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3488. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

C’est ce que Péguy disait quand il disait que par la création de la liberté de l’homme et par le jeu de cette liberté Dieu s’est mis dans la dépendance de l’homme. […] Puis, lorsque j’ai voulu descendre à celles qui étaient plus particulières, il s’en est tant présenté à moi de diverses, que je n’ai pas cru qu’il fût possible à l’esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, d’une infinité d’autres qui pourraient y être si c’eut été le vouloir de Dieu de les y mettre, ni par conséquent de les rapporter à notre usage, si ce n’est qu’on vienne au devant des causes par les effets, et qu’on se serve de plusieurs expériences particulières. […] Parlez-moi surtout d’une certaine fidélité à la réalité, que je mets au-dessus de tout.

3489. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Mais il faut aussi mettre en compte que très peu d’animaux se reproduisant volontiers en réclusion, très peu d’expériences ont été convenablement tentées : ainsi le Serin a été croisé avec neuf autres Passereaux ; mais, comme aucune de ces neuf espèces ne se reproduit en réclusion, nous ne pouvons nous attendre à ce que le premier croisement entre elles et le Serin, ou entre leurs hybrides, soit parfaitement fécond. […] — La question de fécondité mise à part, la postérité des espèces ou des variétés croisées peut donner lieu à d’autres points de comparaison. […] À tous autres égards, et la question de la fécondité mise de côté, on constate de grandes ressemblances générales entre les hybrides et les métis.

3490. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Ce que la vie et la société exigent de chacun de nous, c’est une attention constamment en éveil, qui discerne les contours de la situation présente, c’est aussi une certaine élasticité du corps et de l’esprit, qui nous mette à même de nous y adapter. Tension et élasticité, voilà deux forces complémentaires l’une de l’autre que la vie met en jeu. […] Un philosophe contemporain, argumentateur à outrance, auquel on représentait que ses raisonnements irréprochablement déduits avaient l’expérience contre eux, mit fin à la discussion par cette simple parole : « L’expérience a tort. » C’est que l’idée de régler administrativement la vie est plus répandue qu’on ne le pense ; elle est naturelle à sa manière, quoique nous venions de l’obtenir par un procédé de recomposition.

3491. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Jouir de tous les menus faits de l’existence, jouir à tous moments, faire de toute circonstance une source d’agrément, chercher la jouissance de toute sa volonté, mettre en cette jouissance la plus grande somme possible de volupté cérébrale, voilà la règle essentielle du dilettantisme. […] Les philosophes idéalistes et en particulier Emmanuel Kant avaient mis en suspicion l’existence objective du Monde extérieur. « La seule réalité, c’est la pensée » avait dit le génial maniaque de Kœnisberg. […] Le but à atteindre n’est plus de conter, de mettre des idées ou des faits les uns au bout des autres, mais de rendre chaque objet qu’on présente au lecteur, dans son dessin, sa couleur, son odeur, l’ensemble complet de son existence. […] Et les poètes vers ces héros se mettent en marche, afin de les leur restituer. […] Le laboureur met toute sa gloire à creuser un sillon, et le potier toute sa joie à caresser la glaise, à la polir, à l’arrondir.

3492. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Un jour, il avait vingt-deux ans, il allait rejoindre le régiment de Foix à Bordeaux ; se trouvant dans une auberge, à Poitiers, avec un officier d’un autre corps qui avait trente-six ans, il fut d’un étonnement extrême de voir cet homme faire encore le galant auprès du sexe et le séducteur ; il ne pouvait se persuader qu’à trente-six ans ces façons de jeunesse ne fussent point mises de côté pour des soins plus sérieux, et il dit à ce sujet des choses d’une grande innocence peut-être, mais d’une belle et pure élévation. […] Il aurait pu y mettre en épigraphe cette pensée de lui : « J’ai vu, au sujet des vérités si importantes pour l’homme, qu’il n’y avait rien de si commun que les envies, et rien de si rare que le désir. » Quand on songe que ce dernier ouvrage, L’Homme de désir, paraissait en regard des Ruines de Volney, on sent que le siècle, à ce moment extrême, était en travail, et qu’en même temps qu’il donnait son dernier mot comme négateur et destructeur, il lui échappait une étincelle de vie qui, toute vague qu’elle était, disait que l’idée religieuse ne pouvait mourir.

3493. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Docile aux désirs de sa famille, Lamartine profita de sa réussite pour mettre un pied dans la carrière diplomatique, et il fut attaché à la légation de Florence. […] Quand le Cygne vit l’Aigle, comme lui dans les cieux, y dessiner mille cercles sacrés, inconnus à l’augure, il n’eut qu’à vouloir, et, sans rien imiter de l’Aigle, il se mit à l’étonner à son tour par les courbures redoublées de son essor. 

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