siècles, des pays, étudiez les mœurs ; Les climats font souvent les diverses humeurs. […] Tout le Dialogue des héros de roman n’est aussi qu’une parodie, qui fait ressortir le contraste perpétuel des mœurs et de la Fable dans un certain nombre de romans et de tragédies du temps : Boileau n’admet pas qu’on représente la cour et la ville sous le costume romain ou persan. […] Il y avait, au moins dans les mœurs extérieures, plus de gravité, de tenue, de décence : la « bête humaine » était muselée, sinon détruite. […] On peut regretter d’être obligé de recourir à de tels expédients pour faire goûter le beau naturel des anciens : mais tant qu’une société n’a pas des mœurs et un goût qui lui rendent aimable la grossièreté de l’humanité primitive, la pire infidélité, après tout, c’est de prendre, pour traduire les anciens, les mots qui en inspirent le dégoût et la dérision : mieux vaut ne pas donner tout Homère, que de rendre tout Homère ridicule. Voilà tout ce que Boileau veut dire ; quand il parle de la noblesse des mots grecs, il entend tout bonnement qu’Homère n’est pas trivial, relativement aux mœurs de son pays, quand l’interprétation littérale le fait tel, relativement aux nôtres : ce qui est absolument juste.

360. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il était persuadé d’avoir travaillé à corrompre les mœurs, à perdre les âmes. […] Il laissa la tragédie politique, la psychologie des sentiments médiocres et des caractères froids ; mais il chassa de la scène la fade galanterie On lui a reproché d’avoir modernisé tous ses sujets, et l’on n’a voulu voir en lui que le peintre des moeurs de cour, affinées et polies : il est vrai que quelques-uns de ses jeunes premiers, Xipharès ou Bajazet, Tendres, galants, doux et discrets, ont un peu l’air de courtisans français, très idéalisés. Mais nous verrons que Racine a beaucoup mieux regardé qu’on ne dit communément les mœurs locales, la couleur particulière de chacun de ses sujets. […] Les éléments d’une vision complète et colorée lui ont manqué, et le style de la pièce est plus pragmatique que poétique ; cependant il est visible qu’il a utilisé avec soin toutes les indications de mœurs et d’institutions, qui pouvaient l’aider à former une représentation sensible du sujet. […] Des mœurs de convention s’établissent : l’observation directe de la nature cède la place à des formules arrêtées, dont, au nom de la dignité tragique, il ne sera plus permis de se départir.

361. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

« Et la postérité, ajoute-t-il, lui faisant justice et voyant en lui des mœurs tout conformes à celles de ces grands hommes de l’antiquité, admirera la candeur et l’ingénuité de cet esprit élevé au-dessus du commun, quoique les hommes jaloux maintenant de sa gloire ne veuillent pas reconnaître une vertu si sublime. » C’est sa franchise qui lui attire ces libelles diffamatoires dont les auteurs ont pris dans ce qu’il dit de lui le spécieux prétexte et la matière de toutes leurs accusations. […] Le goût ne pouvait sur ce point devancer les mœurs. Or, au seizième siècle, un mélange de rudesse gauloise et de grandeur imitée de Plutarque, la licence propre aux temps où la violence et le danger rendent la vie précaire, la corruption de l’Italie en décadence, formaient les mœurs de la cour, sur laquelle se modelait la nation. […] Pour comble, Richelieu prenait ombrage de sa gloire, et de la même main qui en 1624 l’avait loué d’un style si délicat, lui écrivait en 1627, au plus fort de ses succès : « Je n’ai point celé à un de vos amis que je trouvais quelque chose à désirer en vos lettres, en ce que vous y mettez d’autrui ; craignant que la liberté de votre plume ne fit croire qu’il y en eût en leur humeur et en leurs mœurs, et ne portât ceux qui les connaîtraient plus de nom que de conversation à en faire un autre jugement que vous ne souhaiteriez vous-même11. » Est-ce à cause de cette indépendance d’esprit, ou de cet éclat qui le rendait si visible, que Balzac manqua l’évêché dont Richelieu l’avait quelque temps flatté ? […] Il répondait, directement ou par allusion, à ce qu’on avait écrit de fort injuste sur ses mœurs et sur son prétendu dessein de troubler le repos public, de trop vrai sur sa vanité, sur son peu de savoir en théologie, sur la stérilité de son imagination.

362. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ces caractères méritaient sans doute d’être traités suivant les mœurs des Grecs et des Romains. […] Caffaro que saint Thomas lui-même, dans son indulgence pour les spectacles, n’a jamais songé à permettre un outrage public fait aux bonnes mœurs. […] Il était impossible de mieux démontrer que ne l’a fait Bossuet, que la comédie était, non pas l’école des mœurs, mais l’école des passions. […] Ce sont ses mœurs, ses amours, ses amitiés, qu’il a placés là tout exprès pour en tirer la plus admirable comédie du théâtre, la première comédie de mœurs qui eût été entreprise par Molière ! […] Mademoiselle Mars l’avait très bien compris, ce périlleux passage du génie à l’esprit, des mœurs sévères aux mœurs relâchées.

363. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Les mœurs. […] Les mœurs populaires ; — Pageants. —  Théâtres. —  Fêtes de village. —  Expansion païenne. […] Cowley a ces mœurs et il est de ce monde. […] Leur imagination est trop peu réglée et leurs mœurs sont trop peu polies. […] Il recommande aux moralistes d’observer l’âme, les passions, les habitudes, les tentations, non en oisifs, mais en vue de la guérison ou de l’atténuation du vice, et donne pour but à la science des mœurs la réformation des mœurs.

364. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Sa morale ne leur plaît pas davantage, & en beaucoup d’endroits ils la trouvent très-dangereuse pour les bonnes mœurs. […] Plaute a ce tour original que donne une imagination qui n’est captivée ni par les regles de l’art, ni par celle des mœurs. […] Si Catulle corrompt les mœurs, les sentences de Publius Syrus peuvent les former. […] Juvenal avoit étudié les mœurs de son tems dans l’école du monde ; le P. […] Quand le christianisme eut éclairé les hommes, il épura leurs mœurs, mais il ne put parvenir à perfectionner leur goût.

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